LittératureDans la peau de
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Tommy, nous sommes ravis de vous accueillir à cette série d’entrevues! D’abord, parlez-nous de vous et de votre honorable parcours académique dont vous devez être fier: vous êtes détenteur d’un baccalauréat en études internationales du collège Glendon de l’Université York de Toronto et d’un diplôme d’études approfondies en relations internationales de l’Institut de hautes études internationales de Genève. Ce n’est pas rien! Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce domaine en particulier?
«Contrairement à plusieurs personnes, j’ai eu la chance de ne jamais avoir à me poser la question sur mes études. J’ai toujours su, depuis l’âge de 12 ans, que je voulais étudier en relations internationales. Au Cégep Garneau, j’avais participé au Programme du diplôme du Baccalauréat International (IB), qui comprenait un stage anthropologique au Mexique. Ça m’a donné la piqûre pour voyager et découvrir le monde.»
«D’ailleurs, la première chose que j’ai faite à Toronto, ç’a été de m’inscrire à un échange d’une année à la Universidad de las Americas de Puebla au Mexique. Ma dernière année à Toronto, dans la file de la cafétéria, un collègue m’a demandé où j’avais postulé pour la maîtrise. J’ai répondu “London School of Economics et Science Po Paris”! Il m’a demandé pourquoi je ne postulerais pas à Genève juste pour voir…»
«J’ai donc appliqué, mais en pensant que je serais assurément refusé. À ma grande surprise, j’ai été accepté! Je me suis retrouvé à Genève, dans l’une des plus prestigieuses écoles de relations internationales au monde, un peu par hasard!»
Vous êtes originaire de Québec, où vous travaillez actuellement comme consul honoraire d’Espagne depuis 2017. De plus, vous êtes fort actif dans la vie artistique, culturelle et diplomatique de la capitale, partageant çà et là votre temps «entre les relations internationales et la gestion de projets culturels, historiques et patrimoniaux». Parlez-nous brièvement de vos fonctions et de votre quotidien, on est curieux d’en savoir plus!
«En tant que consul honoraire d’Espagne à Québec, je fournis des services consulaires aux visiteurs, touristes et citoyens espagnols. J’assure aussi certaines relations officielles avec le ministère des Relations internationales et de la francophonie du Québec (MRIF).»
«En 2018 et 2019, j’ai eu la chance de réaliser une série télévisée sur le travail des consuls honoraires dans la région de Québec sur MAtv. Depuis mon retour à Québec en 2013, j’ai dirigé de nombreuses années le Lieu historique national du Canada de la Cathédrale-Anglicane-Holy Trinity, où j’ai eu le plaisir de développer de nombreuses séries de concerts de musique de chambre.»
«Je me suis aussi impliqué dans de nombreux conseils d’administration, entre autres ceux de Destination Québec Cité, la Corporation du Patrimoine et Tourisme Religieux de Québec, le Conseil international du Canada (CIC), le Conseil de quartier du Vieux-Québec–Cap-Blanc–colline Parlementaire et le Club musical de Québec.»
«Sinon, je me tiens très occupé comme guide touristique. J’adore faire découvrir la Ville de Québec, non seulement aux visiteurs étrangers, mais également aux locaux.»
Le 17 octobre, les éditions du Septentrion, dont la collection brille de petits trésors de savoir, feront paraître en librairie Premio-Real dans la capitale: Voyage sentimental d’un aristocrate et diplomate espagnol à Québec au XIXe siècle, un ouvrage ayant nécessité trois ans et demi de recherches au Canada et en Espagne, et à travers lequel vous retracez les moments charnières de la vie de José Antonio de Lavalle, aussi connu en tant que Son Excellence le compte de Premio-Real. Ce dernier a travaillé à la Ville de Québec comme consul général d’Espagne vers la fin du XIXe siècle. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire un livre à son sujet?
