ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Gunther Gamper
«J’crois que j’ai découvert ce qui définit le mieux l’être humain. C’est le rire. Sauf que c’est pas drôle pantoute.» Cette réplique, empruntée à l’un des personnages, est peut-être la plus apte à définir l’œuvre qui se veut ludique tout en étant profonde et sérieuse. Logique du pire ressemble à un grand et improbable débat philosophique matérialisé par des personnages naturels qui nous font part de leurs problèmes existentiels et de leurs visions du monde. Ils se baladent d’un air nonchalant, se traînent d’un bout à l’autre du plateau, se recroquevillent sur eux-mêmes ou bondissent, par moments, pour s’accaparer l’espace, l’attention et défendre leur logique, l’un après l’autre, tout au long de l’expérience.
C’est donc ainsi qu’ils apparaissent aux spectateurs qui s’installent en face d’eux. Une lumière crue éclaire à la fois les places et l’espace scénique. Chacun anonyme, chacun mis en lumière dans son errance personnelle et insipide… Sur scène, le décor est épuré: sol blanc, fauteuil vert, chaise de bureau… Le strict minimum pour nous suggérer l’intérieur d’un foyer aux allures de colocation où cinq jeunes interprètes vont et viennent, chacun dans son coin, tout en installant l’ambiguïté de la limite entre acteur et personnage. De même qu’on voit clairement les micros et le système de sonorisation sur scène, les personnages semblent nous lancer des coups d’œil, puis retourner dans un état de concentration d’avant-spectacle ou de préparation physique…
Soudain, l’un d’eux s’avance pour commander le démarrage de la pièce d’un geste décidé auquel la voix fait écho. Il se lance dans le récit énergique d’une histoire, en mimant ce qu’il raconte. Il longe le bord de la scène, cherchant la complicité avec les spectateurs directement dans leurs yeux. Celle-ci ne tarde pas à se faire entendre par de nombreux éclats de rire.
La pièce s’enchaîne ainsi en alternant récits absurdes, confessions dérangeantes et conseils passionnés. Le naturel des protagonistes est renforcé par l’utilisation du langage familier québécois qui colore le discours de chacun d’eux. Entre nonchalance, révolte et lutte contre ou avec le monde, Philippe Boutin, Yannick Chapdelaine, Gabrielle Côté, Renaud Lacelle-Bourdon et Marilyn Perreault tentent de nous pousser à l’action.
«Sois beau même dans ta laideur!»
«En plein milieu de ta chute, pense à avoir du style!»
«Décide du sort de l’humanité!»
«Fais-toi du bien!»
L’œuvre diversifie la forme et les styles, allant de la légèreté à la gravité, de manière tantôt douce, tantôt acérée et piquante, commençant par une leçon de morale, puis laissant la place à une totale décadence des personnages qui deviennent vulgaires. Elle joue à la limite de l’abstrait dans une construction où communiquent les mots, la musique, le rythme des dialogues, le mouvement, les effets de lumière ou, au contraire, dans une totale narration qui va jusqu’à la parodie.
Les artistes maîtrisent l’espace scénique et sonore et tentent de le faire au-delà du quatrième mur, contrôlant cette errance philosophique du début à la fin, engageant la transition d’une partie à une autre, s’assurant que le spectateur les suit en titillant son empathie. Une belle performance de la part des interprètes que la liberté de jeu, l’aisance corporelle et la fluidité des déplacements dans l’espace nous donnent plaisir à suivre.
L’objectif des metteurs en scène étant de renforcer la connexion entre les spectateurs et les acteurs, c’est sans aucun doute un pari réussi.
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Par Gunther Gamper
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