ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Josée Lecompte
Alors que les créations précédentes du Théâtre du Futur nous propulsaient dans un monde où les boomers étaient exilés sur la Lune et où le clonage était interdit (Le clone est triste, 2019), ou encore dans une société où les théories de la conspiration les plus farfelues s’avéraient vraies (Les secrets de la vérité, 2018), cette nouvelle mouture, qui macère depuis 2020, et qui a subi plusieurs transformations, est plus fantaisiste que jamais, comme si Olivier Morin et Guillaume Tremblay avaient brassé dans une immense marmite leurs préoccupations, leurs thèmes favoris, une pincée d’humour actuel et une immense passion pour la géographie québécoise.
Devant être présentée en 2020, puis adaptée en expérience virtuelle suite à un prolongement inattendu de la pandémie, La colère des doux est redevenue une expérience scénique maintenant intitulée La grosse noirceur, petit clin d’œil à Duplessis, qui trouverait incidemment beaucoup d’adeptes prêts à lui consacrer un vote en 2022.
C’est de cette absurdité de laquelle se moque constamment le Théâtre du Futur, qui préfère rire que pleurer, au plus grand bénéfice de la rate de ses multiples adeptes.
Sous les blagues qui font mal et les fanfaronneries, il y a dans La grosse noirceur une virulente critique de l’individualisme et des libertariens, une tendance de société aussi inquiétante que prévisible.
Est-ce qu’un peuple aussi divisé peut arriver à un résultat cohésif, à créer un monde fonctionnel, à marcher sur la mince ligne entre bien collectif et libertés individuelles?
Des routiers bien rodés
La musique de Navet Confit est encore une fois omniprésente et nous transporte notamment – de façon proprement hilarante – dans les années 90, une utopie où les réseaux sociaux n’ont pas encore distillé leur doux poison, et où MusiquePlus fait encore figure d’évangile.
Le trio de futuristes est accompagné sur scène d’une collaboratrice de longue date, Myriam Fournier, toujours aussi mordante et délectable.
La trajectoire du personnage – vous! – prendra éventuellement une tournure étrange, une expérience plus dramatique que jamais à la tonalité presque horrifique, chose qu’on a rarement vue dans une création de Morin et Tremblay. Et c’est là que le rire se fait un peu plus rare, même si l’intention est louable. Ce dernier acte, un peu plus lourd que le reste, nous laisse sur une drôle d’impression. C’est paradoxalement le moment où on a droit à un des personnages les plus aboutis de Guillaume Tremblay, un pompiste aigri et trop occupé, amateur de poulet et de quiproquos.
Mais le futur est toujours rose malgré tout, et si vous croyez qu’il est difficile de conjuguer sur scène des éléments tels que la fin du monde, les jeux vidéo immersifs, la maintenance d’un Cessna, un personnage qui s’est déguisé en marionnette pour survivre, un parcours jonché de sandwiches au thon et une guerre qui oppose des métalleux à des «preps», détrompez-vous: il est possible de le faire avec une élégance désinvolte, en dansant.
«La grosse noirceur» du Théâtre du Futur en images
Par Josée Lecompte
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de la rédaction