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Crédit photo : Kristin Von Hirsch
«Retours»: le fantôme qui hante nos vies
Traitant de la notion de deuil, le texte de Fredrik Brattberg est l’occasion de s’immiscer dans une banlieue norvégienne, plus précisément dans la maison du père (Daniel Brière) et de la mère (Dominique Leduc). Ce couple vit pourtant une période pas facile marquée par la disparition de leur fils Gustave (Guillaume Gauthier) quelques mois plus tôt dans une avalanche.
Comme ses pairs suédois et islandais lors des deux premières lectures, Brattberg mène son récit au service d’un humour virant également dans l’absurde tout en abordant ce drame social avec intelligence s’inspirant notamment de la physique quantique. Entraînant les spectateurs dans une bouleversante histoire, le texte révèle l’inconcevable retour du défunt fils à la porte de la maison, ce n’est pourtant pas la première fois que celui-ci revient d’entre les morts.
D’une musicalité certaine, l’allégorie de Brattberg évoque le fantôme qui hante nos vies, voire la question du deuil. Mais le dramaturge norvégien ne s’arrête pas là; il s’attache à dépeindre l’adolescence, entre ses tourments éternels et sa fougue inconsciente. Surtout, il nous déroute par cette mort à répétition, ces «Retours» incessants du fils et symptomatiques d’une réalité actuelle où les enfants quittent difficilement le nid familial.
La pièce n’en est pas moins jubilatoire tout en dégageant une sincérité émouvante. Servi par un trio d’acteurs généreux, ici lecteurs d’un soir, le texte, mis en lecture par la jeune metteure en scène Solène Paré, est à la hauteur des deux précédents épisodes de ce «Cycle scandinave» proposé par le Théâtre de l’Opsis.
«Voyage d’hiver»: la responsabilité d’un enfant à venir
Seconde pièce de l’auteur norvégien lue au cours de la soirée, «Voyage d’hiver» fait intervenir Audrey-Ann Tremblay, cantonnée en première partie au rôle de narratrice (remplacée par Daniel Brière en médecin hors champ). Ce nouveau texte est l’occasion de réagir sur l’histoire du premier, un dialogue s’établit entre eux. Ainsi, on se retrouve avec un jeune père (Guillaume Gauthier), une tante (Dominique Leduc) et une mère (Audrey-Ann Tremblay).
L’histoire se déroule encore une fois dans un salon, avec un jeune couple cette fois dans l’attente imminente d’un enfant, mais où le père semble prendre de la distance avec cette responsabilité à venir. La suite est un enchaînement de plans sur le crépuscule d’une vie, sur cette première journée d’un enfant devenu objet. Cette pièce dessine, quant à elle, des contours un peu plus flous, moins énergiques, bien que le plaisir de l’écriture poétique de Brattberg persiste notamment dans son analyse psychique des personnages.
Pour clore la soirée, Luce Pelletier sa directrice animait une discussion autour du Nouveau théâtre scandinave dans le cadre du Festival Immersif de Kultur et d’Art Scandinave, l’occasion de revenir sur le dynamisme et la richesse de ces textes venus d’ailleurs symbole d’un théâtre scandinave en plein renouveau et à la vitalité affichée.