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«Design intérieur» de Brigitte Saint-Aubin chez Duceppe: une métaphore sur le sens de la vie
Les rénos du coeur
Crédit photo : LePetitRusse
Dès les premières minutes, et ce, devant une salle enveloppée d’une lumière crue, l’actrice nous plonge au coeur de son épopée collégiale. On s’y croirait presque. On respire l’odeur particulière de l’humidité entre les murs du cégep. La mélodie de la pièce «Suzanne» de Leonard Cohen résonne à la radio étudiante, lui remémorant son passage à l’École de théâtre du Cégep Saint-Hyacinthe en 1994. Elle avait 23 ans. À 45 ans, c’est comme si rien n’avait changé.
Puis, tranquillement, de manière subtile, on bascule dans l’univers théâtral. La salle est alors plongée dans l’obscurité et l’actrice entonne «La mer à boire». Le charme de ses compositions poétiques, tant les paroles que la mélodie caressante, opère spontanément. Son interprétation ressentie et sensible nous berce tout au long de la pièce.
Son album Design intérieur, composé de treize pièces, est d’ailleurs disponible sur plusieurs plateformes, dont celle de Bandcamp.
Une prémisse anodine, mais une pièce riche en questionnements
La prémisse, celle d’un retour aux études à 45 ans, en apparence banale, regorge au contraire de questionnements, tant enrichissants pour l’autrice que pour le public. Au départ, on a l’impression de nager en surface. Sa représentation caricaturale des personnages qu’elle interprète de manière grossière – une professeure à l’accent roucoulant et des collègues de classe adulescents au vocabulaire pauvre – laisse présager un récit insipide.
Mais détrompez-vous: le propos est dense, et le programme en design intérieur devient la métaphore d’un cheminement intérieur. Ce cours sera une véritable révélation sur le plan humain pour Brigitte Saint-Aubin, qui nous guide ici à travers les perspectives, les lignes de fuite et l’horizon, autant de concepts en design intérieur mais d’échos à sa réalité propre, à ses prises de conscience.
Le regard de l’autre
L’interprète insiste sur le regard de l’autre et sur la peur du jugement. Peur d’être jugée en fonction de son âge (un enjeu déterminant dans la carrière d’une actrice), mais aussi d’être la madame parmi une cohorte de jeunes adultes habitant encore chez leurs parents.
Qui ne s’est jamais défini en fonction de son âge? Comme si l’âge devenait en quelque sorte une succession d’étapes charnières déterminant des moments figés dans le temps (avoir des enfants, avoir une carrière, acheter une maison, etc.) La relation aux nombres, à ce qui est quantifiable en termes de valeur, est un élément qui obsède l’artiste, mais qui se reflète beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire dans nos vies.
Ainsi, dans ce spectacle introspectif, le thème devient nettement universel. Pourquoi ou pour qui faisons-nous les choses, parfois?
Un décor poétique et une mise en scène ludique
La mise en scène, signée Éric Jean, navigue avec fluidité entre le chant et le théâtre, et ce, sans anicroches et sans rupture de ton. La chanson, sans tomber dans le pathos, enjolive et illumine bien au contraire la quête intérieure de Brigitte Saint-Aubin.
D’ailleurs, l’actrice maîtrise définitivement l’art d’imager et de raconter. Elle nous transporte littéralement dans sa maison familiale, à Québec, bercée par ses souvenirs d’antan qui, l’espace d’un instant, revivent sur la scène du théâtre Duceppe. Elle revisite ces moments précédant le décès de sa mère en 2015 et l’accompagnement de celle-ci vers la mort.
Mais ce voyage intérieur, avec comme toile de fond un cégep, ne saurait émouvoir sans la scénographie de Max-Otto Fauteux et la conception vidéo de Gaspard Philippe (HUB Studio). C’est juste… wow! Les lignes qui se dessinent comme des perspectives qui convergent vers l’horizon. Elles hypnotisent, à la façon d’un kaléidoscope. On a l’impression de s’embourber, de tomber sans fin, comme Alice au pays des merveilles, dans un grand précipice obscure mais lumineux à la fois.
La scéno nous permet de ressentir ce vide intérieur vécu par l’interprète à la suite du décès de sa mère et de mieux comprendre ce désir de se réinventer à travers un choix insolite et spontané: étudier le design intérieur.
Bref, si Brigitte Saint-Aubin souhaitait que les spectateurs ressortent de la salle avec un second souffle et un regard nouveau, c’est réussi!
Je vous invite à écouter l’intégralité de son album Design intérieur, mais je vous recommande avant tout l’expérience totale pour ajouter un second degré à la poésie de ses mots.
Cultivore à ras bord
Dès son plus jeune âge, Édith esquissait des plans d’architecte dans l’intention de construire un majestueux théâtre à l’arrière de la maison familiale.
«Design intérieur» de Brigitte Saint-Aubin en images
Par LePetitRusse
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de la rédaction
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