«À l’automne 2017, lors de la célébration de la fête nationale espagnole et de la cérémonie de ma prise de poste consulaire, le consulat général d’Espagne à Montréal avait prononcé quelques mots au sujet de l’un de nos lointains prédécesseurs au destin particulier. Bien qu’oublié aujourd’hui, cet homme haut en couleur semble n’avoir laissé personne indifférent dans la Capitale-Nationale pendant son passage au dernier quart du XIXe siècle.»
«Concours de circonstances, quelques mois plus tard, un historien espagnol m’a contacté pour avoir de l’information sur le lieu de sépulture du comte de Premio-Real à Québec. Cela a piqué ma curiosité et m’a incité à faire davantage de recherches sur le fameux personnage, un homme excentrique aux talents artistiques reconnus, et à les partager par la suite avec l’historien espagnol qui m’avait contacté.»
«L’arrivée du noble diplomate espagnol dans ma vie a donc été un réveil intellectuel, et j’ai agréablement accepté d’entrer dans un projet plus large pour me consacrer à l’écriture d’un ouvrage sur le 3e comte de Premio-Real.»
Ce livre est le premier ouvrage portant sur ce diplomate aguerri et haut en couleur, dont plusieurs contemporains tels que Louis Fréchette, Calixa Lavallée et Joseph Vézina lui ont rendu hommage à travers leurs œuvres. Dites-nous, vous qui connaissez par cœur la vie de cet éminent homme de lettres, architecte, mathématicien, compositeur et mécène, sans trop nous révéler de détails, qu’est-ce que nos lecteurs et lectrices découvriront, au fil des pages, en liant votre livre?
«Vos lecteurs découvriront un homme certes un brin excentrique, très à cheval sur le protocole, mais également extrêmement accessible et généreux. À une époque où très peu de gens de Lettres à Québec peuvent vivre de leur plume, le comte de Premio-Real a aidé plusieurs auteurs et musiciens, grâce à son soutien comme mécène.»
«Plusieurs se demanderont comment on a pu oublier un personnage si important pour son époque. Car en plus d’aider ses amis artistes, ses propres réalisations artistiques sont d’un grand intérêt. Il a notamment publié le premier recueil pour chant et piano au Canada, dont les paroles ont été écrites en français, en anglais, en espagnol et en italien.»
«Il était également d’une clairvoyance inouïe face à certaines questions étrangement d’actualité de nos jours, dont la déforestation et les changements climatiques. Oui, oui! Le comte soulève clairement la question des changements climatiques et de leurs possibles impacts dévastateurs, déjà en 1879!»
Votre ouvrage va bénéficier d’un beau rayonnement à l’international, puisqu’une traduction espagnole devrait paraître très prochainement pour une publication en Espagne. Toutes nos félicitations! En guise de mot de la fin: si vous aviez eu l’opportunité de côtoyer le Premio-Real alors qu’il travaillait pour le Dominion du Canada de 1874 à 1888, année de son décès, qu’auriez-vous aimé lui dire?
«Alors, nous explorons actuellement les possibilités de traductions, mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué! Il existe une belle demande pour le livre en Espagne, et j’espère que ce projet se concrétisera prochainement!»
«Pour la conversation hypothétique avec le personnage, j’aurais aimé échanger avec lui sur sa ville natale Jerez de la Frontera, que j’affectionne particulièrement. J’aurais également aimé discuter de la situation politique de l’Espagne de l’époque et connaître son opinion sur tous les événements qui se sont bousculés lors du sexennat démocratique de 1868-1874.»
«En tant qu’homme essentiellement libéral, mais attaché aux idéaux aristocratiques, j’aurais aimé connaître sa perspective sur cette époque touchée par une révolution, l’exil d’une reine, une régence, une nouvelle famille royale, une première expérience républicaine, une dictature, une seconde restauration Bourbonne, le tout entremêlé d’une troisième guerre carliste et d’une première guerre d’indépendance cubaine!»