«Des promesses, des promesses» de Douglas Maxwell à la Petite Licorne – Bible urbaine

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«Des promesses, des promesses» de Douglas Maxwell à la Petite Licorne

«Des promesses, des promesses» de Douglas Maxwell à la Petite Licorne

Une promesse lourde à porter

Publié le 3 novembre 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Suzane O'Neill

On passe sa vie à vouloir faire le bien et à être une bonne personne, à être vertueux et indulgent, mais que se passe-t-il quand toute cette vie de bonté ne nous récompense pas ou pire, qu’elle se retourne contre nous? Quand on agit par conviction comme Miss Brodie, le personnage imaginé par l’auteur écossais Douglas Maxwell et campé ces jours-ci par Micheline Bernard, en solo dans Des promesses, des promesses, une pièce présentée dans la petite salle du Théâtre La Licorne, on ne peut qu’être confortable avec soi-même, non? Pourtant…

La Maggie Brodie de Des promesses, des promesses est tout sauf bien avec elle-même, malgré les apparences. Bras croisés, menton relevé, elle semble constamment au-dessus de ses affaires – plutôt au-dessus des pauvres gens ignares qui l’entourent -, mais elle porte en elle une hargne immense, une colère extrêmement facile à déclencher. Même dans les moments d’accalmie, une petite étincelle et la voilà repartie.

Ce personnage se pense absolument irrésistible avec sa démarche, son déhanchement et son regard qui séduiraient n’importe quel homme si elle le désirait. Mais la vérité, c’est qu’elle est bien seule, entre son mépris évident pour ses collègues enseignants et le rejet de sa propre sœur, devenue religieuse en couvent, et qui refuse de la voir. Devenue aigrie avec les années, cette professeure retraitée porte pourtant encore beaucoup d’affection et de bonté envers les jeunes présents dans la salle de classe où elle accepte d’effectuer un remplacement de quelques jours.

C’est dans cette classe qu’elle fera la rencontre de Rosie, une jeune Somalienne de six ans qui refuse de parler, mais qui chavirera complètement la vie de Miss Brodie, qui se reconnaît en elle, malgré la différence de génération, de culture, et même d’origine. Pour la jeune élève, Maggie défendra contre vents et marées ses convictions, mais cela ne semblera finalement pas rendre service ni à elle ni même à Rosie.

C’est toute son histoire personnelle ainsi que cette rencontre frappante que Miss Brodie, interprétée par Micheline Bernard, nous raconte dans cette pièce en solo, jouant ici le directeur d’école et là, un exorciste africain. La comédienne épate certainement dans sa maîtrise des différents personnages, usant de belles nuances dans son jeu pour rendre à chacun une voix et une posture particulière. Le texte-fleuve, lui aussi aux teintes diverses quant aux grandes envolées revendicatrices ou colériques, mais aussi aux moments introspectifs et plus sensibles, est rendu de façon admirable par l’actrice.

On remarque aussi le décor minimaliste, avec sa minuscule porte à l’arrière, donnant l’impression que Bernard est très grande et accentuant l’idée que cette enseignante évolue dans un milieu de travail comme une maison de poupées, où tout le mobilier est de la grandeur d’enfants de six ans. Pourtant, et malgré ses nombreux points positifs en ce qui a trait à la mise en scène, au décor, à la prestation de la comédienne, à l’humour du texte – très présent et très efficace! – et aux thématiques audacieuses abordées, on se perd un peu dans cette pièce qui donne l’impression de s’éparpiller.

Entre l’alcoolisme, le sexe, l’influence de la religion – certainement le sujet central -, l’importance de l’enseignement et de bien guider les jeunes, les accommodements raisonnables, et on en passe pour ne pas trop en révéler, il y a énormément d’éléments dans cette pièce, de sorte qu’on s’y perd quelque peu. Et parce que Miss Brodie effectue des retours dans le temps dans son récit, pour parler ici de sa sœur, là de son père, et là encore, de ses précédents emplois, on est dispersés dans tous les sens et ça créé des longueurs qui font faiblir notre attention, par moments, même si on comprend que chacun de ces événements racontés sert très bien à saisir exactement la nature du personnage et pourquoi elle est comme ça devant nous, aujourd’hui.

Le résultat est d’une lourdeur désolante, même si on finit par être empathique envers les valeurs que Miss Brodie véhicule, auxquelles elle croit et qu’elle défend tout au long de la pièce avec une ardeur peu commune. Micheline Bernard se révèle dans toute son intensité et elle impressionne réellement; elle n’a donc aucun rôle à jouer dans les lacunes de cette pièce, qui, comble de malchance, se termine de façon complètement surréelle. En langage télévisuel, on dirait que cette œuvre «saute par-dessus le requin» («jumping the shark»), et malheureusement, cela fait en sorte que de toutes les bonnes volontés et les belles valeurs de l’enseignante, on ne retiendra que sa hargne démesurée.

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