«Le poisson combattant» de Fabrice Melquiot au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Le poisson combattant» de Fabrice Melquiot au Théâtre Prospero

«Le poisson combattant» de Fabrice Melquiot au Théâtre Prospero

Remonter à la surface de la vie

Publié le 22 mars 2018 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Cosimo Terlizzi

La perspective de voir sur scène Robert Bouvier, un acteur qui a tenu de petits rôles dans des productions de Patrice Chéreau, Alain Tanner et Alain Resnais, était irrésistible. L’homme, qui dirige le Théâtre du Passage de Neuchâtel depuis 2000, cumule plus de quarante ans de carrière, et le temps ne semble pas avoir d’emprise sur lui.

Fabrice Melquiot, quant à lui, a écrit ce texte en 2015, alors qu’il était au sommet de son art. Dramaturge contemporain fort prolifique, qui a déjà accouché d’une quarantaine de pièces à 45 ans, il est aussi directeur du Théâtre Am Stram Gram de Genève depuis 2012. Son expérience se ressent dans chaque tirade de ce monologue que débite un père, fraîchement séparé de sa femme, parti à la déroute sur les routes de France.

Le «poisson combattant» du titre, c’est le symbolique Betta de son enfant, trouvé mort par terre le matin de son départ. Afin de préserver l’illusion de la vie pour sa fille, il l’embarque avec lui et tentera de lui dénicher une sépulture décente au fil de ses errances.

D’une chambre d’hôtel où il sombre quasiment dans une psychose, oubliant dans sa solitude que d’autres humains l’entourent, le personnage interprété par Bouvier marche sur les falaises d’un abîme. Toute la douleur et la déroute consécutive à une rupture se retrouvent dans ses mots, poétiques et d’une fulgurante beauté, la chanson mélancolique d’un écorché qui réalise soudainement qu’il lui manque une partie essentielle de lui-même.

La performance du comédien suisse est déchirante; sont au menu de nombreuses ruptures de ton, des changements de costumes vertigineux, des acrobaties et des torsions. Il est un moment business casual, devient quelques minutes plus tard un Zorro de la masturbation, et régresse peu à peu vers l’enfance, se rencontrant à quelques reprises pendant des épisodes délirants d’un onirisme indiscutable.

Avec une scénographie d’une simplicité très inventive, qui offre au spectateur des draps suspendus entourant une pièce qui se transforme à loisir, les surfaces blanches permettant l’élaboration de jeux d’ombres et des projections, l’expérience permet une immersion quasi totale dans l’aventure métaphysique se déroulant sous nos yeux.

À la rencontre de son enfance, notre personnage, d’une touchante vulnérabilité, termine son soliloque en s’adressant directement au public, les lumières ouvertes, un grand moment de communication qui marque aussi le retour à la lumière d’un personnage qui a passé une bonne partie de la pièce en apnée, et que l’on ne croyait pas voir remonter à la surface de la vie.

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Par Cosimo Terlizzi

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