«Un animal (mort)» de Félix-Antoine Boutin au Théâtre d'Aujourd'hui – Bible urbaine

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«Un animal (mort)» de Félix-Antoine Boutin au Théâtre d’Aujourd’hui

«Un animal (mort)» de Félix-Antoine Boutin au Théâtre d’Aujourd’hui

Lorsque la mort s'étire... jusqu'au 26 mars

Publié le 12 mars 2016 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Nans Bortuzzo

La création de Félix-Antoine Boutin s'inspire d'un conte indochinois qui devrait, en principe, devenir une œuvre, une bête animée par elle-même et prête à porter le thème du sacrifice et de ce qui demeure, à travers les êtres, par-delà le deuil de leur individualité propre. Dès le départ, à travers ces variations d'éclairage projetées sur une ingénieuse scénographie, mi-jungle, mi-cuisine rococo, tout semblait prêt pour que jaillisse le sacré, de même que les premières notes de Stéphane Lafleur, réalisateur de Continental, un film sans fusil, qui s'est proposé d'en composer la musique. Mais cette forêt de l'animal mort ne trouve sa densité que dans des mots, des mots porteurs d'une agonie dont on ressuscite, finalement, moins que désiré.

Bien que le sens en demeure obscur, le texte ne chavire pourtant pas dans l’absurde. À travers la surcharge de vers, une cohérence se dévoile, ou, du moins le sentiment que le lieu serait propice à explorer l’idée que tout est contenu dans tout, que chaque réalité n’est toujours qu’une parcelle d’une grande mémoire archétypale, partagée par tous.

Cette logique où tout s’emboîte fait réaliser graduellement au public que les premiers mots du scénario sont le microcosme de ce qui suivra. Le problème, c’est qu’une fois cette impression acquise, les spectateurs en viennent à sentir qu’ils ont entendu tout ce qu’ils devaient entendre. Ensuite, pour le reste de la présentation, l’éternité devient un joug trop long et lourd à porter.

Ce n’est pas que la grâce ou la musicalité du langage y manquent; au contraire: on s’y croirait au cœur d’un poème porté par six voix. Certains gestes se prêtent aux images, mais, dans ce récit allégorique, les premiers moteurs de l’action y voient graduellement leur pertinence s’étioler dans un scénario demeuré trop symbolique pour s’incarner vraiment. En fait, le récit ne parvient pas plus à échapper à la tradition orale qu’aux règles de son univers. Les passages où les personnages lisent de leur texte sur scène n’y contribuent pas non plus.

Bien sûr, il reste à contempler l’effort monumental des acteurs pour maintenir l’élan de leur discours, malgré la complexité du propos.  Cet engagement se sent, mais justement, il sent l’effort, par moment, du moins jusqu’à ce que, dans le dernier quart d’heure, apparaisse Marcel Pomerlo, qui, accompagné par la belle qualité de présence du jeune Sébastien René, plonge soudain  comme un poisson dans l’eau dans ce jeu d’ombres, de reflets et de symboles. L’exceptionnelle magie de cette complicité permet de passer en douce le fait que la trame sonore tant attendue de Stéphane Lafleur s’y révèle d’une insignifiance assez triste.

Oui, l’éternité ainsi que la transmission d’un héritage spirituel sont des thèmes fascinants qui méritent que l’on s’y attarde. Et le détour par le mythe est une manière tout à fait justifiable de l’approcher. Malheureusement, par-delà l’espace où cette éternité s’expose, il n’y a que des humains, trop humains, qui ne cherchent pas à connaître la morale avant la fin, mais seulement à se laisser entraîner à travers une quelconque évolution.

L'événement en photos

Par Nans Bortuzzo

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