ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Cédric Lord
Dans une traduction d’Yves Morin, une mise en scène du toujours très sensible Jean-Simon Traversy – dont nous avions adoré, l’an dernier, Les Flâneurs Célestes à la Petite Licorne – et une impressionnante distribution, la version théâtrale québécoise, présentée ces jours-ci dans la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, vaut clairement le détour dans Hochelaga.
Le fantôme de l’enfant mort plane dans chaque pièce de cette (trop) grande maison que Becca (Sandrine Bisson) voudrait bien vendre, dans le cadre d’un long processus probablement à moitié subconscient d’effacer toute trace de son fils, happé à quatre ans par un jeune automobiliste (André-Luc Tessier) alors qu’il pourchassait son chien. Son mari Louis (Frédéric Blanchette, d’une justesse pétrifiante) semble mieux vivre son deuil, dont il fait une expérience très personnelle, voire même morbidement intériorisée.
Avec le support moral de sa sœur un peu bum (Rose-Anne Déry, désarmante et spontanée) et de sa mère (Pierrette Robitaille, hilarante), Becca traversera cette sombre période, malgré la douleur omniprésente, malgré la présence spectrale de son fils qui, malgré son départ hâtif, est là pour rester.
La mise en scène très sobre de Traversy propose un stratagème visuel ingénieux: sous la scène surélevée, des objets sont exposés comme dans un comptoir de bijouterie, et ils ont tous un lien avec ce qui se passe sur scène. Le pouvoir d’évocation du spectateur s’éveille ainsi avec une particulière vivacité, et les comédiens sont par ailleurs libérés des accessoires éventuels.
Serait-il étrange de considérer une pièce avec un sujet aussi rabat-joie comme une expérience feel good? On en ressort pourtant le cœur léger, un petit sourire aux lèvres. La profonde humanité des personnages et l’humour bien dosé qu’ils insèrent dans leurs interactions nous font presque regretter de ne pas passer plus de temps avec eux.
On doit dès lors se rendre à l’évidence: cette première production de la compagnie Tableau Noir met la barre très haute.
L'événement en photos
Par Cédric Lord & Eva-Maude TC
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de la rédaction