Martha Wainwright au Théâtre Corona: fougue et émotions, tout simplement – Bible urbaine

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Martha Wainwright au Théâtre Corona: fougue et émotions, tout simplement

Martha Wainwright au Théâtre Corona: fougue et émotions, tout simplement

Publié le 6 novembre 2012 par Alice Côté Dupuis

C’est au Théâtre Corona de Montréal que Martha Wainwright a décidé d’ouvrir, hier soir, sa mini-tournée canadienne pour «Come Home to Mama», son nouvel opus. En toute simplicité, elle a livré l’intégralité de son album, après avoir présenté l’un de ses coups de cœur en ouverture: le duo canadien AroarA.

AroarA

Si Martha Wainwright a demandé à Andrew Whiteman (Broken Social Scene) et sa femme Ariel Engle autant de l’accompagner sur scène en tant que musicien et choriste que de présenter leur propre matériel en ouverture de son spectacle, c’est qu’il y a une suite logique entre les styles. La voix d’Engle ressemble étonnamment, par endroits, à celle de Wainwright, mais ce qui frappe surtout, c’est la douceur des harmonies créées avec Whiteman. Jouant chacun de leur guitare électrique (celle d’Engle étant faite avec une boîte de cigares) et se relayant à la console électronique pour lancer tantôt des sons de cloches, tantôt des claps et bruits de voitures, les deux musiciens sont certainement talentueux, mais poussent l’expérimentation un peu loin. Ils venaient présenter leur album, In the Pines, et ont visiblement gagné certains jeunes fans, mais ont ennuyé les plus âgés avec leurs rythmes et sons générés électroniquement et leurs envolées instrumentales.

Martha Wainwright

C’est tout sourire que Martha Wainwright a foulé la scène du Théâtre Corona hier soir, débutant en force avec la pièce assez rock qui ouvre son dernier album, «I’m Sorry». Pas besoin de présentations, la réputation de la chanteuse née à New York mais élevée à Montréal n’est plus à faire. Sa fougue naturelle et son extrême sensibilité, contrastant autant dans sa personnalité que dans sa musique, lui confèrent un charme fou.

Elle a donc enchaîné avec «Can you Believe it», une autre pièce assez rythmée et dynamique qui lui a permis de lever une jambe, puis l’autre, de reculer, d’avancer, de bouger les genoux, bref, de se bercer au rythme des émotions qui l’habitent en chantant, ce qu’elle a fait tout au long de la soirée.

Charmante mais également très comique, cette Martha Wainwright. Parlant beaucoup à son public entre les chansons, elle n’a pas eu peur de faire des blagues, de mettre l’accent sur ses pépins techniques en riant, et même d’imiter son frère chanter. C’est que sa chanson «Radio Star» est en quelque sorte une réplique à une chanson de son frère, mais également inspirée du film apocalyptique Melancholia de Lars Von Trier. «Ça a vraiment pas rapport avec rien finalement! Les gens pensent que mes chansons sont autobiographiques. D’habitude oui, mais dans ce cas, pas du tout!» Il n’y a pas de doute, bien qu’elle soit la fille des illustres chanteurs folk Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle et la sœur de Rufus Wainwright, Martha ne se prend pas au sérieux et est capable, en toute simplicité, d’échanger avec son public.

Ce qu’elle prend au sérieux, toutefois, c’est la musique: quelques difficultés techniques sont venues ponctuer la soirée, que ce soit une guitare non amplifiée ou des instruments mal accordés. Wainwright a fait preuve d’un professionnalisme impressionnant en réglant les problèmes tout en chantant. Mettre de l’émotion et vivre une chanson en étant concentrée sur un accordeur et en tournant des clefs de guitare, c’est tout un exploit. Il n’y a pas à dire, Martha Wainwright est une vraie «performeuse». Elle est visiblement habile et à l’aise sur une scène et elle s’investit énormément dans l’interprétation de ses chansons, ce qui donne des performances à couper le souffle.

Personne ne pouvait nier, toutefois, qu’il s’agissait du premier spectacle de cette tournée. Elle-même l’a annoncé, vérifiant sa liste de chansons entre chaque numéro pour savoir laquelle suivrait: «C’est un album très compliqué. On ne connaît pas encore tout à fait les chansons [rires]». Qu’à cela ne tienne, son expressivité, sa simplicité et sa voix à la fois douce et puissante font tout oublier.

Interprétant l’intégralité de Come Home to Mama, dont «Radio Star», «Can you Believe it», «Four Black Sheep» et «Leave Behind» ont été des moments forts de la soirée, Martha a également offert à son public des chansons de ses albums antérieurs. «J’ai pensé que vu que vous ne connaissez pas encore les nouvelles chansons, je pourrais chanter des plus vieilles chansons. Mais peut-être que vous ne connaissez pas les vieilles chansons non plus, c’est ça qui arrive. «Factory», «Bloody Mother Fucking Asshole» [cris de la foule]… Non, ça c’est plus tard, quand j’ai vraiment plus rien!». Elle a donc chanté deux chansons de ce qu’elle qualifie elle-même de son «deuxième album, le disque oublié», ainsi que «Ball & Chain» et «This Life», tirées de son album homonyme.

S’il est facilement reconnaissable qu’aucune œuvre de Wainwright n’a été un vif succès que tous peuvent chanter en chœur avec la chanteuse, chaque performance s’est avérée un moment de pure magie. Sa voix portante et si particulière a su envoûter un public nombreux qui s’était entassé sur le parterre du Théâtre Corona.

«J’avoue qu’on n’a pas beaucoup de chansons en français ce soir. Après Piaf, ça faisait mal», a annoncé la chanteuse anglophone, se frottant la mâchoire. Elle a tout de même chanté avec émotion – et feuille de papier contenant les paroles –  «Soudain une vallée», de la regrettée Édith Piaf.

C’est pour un autre numéro francophone très réussi qu’elle a invité sa tante, la chanteuse folk Anna McGarrigle, à l’accompagner au piano pour interpréter «Dans le silence», tirée du répertoire des sœurs McGarrigle. Un beau moment, qui a toutefois été surpassé lorsqu’en clôture de spectacle, Martha a interprété «Proserpina», une chanson solo de sa défunte mère. Vous avez vu l’épuré et touchant vidéoclip réalisé pour cette pièce? En spectacle, c’était aussi vibrant d’émotion, alors que son bassiste (son mari, Brad Albetta), son guitariste et sa choriste (AroarA) se sont réunis autour d’un micro pour répéter doucement «Come Home to Mama» pendant que Martha semblait dans une bulle d’émotions impénétrable.

Les cris et applaudissements incessants ont nécessité deux rappels, témoignant du succès du spectacle et de l’amour que lui portent ses fans. En dernier recours, elle a satisfait le public en chantant «Bloody Mother Fucking Asshole» seule à la guitare, parce que là, c’est vrai, elle avait tout donné.

Le prochain spectacle de Martha Wainwright aura lieu ce soir au Petit Champlain de Québec, ensuite elle visitera l’Ontario, puis les États-Unis et l’Europe.

Appréciation: ****

Crédit photo: Alice Côté Dupuis

Écrit par: Alice Côté Dupuis

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