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Crédit photo : Roxanne Ross
Unir les différences pour mieux se comprendre
Creatrix est né de l’imaginaire de Mona en collaboration avec sa mère. En 2022, elle a envoyé sa candidature pour une résidence artistique accompagnée par le programme Alliance du MAI. Avec ce projet, elle souhaitait rendre la danse contemporaine accessible à tous·tes et réussir à expliquer son métier à sa famille de scientifiques.
C’est pourquoi elle a eu l’idée de faire appel à Hala pour combiner leurs champs d’expertise. «Je pensais que le mieux était d’inviter ma mère dans le processus afin de trouver un moyen, pour elle, d’intégrer son monde dans mon monde, et pour moi, de le partager. C’était aussi une façon d’inclure notre relation au projet», a confié Mona.
Malgré sa carrière de professeure de sciences, Hala est attirée par la danse depuis sa tendre enfance, mais elle n’a jamais eu la chance de fouler les planches. Sa fille l’a d’ailleurs invitée plusieurs fois à des spectacles, mais elle n’en saisissait pas toujours le sens, se disant que l’interprétation devait être propre à chaque spectateur·trice.
«Pour contribuer au projet de Mona, je suis venue découvrir comment émerge le processus créatif et ce qu’il peut représenter au plus profond de l’artiste. Je l’ai bien compris maintenant depuis que je suis devenue une performeuse. Je n’aurais jamais imaginé qu’à l’âge de 65 ans, je me produirais au théâtre», a raconté Hala.
Quand l’art devient une méthode d’enseignement
Dans le cadre de ses cours, Hala prône les stratégies artistiques ou ludiques pour enseigner la science à ses étudiant·es et ainsi rendre la matière plus intéressante pour eux.
Par exemple, pour leur apprendre le cycle cardiaque et son fonctionnement, elle illustre un cœur au sol et les incite à danser dans ce qui représente les artères afin qu’ils comprennent la trajectoire du sang dans le corps. Elle remarque que cet exercice rend la matière plus facile à apprendre.
Mona El Husseini a repris cette méthode à travers le processus d’abstraction de son projet. Plusieurs dessins de cœurs sur papier se retrouvent ainsi dans l’espace, dansés sur scène.
Lier le présent au passé, et pourquoi pas au futur?
Au départ, le duo analysait la danse Baladi égyptienne à proprement parler d’un point de vue physique. Mona isolait des mouvements lorsque le reste du corps se trouvait inactif. De son côté, Hala voulait montrer quel muscle servait chaque mouvement et la construction de ceux-ci.
«Nous avons d’abord mis des contraintes physiques sur le corps pour voir comment il peut se mobiliser différemment et comment nous pouvons abstraire cette danse très familière. […] C’était vraiment juste physique au début. Puis, j’ai commencé à penser aux contraintes des danseur·ses de Baladi dans certaines sociétés, à leur liberté et à comment ils·elles s’expriment dans les célébrations ou les mariages», a expliqué Mona.
Hala raconte qu’à son époque, en Égypte, seul·es les professionnel·les de Baladi dansaient dans les célébrations. Les invités regardaient les performances sans y participer, puisque c’était mal vu. Aujourd’hui, tout le monde peut entrer dans la danse lors des grands événements.
C’est ainsi qu’elles ont décidé d’inclure dans le spectacle des bribes d’histoire familiale racontées de génération en génération. Chaque fois que Mona retournait en Égypte, elle ramenait de vieux souvenirs familiaux de chez ses grands-parents, comme des photographies, des cartes postales et des lettres.
Hala et elle avaient le projet de passer à travers ensemble pour s’imprégner de l’histoire des gens qu’elles n’ont pas connus.
Savourer l’art, chacun à sa façon
Fébrile à l’idée de présenter le fruit de leur projet, Mona souhaite avant tout faire connaître son histoire, celle qu’elle partage avec sa mère ainsi que celles de ses ancêtres.
«C’est une façon de poursuivre ce patrimoine et cet héritage familial, et de remettre encore une fois en question cette idée de composantes opposées de notre identité, individuellement et ensemble. Comment étions-nous quand nous vivions là-bas, et comment étions-nous quand nous sommes arrivé·es ici? Comment les gens avant nous vivaient-ils?», partage Mona.
Hala souligne que l’un des messages clés du spectacle reste la connexion entre différentes cultures pour marier la danse Baladi égyptienne d’hier avec la danse contemporaine.
Elle ajoute: «je souhaite aussi inspirer les gens qu’à tout âge, il est possible d’atteindre ce à quoi on aspire, même à la retraite ou si on a manqué de temps. Avant, je n’avais pas eu le temps d’explorer mes intérêts ou même de regarder mes vieilles photos de famille, ou encore de lire des livres. Il y aura toujours un moment pour le faire, et il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves!»
Toutes deux demeurent curieuses de voir la réaction du public face à leur projet puisqu’après tout, l’art peut être interprété différemment par chaque spectateur·trice.
Partager ses découvertes au grand jour
Prenez un moment avant ou après la représentation pour contempler l’exposition d’art visuel intitulée Family Portraits, réalisée par Mona El Husseini au café-bar du MAI. Elle présente ce projet comme étant son premier mémoire graphique. Ce dernier rassemble les histoires de ses ancêtres transposées dans ses propres mots et illustrations.
Avec ce processus créatif, elle réussit à se sentir connectée aux membres de sa famille qu’elle n’a jamais eu la chance de connaître. C’est aussi sa façon à elle de les faire vivre à nouveau. Un zine sera également vendu sur place en complément au spectacle.