«Lysis», une pièce radicale et nécessaire signée Fanny Britt et Alexia Bürger au TNM – Bible urbaine

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«Lysis», une pièce radicale et nécessaire signée Fanny Britt et Alexia Bürger au TNM

«Lysis», une pièce radicale et nécessaire signée Fanny Britt et Alexia Bürger au TNM

Choisir le bien collectif avant ses désirs personnels

Publié le 9 mai 2024 par Jessica Samario

Crédit photo : Yves Renaud

Fanny Britt et Alexia Bürger ont encore une fois réuni leurs talents pour créer une pièce aux enjeux actuels et criants où elles s’inspirent de la légendaire grève de reproduction évoquée dans «Lysistrata» d’Aristophane, menée par les femmes en révolte face aux injustices du gouvernement. Initialement prévue en 2020, et reportée deux fois en raison de la pandémie, «Lysis», mise en scène par Lorraine Pintal, foulera enfin les planches du Théâtre du Nouveau Monde, et ce, jusqu’au 1er juin. Pour nous mettre dans l’ambiance de cette grande sortie au théâtre, nous avons eu la chance de discuter avec les deux autrices.

Deux artistes liées par le cœur et les mots

Avec une douzaine de pièces de théâtre, deux romans, deux essais et plusieurs livres jeunesse à son actif, Fanny Britt brille en tant qu’écrivaine, dramaturge et traductrice. De son côté, le travail d’Alexia Bürger est réputé à la mise en scène et récemment à l’écriture avec la pièce Les Hardings et maintenant Lysis.

Amies depuis l’âge de dix ans, les deux artistes ont su développer une complicité hors norme tant sur le plan personnel que professionnel.

L’autrice du roman Les maisons a décrit la force du lien qui la relie à sa grande amie: «On n’a pas les mêmes réflexes premiers quand on commence à travailler sur un projet et on n’est pas toujours en observation des mêmes choses. C’est pour ça qu’on est complémentaires. C’est comme s’il y avait toute une partie du travail qui était déjà faite par notre lien, et on peut donc tout de suite aller dans la matière.»

«C’est fascinant aussi de voir quelqu’un dont on est si proche depuis si longtemps et de la découvrir dans l’intimité du travail, d’une façon de faire, d’une rigueur», a ajouté sa consœur.

À gauche: Fanny Britt. Photo: Maude Chauvin. À droite: Alexia Bürger. Photo: Le Petit Russe.

Un personnage navigant entre solidarité et avenir précaire

En 2018, Lorraine Pintal s’est tournée vers les deux dramaturges pour créer une adaptation de la célèbre comédie grecque Lysistrata d’Aristophane. Après mûre réflexion, elles souhaitaient plutôt se lancer dans une création pure, puisqu’une simple adaptation de l’œuvre ne résonnerait pas du tout avec la réalité d’aujourd’hui.

De ces discussions est né le complexe personnage de Lysis, cette femme à la fois chercheuse pour une grande corporation dirigée par un patriarcat capitaliste dans le milieu pharmaceutique de jour et militante clandestine d’un mouvement féministe la nuit. Lors d’une loi spéciale votée par le gouvernement, les femmes se révoltent et réclament justice en déclarant une grève de reproduction.

«L’enjeu de la sexualité était compliqué à rendre sur scène de manière pertinente, parce qu’on avait l’impression que la vision de l’époque était très masculine; que la sexualité était comme un cadeau que les femmes donnent aux hommes», a tenu à préciser Fanny Britt à propos de leur processus de création. «La vision moderne de la sexualité est, d’une part, beaucoup plus large que ça. D’autre part, ce n’est pas parce que les femmes décident d’arrêter la sexualité que les hommes arrêtent de la prendre! On le sait très bien, surtout qu’au moment où on a commencé à travailler là-dessus, on était quand même bien imprégnées du mouvement #MeToo.»

En dépit de cette dure réalité, la grève du sexe originale se voulait en fait un refus d’enfanter; ce qui serait tout à fait illogique à présent avec la contraception.

«Il y avait aussi ce questionnement sur le Trésor public et quelque part sur l’économie d’une société à travers les femmes, qui se trouve même dans Aristophane, déjà. Ces aspects ressortent de Lysis à cause de la prémisse de cette compagnie pharmaceutique qui décide de mettre en marché un médicament, sans se soucier des effets secondaires que ça a sur la santé des femmes», a renchéri Alexia Bürger.

