ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Marlène Gélineau Payette
L’univers et les personnages du recueil de nouvelles de Louis-Karl Picard-Sioui, Chroniques de Kitchike: la grande débarque, sont transposés sur scène dans cette cocréation du Nouveau Théâtre Expérimental et d’Ondinnok, mise en scène par Daniel Brière et Dave Jenniss.
Il y a du désespoir, de la pauvreté et de la toxicomanie sur cette scène, mais Picard-Sioui ne tombe jamais dans le misérabilisme et explore ces thèmes avec humour et, oui, avec amour. Un amour tendre et sans jugement pour ces personnages écorchés mais authentiques, qui gardent quelques mètres de distance avec leurs petits drames.
Notre antihéros, incarné par un Charles Bender qui en rend bien toutes les nuances, est pris dans son enclos, qui est en fait une sorte de purgatoire où il revisite dans le désordre des souvenirs marquants. Il est dépeint dans toute sa complexité: il boit, n’est pas très fidèle en amour ou en amitié, mais possède une conception idéaliste de la justice et un féroce sens de l’humour.
Un homme dans la quarantaine, à l’avenir incertain et au passé tragique, dont le père peacekeeper est disparu sans laisser de trace avant même qu’il ne puisse le connaître. Il porte avec lui cette tragédie, ainsi que le poids des micro-agressions subies tout au long de son existence, en tant qu’autochtone ayant grandi avec les préjugés et le racisme de ses pairs.
Quelques concepts de science-fiction – entre autres le loop et le multivers, plusieurs univers parallèles où les destins diffèrent – judicieusement utilisés, viennent ajouter une profondeur philosophique au récit, prônant la thèse que nous ne sommes probablement pas prisonniers de notre destin et que nous avons un rôle à jouer dans le choix du prochain embranchement métaphysique que nous allons emprunter.
C’est une belle leçon d’optimisme, sise dans un univers fantastique qui tire sur le réalisme magique, portée par une captation vidéo heureusement dynamique, qui nous permet de nous investir dans ce récit complexe qu’on aurait évidemment préféré voir assis dans une salle de spectacle.
Le format de la webdiffusion permettra cependant à un plus grand nombre de spectateurs virtuels de déguster cette œuvre, captée en avril à l’Espace Libre, et présentée ici en codiffusion avec le Festival Présence autochtone.
«L’enclos de Wabush» à l’Espace Libre en images
Par Marlène Gélineau Payette
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