«Le Mont Analogue» de la chorégraphe et metteuse en scène Wynn Holmes à ESPACE GO – Bible urbaine

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«Le Mont Analogue» de la chorégraphe et metteuse en scène Wynn Holmes à ESPACE GO

«Le Mont Analogue» de la chorégraphe et metteuse en scène Wynn Holmes à ESPACE GO

Un théâtre avec une transe ésotérique pour emporter

Publié le 8 mars 2024 par Guy-Philippe Côté

Crédit photo : Sandra-Lynn Bélanger

La distance Terre-Soleil ne peut guère se mesurer avec un seul point connu sur le globe. Cependant, avec deux points, un triangle peut se construire. Le calcul devient donc possible. Croire et visualiser mentalement l’immatériel en groupe rend alors l’invraisemblable possible. Cette réflexion métaphysique aux accents poétiques et symbolistes sert de fondation à «Le Mont Analogue», roman inachevé de l'écrivain et poète français René Daumal. Jusqu'au 10 mars, Ballets Opéra Pantomime (BOP) et LFTD/Lo Fi Dance Theory présentent, à ESPACE GO, sous la direction de Wynn Holmes, l'adaptation scénique d'une œuvre multidisciplinaire combinant danse, théâtre et musique.

De l’ésotérique au théâtre?

L’histoire qui défile sous nos yeux prend en quelque sorte l’aspect de comptes-rendus d’expédition. Sur scène, notre regard se pose sur les différents membres qui constituent un groupe «d’alpinistes» dirigé par un certain Pierre Sogol, interprété ici par le toujours excellent Jean-François Casabonne (J’ai cru vous voir, Strindberg), l’unique comédien à fouler les planches. À ses côtés, six danseurs et six musiciens se préparent eux aussi à aller vers l’inconnu.

C’est dans un décor fort minimaliste, sur lequel on retrouve seulement quelques estrades, que celui-ci, sûr de lui, convainc ces compatriotes, des artistes, des scientifiques et des linguistes, à gravir une mystérieuse montagne, celle que l’on nomme le Mont Analogue. Cette dernière serait située sur une île du Pacifique invisible à l’œil nu, qui relierait terre et ciel, matériel et spirituel.

Ainsi, au fil de ce spectacle de seulement 1 h 15 minutes, on assiste, comme spectateur, à l’expédition de Sogol et de son groupe. Chacun, au départ, semble persuadé par l’idée que c’est grâce à la force du nombre que l’on accède à un avenir meilleur. Or, certains finissent par se retirer en cours de route, parce qu’ils commencent à voir en Sogol une espèce d’illuminé. D’autres, cependant, restent. Mais l”histoire ne révèle pas ce qui arrive à ceux-là.

Si vous êtes confus à la lecture de ce résumé, et de ce voyage vers l’ailleurs qui semble complètement loufoque et tiré par les cheveux, c’est normal. Sachez que l’auteur, René Daumal, était de son vivant un fervent praticien de rites ésotériques flirtant avec l’hindouisme et les enseignements New Age de Gurdijef, un gourou professant un éveil de la conscience humaine.

Un certain déséquilibre au niveau du langage

Pour faire vivre cette histoire poétique et symbolique sur la scène de l’ESPACE GO, c’est à Wynn Holmes, artiste et chorégraphe canadienne, à qui l’on doit beaucoup, entre autres la chorégraphie, la mise en scène et la coécriture, mais aussi à ces collaborateurs, l’autrice Clara Prévost (La grande traversée et The Rise of the Bling Bling) et Hubert Tanguay-Labrosse, à la composition musicale.

À mon avis, le principal bémol de cette adaptation, qui reste somme toute assez fidèle à l’œuvre originale, c’est la façon dont les artistes déclament leurs dialogues. Jean-François Casabonne, avec son expérience, s’en sort plutôt bien, mais les danseurs, eux, se retrouvent avec des lignes de dialogue qui ne convainquent pas. Là où ils excellent, c’est dans l’interprétation de leurs partitions physiques; ils sont d’ailleurs très impressionnants à voir aller.

Comme spectateur, j’ai senti un certain déséquilibre au niveau du langage, même si celui-ci servait évidemment de fil narratif. Cela n’a pas trop entravé le rythme de la pièce, qui est, fort heureusement, axée sur la chorégraphie et la musique, et non sur le texte.

Une œuvre entière, fruit d’un travail collaboratif réussi

Au niveau du travail chorégraphique, on ressent totalement l’effort somatique qui émane de chacun des danseurs. Je lève notamment mon chapeau à Nicholas Bellefleur (Bogota, A safe(r) space) et à Cyndie Forget-Gravel (membre de LFDT et CORPUS Collective). Vraiment, leurs solo et duo m’ont vraiment tapé dans l’œil.

Je tiens également à souligner l’expérimentation musicale d’Hubert Tanguay-Labrosse, cofondateur de BOP. Ses compositions, rythmées par les instruments de musique créés par le concepteur Tom Jacques, m’ont donné l’impression d’entendre la musique de Philip Glass sur une bande sonore pour La Montagne sacrée de Jodorowsky! Faut le faire!

Avant de conclure, il m’est également nécessaire de glisser un mot ou deux sur la conception lumineuse réalisée par Paul Chambers (Habitat, Efer). Juste au-dessus de la scène, on retrouvait un immense rectangle de lumière DEL qui semblait servir, tantôt de portail, tantôt de ciel. Le tout était enveloppé d’éclairages expressionnistes emplis de fumée, ce qui apportait un aspect onirique à leur quête.

Outre le fait que ce spectacle semble s’être muselé dans la dramaturgie du livre pour incorporer l’aspect théâtral de cette œuvre, on ressort néanmoins de la salle avec l’impression d’avoir pris part à une exploration philosophique et spirituelle qui éveillent tous nos sens à la fois.

La pièce «Le Mont Analogue» en images

Par Sandra-Lynn Bélanger

  • «Le Mont Analogue» de la chorégraphe et metteuse en scène Wynn Holmes à ESPACE GO
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