«Evil Dead» de Fede Alvarez: pas de quoi s'arracher un bras! – Bible urbaine

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«Evil Dead» de Fede Alvarez: pas de quoi s’arracher un bras!

«Evil Dead» de Fede Alvarez: pas de quoi s’arracher un bras!

Publié le 4 avril 2013 par Jim Chartrand

Pas facile de redonner vie à Evil Dead, un film culte des années 80 qui n’a encore rien perdu de son influence et de son efficacité. Malgré tout, cet essai mis en branle par les producteurs originaux est loin du désastre dont font habituellement preuve les remake ou les reboot qu’Hollywood nous vomit constamment en bouche, de quoi bien débuter la carrière du réalisateur uruguayen Fede Alvarez, qui fait montre d’une belle maîtrise de la mise en scène pour son premier long-métrage, ce qui est en soi une très bonne chose pour un pari aussi risqué.

On nous a répétés une centaine de fois ici qu’il ne s’agissait pas de faire nécessairement un remake du classique de 1981, mais bien de le revisiter, de lui donner une vision moderne et nouvelle. La question était donc de se demander quel volet de la trilogie initiale servirait surtout d’inspiration première, puisque difficile de trouver trois segments plus différents les uns  que les autres, passant du film d’horreur à tendance humoristique à la plus grande farce horrifique possible, démontrant ainsi la diversité du toujours très créatif Sam Raimi. Dieu merci, on a cette fois-ci décidé de donner dans la carte de la terreur, de la jouissance, mais également de la douleur, préférant y aller vers quelque chose de plus viscéral que psychologique, répondant certainement à la demande du public d’aujourd’hui.

Côté prémisse, rien n’a changé: cinq jeunes se retrouvent dans une cabane isolée dans la forêt et réveillent des forces maléfiques qui leur causent des ennuis. Côté originalité toutefois, on ne navigue pas dans les eaux de The Cabin in the Woods, qui a livré l’an dernier sa propre relecture de l’histoire classique, alors qu’on a préféré nous avoir en ambiance et en moments choc. La différence avec les slasher, par contre, bien que tous les personnages finissent par y passer, ce n’est pourtant pas de découvrir comment chacun crèvera, mais bien comment chacun vivra sa possession, transformant tour à tour le labyrinthe en jeu du chat et de la souris, mais également à une partie de Clue, alors qu’on attribue à chaque personnage son lieu et son arme d’attaque à la fois en tant que prédateur et en tant que proie. Puisque dans Evil Dead, tout le monde a son heure de gloire, que ce soit du côté du bourreau ou de la victime, tout le monde souffre, que ce soit d’une façon ou d’une autre, donnant à cette torture mentale et physique un côté plus jouissif et  moins sadique que tous les Saw de ce monde.

Malheureusement, avant d’en arriver à cet enchaînement sado-masochiste de délire psychotique, on doit mettre en contexte l’histoire et tenter un tant soit peu de creuser à la fois les personnages, que les liens qui les unissent, et ce, peut-être un peu trop longuement, puisqu’on ne parviendra jamais à s’y attacher. Avec un degré de sérieux qui est difficile à avaler, on se rendra vite compte que le destin de ces adolescents ne nous importera que fort peu, car on se surprend à attendre impatiemment le moment où les forces maléfiques décideront de s’amuser à leurs dépens.

Mené de l’avant par une distribution typique du genre de film d’horreur adolescent comme on en voit par millier, on ne retrouve pas dans ce Evil Dead un nouveau Bruce Campbell, bien que Shiloh Fernandez fait du mieux qu’il peut avec son charisme de p’tit bum collégien. Fort heureusement, on en est conscient, et on ne sélectionne jamais un protagoniste en particulier, préférant déplacer sans arrêt le focus d’intérêt principal sur les autres personnages.

De cette façon, le film se perd un peu. Si ce procédé de la passation a quelque chose d’intéressant et de différent face aux films d’horreurs habituels qui ont toujours droit à un héros quelconque, on regrette cette trop grande volonté de vouloir lier les éléments entre eux et d’en expliquer les raisons, alors qu’on ne creuse pas nécessairement davantage les fondements mythologiques des évènements. Ce mauvais équilibre entre la part de mystère et la part de révélation (on ne veut pas trop en savoir sur le livre et son contenu) laisse beaucoup trop entrevoir les failles d’un scénario qu’on a travaillé à l’usure pour être certains de ne pas empiéter sur les platebandes du film original toujours adoré par sa horde de fan. De plus, par l’abondance de symboles phalliques qui s’avèrent d’une subtilité moins élégante qu’à l’origine, on nous donne par moment l’impression de vouloir violer notre propre souvenir plutôt que de le revisiter. Après tout, Sam Raimi n’avait-il pas lui-même revisité dans une autre teinte son propre film par le biais d’une suite inattendue?

Malgré tout, en multipliant les clins d’œil, il y a de belles inventivités et cette volonté de bénéficier de véritables effets spéciaux et visuels, comme c’était le cas à la base, s’avère gagnant. Si la technique s’en remet souvent aux ressorts et aux tics typiques de tout ce qu’on fait aujourd’hui, que ce soit en musique, dans la narration ou au montage, on conserve quand même quelques plans de caméras et arrangements d’éclairage plus audacieux ainsi qu’un sens du mouvement qui nous glace dans la tension du moment.

Evil Dead en version 2013 s’avère donc un divertissement parfaitement dans le courant de son époque avec l’avantage de bénéficier d’une base solide qui l’élève inévitablement au-dessus de ses confrères. Malheureusement, on a encore la preuve que la modernité a encore bien du mal à surpasser ses prédécesseurs, laissant au passage un joli essai qui, sans marquer son époque, donnera certainement l’occasion à une nouvelle horde de spectateurs de retourner vers l’origine de ce projet qui, encore aujourd’hui, foudroie par son audace et son génie. Pour le reste, on aura de quoi se divertir et se donner quelques sympathiques petites frousses, mais décidément rien à s’en arracher la tête ou un bras, littéralement parlant.

Evil Dead prend l’affiche ce vendredi 5 avril, mais il y a des représentations spéciales ce jeudi dès 22h dans les cinémas participants.

Appréciation: ***


Crédit photo: Sony Pictures

Écrit par: Jim Chartrand

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