ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Gunther Gamper
La pièce raconte l’histoire de la création du Golden Record. On y voit Carl Sagan (Robin-Joël Cool), Frank Drake (Olivier Morin), Linda Salzman Sagan (Evelyne Rompré), Ann Druyan (Phara Thibault) et Timothy Ferris (Simon Landry-Désy) discuter du meilleur choix de musiques et d’images à envoyer dans l’espace.
Cette création est le deuxième volet d’une trilogie technologique. Le premier portait sur l’application Siri (Siri, La Messe Basse, 2016), alors que la troisième partie serait, pour sa part, sur l’intelligence artificielle GPT-3.
On s’amuse avant le spectacle!
En préambule du spectacle, la production invite le public à télécharger une application. Le spectateur peut ainsi proposer des photos et musiques à envoyer si l’expérience du Golden Record était réitérée.
Personnellement, j’ai éprouvé quelques problèmes avec l’audio. Cependant, l’opération devient assez ludique lorsque l’on comprend que les artistes sur scène interagissent avec ces suggestions de contenu à envoyer dans l’espace.
Cela dit, cet aspect ludique peut jouer contre le spectateur s’il installe l’application juste avant le début de la représentation. La personne qui installe cette dernière alors qu’elle est dans la salle ne pourra pas profiter autant des jeux qu’elle propose qu’une personne qui a pu le faire bien avant son arrivée.
Cours 101 sur le contexte du Golden Record
Pendant que les gens vont s’asseoir, une mélodie de Navet Confit fait penser à l’onde du satellite Voyager qui porte le Golden Record. La scénographie, quant à elle, évoque une salle de laboratoire rétro, avec ses trois tables de travail, ses dispositifs servant de tableau et son tourne-disque.
La première partie de la pièce consiste en un grand cours didactique sur le contexte de la création du Golden Record. Ce sont toutefois les segments qui sont, de loin, les plus faibles. Les acteurs sont terriblement statiques sur scène. Le texte provient probablement de certaines discussions lors du processus de création, et ça se sent. Alors que leur sujet est seulement maîtrisé en surface, les acteurs débitent leur texte comme des professeurs qui donnent leur cours universitaire. Il y avait une distance irréconciliable entre ces deux niveaux d’interprétation du texte.
Laissons le théâtre être théâtre
Cela dit, la pièce commence vraiment à gagner en intérêt à partir du moment où les acteurs jouent chacun leurs personnages. Notons aussi que le public est impliqué en tant que personnage, un certain John du Canada. C’est là que les suggestions de musiques et d’images provenant de l’application entrent en jeu.
Il est dommage que les artistes écoutaient et regardaient seulement trois images et deux extraits de chansons. Pousser l’interaction encore plus loin en voyant plus de suggestions aurait été judicieux. Une coupure dans certaines parties didactiques du spectacle aurait probablement libéré de l’espace pour ces interactions. Par exemple, le spectateur se fait expliquer deux fois plutôt qu’une la raison de la présence de deux photos du bâtiment de l’ONU dans le Golden Record. La première fois est dans la scène d’unboxing du vinyle de collection et l’autre est dans la scène d’interaction avec les suggestions d’images provenant de l’application.
Le vrai intérêt de cette partie théâtrale, somme toute, se trouve dans la scène de la sélection des musiques à mettre sur le vinyle. La tension entre le couple Carl/Linda et Ann/Timothy ajoute un second niveau d’interprétation à chacun des choix de musiques, qui n’existerait pas autrement. Notons une belle analogie de Timothy, qui compare les couples humains à une fugue musicale constamment à réinventer.
La scène finale, avec le chœur grégorien chantant «Nous n’avons pas trouvé de vie», sur un mur de fond parsemé d’étoiles, m’a mis au bout de mon siège. Chapeau à Navet Confit pour la conception sonore de cette partie. Ce chant grégorien de l’espace, inspiré de la gamme de Shepard, fait sentir l’immensité de l’espace et la poussière insignifiante que nous sommes, dans ce grand océan de vide et d’étoiles.
En conclusion, je préfère être bien clair; la pièce était bonne. C’était simplement le début plus «pédagogique» qui n’allait pas. Dès qu’on tombait dans les scènes avec des personnages, le public pouvait sentir que les artistes étaient vraiment de retour dans leur élément.
Tout ça m’a donné une belle envie d’acheter le Golden Record. Ça m’a l’air d’un sacré objet de collection, disons-le!
La pièce «Si jamais vous nous écoutez» en images
Par Gunther Gamper
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de la rédaction