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Crédit photo : Krisjana Thorsteinson
Thais, tu es musicienne et doctorante en composition et création sonore à l’Université de Montréal. Quand as-tu eu le déclic pour la musique, et qu’est-ce qui t’a donné envie de t’y consacrer professionnellement?
«J’ai toujours été très intéressée par la musique, surtout à partir de l’adolescence. Au début de ma vie d’adulte, j’ai compris que je voulais m’inscrire dans cet univers et faire de la musique mon activité principale.»
«Mon plus grand intérêt dans le domaine, dès que j’ai commencé à l’étudier avec des objectifs professionnels, a définitivement été la création. J’ai donc décidé de poursuivre un baccalauréat dans le domaine de la composition. Mais ce sont surtout les différents échanges, les dialogues et les rencontres que j’ai pu vivre avec d’autres artistes (musiciens ou non), et avec le public en général, qui m’ont donné encore plus envie de poursuivre ma carrière musicale.»
«Finalement, ayant ancré ma carrière au Brésil – mon pays d’origine, où l’art est si mal soutenu par le gouvernement – j’ai compris que la musique est un outil essentiel pour le bien-être de toute société. Cela m’a donné la certitude de vouloir consacrer ma vie professionnelle à la création sonore, et ce, malgré les difficultés qui l’accompagnent.»
Dans tes projets de composition, tu dis avoir un intérêt particulier pour «l’interdisciplinarité et la collaboration entre artistes» et vouloir interpeller le public en stimulant des idées en lien avec la politique et la sociologie. Qu’est-ce que tu apprécies particulièrement dans le fait d’avoir une approche créative riche, qui est en interrelation avec plusieurs disciplines connexes à la musique?
«Tout au long de ma démarche, et après avoir eu l’occasion de rencontrer et de travailler avec des artistes en provenance des univers de la vidéo et de la danse, ma relation avec la création musicale a pris une nouvelle direction. Je me suis de plus en plus intéressée aux formes possibles de dialogues entre le son et l’image.»
«Sinon, à part l’art, j’ai beaucoup d’attraits pour certaines questions sociales et politiques de notre époque et j’aime en discuter et partager différents points de vue sur ces questions. Avec ce désir d’unir tous ces univers et de pouvoir dialoguer et aborder d’une manière créative et parfois ludique certaines questions extramusicales, j’ai me suis plongée dans l’univers de la musique indéterminée (propositions d’œuvres ouvertes à l’inventivité de chaque interprète) et de la comprovisation (compositions faites à partir d’improvisations guidées).»
«Dès lors, j’ai trouvé des méthodologies de travail qui me permettent cet échange au niveau esthétique et conceptuel avec différents artistes, et ce, dans le but de créer ensemble des œuvres originales.»
Du 7 au 10 juin, tu prendras part à l’édition 2021 de Temporel, un mini-festival organisé par Codes d’accès. Ce sera l’occasion pour les spectateurs de découvrir ton travail, ainsi que celui d’autres artistes – tels qu’Alexandra Tibbitts, Quatuor Cobalt et Émilie Girard-Charest – au cours d’un événement en ligne qui se tiendra sur quatre soirées et qui mettra de l’avant «la diversité des pratiques en musique et création et l’ambition sans limites des artistes émergent.e.s». Peux-tu nous en dire plus sur ta contribution artistique, et ce que tu as prévu de présenter au public dans le cadre de ce projet?
«Ma participation à l’événement Temporel est liée à mon projet Moi_Espace Public, qui consiste en la création de différentes vidéos réalisées par des femmes artistes ou encore des artistes de genres non conformes, lesquelles sont basées sur une même proposition décrite dans une partition-texte. Il s’agit en fait d’un guide qui invite chaque artiste à réfléchir et à s’exprimer sur ses relations et sur ses expériences personnelles dans les différents espaces publics que ces mêmes personnes fréquentent, ont fréquentés ou aimeraient fréquenter.»
«Pour cet événement présenté par Codes d’accès, je présente ma propre interprétation de cette partition en collaboration avec six créatrices, improvisatrices et interprètes qui ont déjà participé au projet avec leurs propres vidéos inspirées de la même partition-texte: An-Laurence Higgins, Charlotte Layec, Florence Garneau, Julie Hamelin, Léa Boudreau et Vie Charles.»
«La matière sonore de la vidéo qui sera présentée a été créée par ces musiciennes à travers des improvisations guidées par moi-même. Ces improvisations ont été filmées à Montréal avec le cinéaste Hippolyte Vendra. Lui et moi avons travaillé ensemble pour faire le montage de cette vidéo-musique qui traite d’un rapport imposé par la société productiviste, au temps et à l’espace, dans notre société.»
À quelle expérience sensorielle les spectateurs peuvent-ils s’attendre lors de ta performance à Temporel le 7 juin?
«Je suis très heureuse de ma participation à l’événement Temporel! L’œuvre Moi_Espace Public: Temps-Espace, présentée dans le cadre de l’événement, mêle musique, images et textes au coeur d’une invitation à réfléchir sur notre rapport au temps et à l’espace. À mi-chemin entre le cinéma documentaire et la musique visuelle, la pièce s’inspire des idées du philosophe français Henri Lefebvre (1901-1991) qui, déjà au siècle passé, soulignait l’importance de penser le temps et l’espace – ces deux vécus essentiels – de manière plus large que la domination par le temps du travail, donc au-delà de la domination de la pensée productiviste.»
«J’amène ainsi le public à visiter certains aspects de la Ville de Montréal, tout en se questionnant sur son rapport avec cet espace. Tout cela, à travers le regard d’Hippolyte Vendra, porté par la rencontre entre les improvisations des six créatrices et moi-même.»
Et finalement, peux-tu nous en dire un peu plus sur les projets qui vont t’occuper d’ici l’automne, que ce soit en lien avec ton sujet de recherche doctoral ou tes performances artistiques?
«Au cours de l’été 2021, je me dévouerai principalement à la rédaction de ma thèse doctorale. Celle-ci s’appuie sur deux de mes projets de création comme laboratoire pour comprendre comment le contexte de création peut transformer le processus créatif et le résultat final d’une œuvre. J’analyse le contexte social, l’infrastructure, les outils technologiques disponibles (équipements, logiciels, interfaces, plateformes), ainsi que l’implication et la disponibilité des professionnelles et professionnels engagé-e-s dans ces projets, afin d’établir des liens avec les différents produits artistiques issus de ces projets.»
«Parallèlement à ma vie académique, je poursuis assidûment la recherche de futures opportunités de collaborations avec de nouvelles artistes dans la création de vidéos visant à nourrir la diversité de mon projet Moi_Espace Public. Finalement, j’entretiens la plateforme web dédiée au projet (www.thaismontanari.com/mep), où toutes les vidéos sont disponibles pour le public, et je recherche d’autres évènements qui pourraient m’aider à les diffuser à un public plus large.»