ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Ros Ribas
Attendre, c’est mourir un peu
La douleur de Marguerite Duras relate les expériences de l’autrice pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’elle attendait le retour de son amant Robert L des camps de concentration.
Ici, Robert L personnifie Robert Antelme (L’espèce humaine) qui était réellement en relation avec Duras à l’époque. Incertaine de son sort, cette dernière s’implique dans le journal Liberté afin d’aider à répertorier les déportés. Finalement, Robert L est retrouvé à Dachau, au bord de la mort. Par miracle, il est rapatrié en France, où Marguerite veille sur lui avec l’assistance d’un médecin.
Son affection, et les soins constants de Marguerite, contribuent à sa guérison, ce qui illustre la puissance de la bienveillance et de la détermination face à l’adversité.
Pour les néophytes de Duras
Le texte foisonne de belles tournures de phrases. Il plonge dans la psyché de Marguerite Duras un peu comme le dessin des escaliers de MC Escher.
De nos jours, son caractère actuel saute aux yeux, surtout avec les événements qui ont cours en Ukraine. L’autrice émet aussi une critique virulente du général de Gaulle par rapport au lien qu’on a avec cette figure historique au Québec.
Au centre de la pièce se trouve cette douleur que ressent Duras, cette solitude universelle dans la guerre, sa résistance quotidienne, et l’amour nécessaire pour retrouver la liberté de renouer avec notre humanité.
Pour sa part, Dominique Blanc domine la scène. Certes, le texte excelle dans l’art du lyrisme, et nous, on se laisse emporter par le phrasé qu’elle prête à son personnage. La montée dramatique de la comédienne lors de la découverte de Robert L, jusqu’à la première rencontre entre Duras et ce dernier, m’a sincèrement ému aux larmes.
Une leçon d’humilité théâtrale signée Chéreau
La mise en scène, pour sa part, ne reste qu’en soutien à l’actrice qui porte réellement le poids de la pièce. Du côté jardin se trouvent environ sept chaises. Du côté cours, une table avec trois chaises, un plat, une cruche d’eau et un verre ornent le plateau. L’éclairage est l’un des rares éléments que je me permettrais de juger, car son traitement de la lumière et la scénographie est somme toute très pauvre.
Je pourrais, en somme, vous donner un exposé de plus de 300 pages sur l’attente dans l’écriture de Duras, ou encore sur le textocentrisme de Chéreau. Mais la vérité, c’est que cette adaptation La douleur est un fichu bon spectacle, rodé au quart de tour par une Dominique Blanc plus qu’excellente et un texte brillant.
Elle a d’ailleurs laissé entendre qu’elle s’arrangerait pour revenir dans dix ans afin de présenter à nouveau cette pièce.
Si elle vit toujours à ce moment-là, je vous somme d’aller voir cette belle leçon de théâtre!
L'avis
de la rédaction