«Il y a aussi une volonté de sonder intimement ce que ça peut vouloir dire de décider de ne pas enfanter pour une cause qui est plus grande que nous; des frictions entre un idéal et ce qu’on sait qui est bon pour la suite du monde; ses désirs les plus intimes, peu importe où on se situe dans le spectre des idéologies et des révoltes.» — Alexia Bürger

Bénédicte Décary en Lysis. Photo: Yves Renaud

Des performances magistrales à l’unisson

Le fort personnage de Lysis, incarné par Bénédicte Décary, fera vivre toute une gamme d’émotions au public, sans compter les nombreuses réflexions qui découleront de son histoire. Avec ses divers chapeaux, elle tentera de garder le cap, et ce, malgré tous les sentiments contradictoires et les répercussions que ses choix provoqueront sur ses relations avec son amoureux, ses collègues, son groupe d’activistes ainsi que ses amies.

«C’est assez exceptionnel d’avoir un rôle qui ratisse aussi large lors d’une représentation. C’est le grand défi de Lysis; celui de tenir la pièce à bout de bras, de suivre un chemin de personnage qui est multiple, à la fois enragé, militant, revendicateur, politisé, mais aussi fragile intimement et qui a des questionnements ainsi que des dilemmes éthiques très forts. Bénédicte Décary a cette énergie-là, cet abandon-là», s’est réjouie Fanny Britt. «J’ai l’impression que le fait qu’elle vive avec le personnage depuis plus de quatre ans, ça lui donne une sorte de proximité avec Lysis, qui est belle à voir», a-t-elle rappelé en faisant référence aux annulations en raison de la pandémie.

«Elle porte la fougue du personnage, mais c’est aussi, dans la vie, quelqu’un qui a un rapport viscéral avec le texte et la mise en place, qui s’implique profondément dans ce qu’elle fait, et c’est vraiment réjouissant. C’est un cadeau», a ajouté Alexia Bürger.

Pour accompagner ou affronter Lysis dans ses combats, d’intéressants personnages prendront place à ses côtés. Une solide distribution mettra en scène de grands talents incluant Steve Gagnon, Jacques L’Heureux, Isabelle Vincent, Pier Paquette, Cynthia Wu-Maheux, Jean-Philippe Perras, Nadine Jean et plus encore!

«En voyant l’enchaînement, ce qui m’a réjoui, c’est de constater que, malgré toutes les questions politiques qu’on pose, ça reste une pièce d’action. […] Je trouve ça vraiment chouette que, même si c’est un groupe de dix-sept interprètes, chacun∙e a un moment où ils ou elles peuvent faire pivoter l’action et entraîner un changement», a rapporté Fanny Britt.

Un public prêt à s’abandonner à un torrent d’émotions

Déjà connue pour son livre ayant circulé dans le milieu scolaire, en plus des conférences données par Fanny Britt à ce sujet, la pièce a également fait l’objet du documentaire théâtralisé Lysis, au cœur de la création diffusé en ligne en 2022.

Sans aucun doute, cette œuvre mènera les spectateur∙trices à s’interroger sur des enjeux sidérants encore d’actualité et, souhaitons-le, ouvrira un dialogue social en lien avec la parité et le capitalisme qui prennent peu ou trop de place dans la société.

«Les œuvres artistiques agissent des fois de manière souterraine dans la vie des gens et c’est ça qui est intéressant. Ce sont des petites réflexions que provoque la rencontre avec une pièce ou un texte qui font en sorte que les changements à plus long terme ont lieu», a affirmé Alexia Bürger en songeant à la potentielle portée de Lysis. «Ce dont je suis contente, c’est qu’il y a une forme de radicalité au bon sens du terme dans ce qui est proposé par ces femmes-là qui décident d’aller au bout de quelque chose. […] Comment peut-on être radicale dans le sens grec du terme, d’aller à la racine de ce qui nous choque ou nous révolte, et l’assumer parce qu’on est dans un monde souvent édulcoré d’un côté, et de l’autre, on parle de radicalité dévastatrice où les gens meurent à l’autre bout du monde. Que nos questions voyagent et rencontrent celles du public serait extraordinaire», a-t-elle conclu.

«L’idée du collectif revient aussi beaucoup dans la pièce; cette idée de transcender les divergences d’opinions pour avoir le courage de continuer de réfléchir au bien commun», a souligné Fanny Britt pour terminer en précisant que l’humour sera aussi au rendez-vous!

Ne manquez pas ce grand moment de théâtre! Choisissez vos billets pour Lysis, cette pièce coécrite par Fanny Britt et Alexia Bürger, dans une mise en scène de Lorraine Pintal, qui sera présentée au TNM jusqu’au 1er juin. Pour en savoir plus, consultez le site Web du Théâtre du Nouveau Monde.

*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde (TNM).

La pièce «Lysis» en images

Par Yves Renaud

  • «Lysis», une pièce radicale et nécessaire signée Fanny Britt et Alexia Bürger au TNM
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    Photo: Yves Renaud
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    Bénédicte Décary en Lysis. Photo: Yves Renaud
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