«Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte

«Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte

La découverte des plafonds de verre pour les femmes au pouvoir

Publié le 7 mars 2025 par Guy-Philippe Côté

Crédit photo : David Mendoza Hélaine

Connaissez-vous l’expression «Boys Club»? En lisant simplement l’expression, on comprend vite ce que ça veut dire, à savoir un club de garçons. Or, la femme de lettres québécoise Martine Delvaux explique qu’il peut aussi se référer à un cercle restreint d'hommes favorisés qui concentrent le pouvoir en écartant ceux qui n'en sont pas membres. Ces hommes sont bien nantis, plus souvent qu'autrement, ils sont aussi blancs et puissants. Ils s’entraident pour conserver un déséquilibre favorable à leur égard et excluent les hommes qu’ils perçoivent comme une menace à leur statut de «privilégiés». Dans l’épisode de l'émission Tout le monde en parle où elle explique ce qu’elle entend comme un Boys Club, elle a qualifié les hommes qui en font partie de réseau exclusif transmettant leur pouvoir de diverses manières depuis plusieurs générations. Ce point de vue s’illustre de manière directe dans «Portes closes», une autofiction documentaire d’Aude Seppey présentée à Premier Acte, et ce, jusqu’au 8 mars.

Sur l’histoire de la gauche à Québec dans les cinq dernières années

À première vue, l’actrice-comédienne Aude Seppey (Pour en finir avec octobre), une jeune femme originaire de Québec, semble être une personne tout à fait ordinaire. Toutefois, à y regarder de plus près, depuis son plus jeune âge, elle éprouve un vif désir de pouvoir et une indignation face aux normes sociales qui contraignent les femmes à demeurer inactives

Comme de nombreux jeunes de la génération Z, elle a pris part aux manifestations pour le climat en 2019. Cette expérience comme militante a suscité en elle un souhait de s’associer à ces regroupements avec des convictions de justice sociale profonde.

Photo: David Mendoza Hélaine

Peu de temps après, une rencontre fortuite avec Sophie Côté, une ex-députée bien connue qui porte un faux nom dans ce spectacle, l’incite à s’impliquer plus intensément en politique.

Néanmoins, ses discussions avec diverses députées lui font découvrir la véritable nature de l’univers politique et la poussent à repenser ses propres convictions, particulièrement en ce qui a trait à la position réelle des femmes dans ces instances de pouvoir.

En préambule à une critique plus approfondie

Avant toute chose, je ne peux passer sous silence l’éléphant dans la pièce. Portes closes fait partie de ces pièces qui ont vu le jour malgré l’absence de subventions, un exemple frappant qui prouve bien que l’art peut se maintenir debout malgré les contraintes financières. Bien sûr, l’équipe a dû faire des compromis, réduire les coûts au maximum, mais cela n’a pas empêché la pièce de voir le jour.

La mise en scène, épurée, fait preuve d’ingéniosité: trois paravents et un éclairage simple, ainsi que deux actrices talentueuses, parmi lesquelles Nadia Girard Eddahia (Disgrâce), qui incarnent ici presque tous les rôles, suffisent à soutenir cette histoire.

Malgré les restrictions, l’œuvre réussit à transmettre un message fort sur un sujet d’actualité brûlant.

C’est ça, la force de la culture: elle se bat pour exister, elle touche le public, et fait écho aux enjeux de société. Même avec des moyens limités, un spectacle comme celui-ci prouve que la culture est un moteur, une véritable ressource pour engager et rassembler.

Photo: David Mendoza Hélaine

Où se trouve la part de fiction et de documentaire?

Portes closes présente un argumentaire certes intéressant, mais souffre d’un problème majeur dans sa construction. En effet, l’œuvre se perd dans une autofiction qui, à mon avis, n’en est pas vraiment une.

En effet, si le récit d’Aude Seppey semble relever de l’autofiction, j’ai toutefois un gros doute que les éléments «fictionnalisés» soient si minimes que cela, car seuls les noms des députés et des partis politiques paraissent avoir été changés. Prenons un exemple simple: Aude évoque son engagement pour le parti QH, une référence évidente à Québec Solidaire, et la Sophie Côté fictive n’est autre que Catherine Dorion, une ex-figure politique bien connue.

À première vue, cela peut prêter à sourire. Toutefois, un problème de taille émerge: Aude affirme que les femmes qu’elle a rencontrées ont demandé l’anonymat, mais l’identité de ces figures publiques est facilement identifiable. Par exemple, une députée rencontrée par Aude, anciennement au sein des hautes sphères de la COQ (je vous laisse deviner quel parti politique c’est!), est décrite comme traitant son ancien caucus de «Boys Club».

Une simple recherche suffit à reconnaître la personne en question.

Si l’objectif était de préserver l’anonymat, il est raté. Le choix de camoufler ces identités à travers la fiction semble plutôt maladroit et aurait bénéficié d’une approche plus assumée.

À mon sens, Portes closes aurait mieux fait de se présenter comme un documentaire direct, sans artifice, plutôt que de s’enferrer dans une autofiction qui échoue à dissimuler ses sources. Cette approche aurait apporté une authenticité plus grande à l’œuvre, tout en conservant l’impact de son propos.

Photo: David Mendoza Hélaine

Une conclusion en impasse

En définitive, Portes closes se termine sur une lueur d’espoir vite éclipsée par une réalité politique implacable. Alors qu’Aude entrevoit un progrès avec le vote unanime pour la parité chez Québec Solidaire, la démission soudaine de la nouvelle co-porte-parole vient briser cet élan.

Ce théâtre expose avec lucidité le cynisme ambiant, mais pose une question essentielle avec laquelle je vous laisserai: en cherchant à refléter le réel, risquons-nous d’étouffer tout idéal de changement? À force de normaliser la désillusion, ne sacrifions-nous pas la possibilité d’un avenir meilleur?

La pièce «Portes closes» d’Aude Seppey en images

Par David Mendoza Hélaine

  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte
    Photo: David Mendoza Hélaine
  • «Portes closes» d’Aude Seppey au Théâtre Premier Acte

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début