ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Maryse Boyce
Scone et pinte de bière à la main, j’ai pris place dans la salle de répétition exiguë du Théâtre La Licorne. Assise dans la deuxième rangée dans un siège bien cordé avec les autres, il va de soi que l’effet de proximité avec la scène allait rendre palpable le malaise qui allait se dessiner petit à petit entre les deux protagonistes.
Dès le lever du rideau, un homme jette un coup d’œil furtif au matériel de pâtisserie sur le présentoir, sans grand intérêt. Bien vite, on perçoit sa timidité et sa maladresse presque maladives. Il a clairement un crush sur l’employée qui semble surfer sur la vague de leurs échanges plutôt insipides.
A suivi un small talk des plus embarrassants qui n’en finissait plus de finir… Est-ce que cet échange en surface allait finir par accoucher!
Quasiment peu de chair autour de l’os…
Oui, le ton du texte se veut humoristique et léger, mais à mon avis, il manque clairement de substance et de profondeur. En effet, le tandem d’acteurs se démène sur scène avec un texte qui tourne en rond, à l’exception du discours sur les émotions, où l’autrice a volontairement ajouté une couche de psychologie à son propos, suscitant rires et réflexions chez les spectateurs.
Il aurait toutefois été intéressant qu’à travers son écriture elle explore davantage les abîmes de ses personnages, sans pour autant basculer dans le mélodrame, car le small talk auquel on a eu droit devient vite devenu lassant.
D’ailleurs, on nous a vendu Fondant comme une pièce qui se situe à cheval entre la comédie et le thriller psychologique. Calmons-nous le thriller! Les quelques minutes d’angoisse sont loin d’être insoutenables, et elles surviennent seulement à la toute fin du spectacle, donc… Ainsi, la légèreté a fait place à l’oppression, et l’histoire s’est conclue abruptement sur un punch tout de même imprévisible, heureusement.
Mais si la fin m’a quand même laissée perplexe, elle m’a aussi laissée sur ma faim.
Un duo inégal
L’autrice et dramaturge Marianne Dansereau, à qui l’on doit les textes Hamster, récipiendaire du prix Gratien-Gélinas en 2015 et Savoir compter, entre autres, m’était jusqu’alors plutôt inconnue comme comédienne. Mais j’avoue qu’elle m’a surprise par la justesse de son interprétation, naviguant avec aisance entre l’humour et le drame. Une candeur émane d’elle, de même qu’une colère abrasive. Je ne vous révèle pas plus de détails!
Quant à Marc-André Thibault, ses allers-retours constants sur la scène dénotent bien la nervosité suspecte qui habite son personnage. Son discours est rempli de non-dits et est souvent teinté de maladresses. Son personnage colle de manière un peu trop insistante. En d’autres mots, c’est une tache qui ne part pas. Il suscite l’irritation, et c’est exactement ce qu’on s’attendait de son rôle!
Sans rien enlever à la valeur de leurs interprétations respectives, le personnage de Marianne Dansereau a davantage attiré mon attention, car c’est une femme pétillante et colorée, à l’image du commerce dans lequel elle travaille, alors que Marc-André Thibault, dans la peau de son personnage, est quant à lui plus effacé, voire discret.
Cela dit, le personnage masculin reprend du galon en fin de pièce en nous dévoilant une facette de son personnage pour le moins inquiétante… Et on y croit!
Un terrain de jeu à travailler
Les 5 à 7 de La Licorne demeurent un espace où auteurs, interprètes et metteurs en scène peuvent tester leurs créations dans une formule à la fois conviviale et légère.
La dernière fois que j’ai assisté à cette formule, c’était en 2016, avec la pièce Toutes les choses parfaites de Duncan Macmillan, avec François-Simon Poirier, ainsi que L’amour est un dumpling en 2017, un texte co-signé par Mathieu Quesnel et Nathalie Doummar, laquelle campe l’un des rôles principaux aux côtés du comédien Simon Lacroix.
Ainsi, la barre était haute ici, à mes yeux. Car ces pièces abordaient des thèmes clairs: la dépression d’un parent avec MacMillan, tandis que Doummar et Quesnel s’intéressaient plus au passage à la vie adulte et au couple, entre autres choses. Avec Fondant, on s’interroge sur l’objectif de la pièce.
Oui, il y a une trame narrative et un punch à la fin, mais le fondant, je ne l’ai pas saisi!
Pourquoi, d’ailleurs, choisir une pâtisserie comme lieu où se déroule l’action? Le drame, plaqué à cette scénographie presque fantasmagorique, une conception d’Anne-Sophie Gaudet, offre un contraste pour le moins curieux. Est-ce pour mieux nous berner? Pour nous dire que, derrière cette façade sucrée de cupcakes et de meringues alléchantes, on ne sait pas qu’un drame nous attend dans le détour?
Il faut dire que les deux comédiens semblaient un peu à l’étroit dans ce décor composé de panneaux et derrière lesquels l’actrice doit se faufiler sans cesse, illustrant un huis clos étouffant.
En somme, le moment était divertissant et ponctué de rires, mais l’inconfort dépassait le contexte de la pièce et se ressentait dans la salle.
Était-ce vraiment l’effet désiré?
La pièce «Fondant» en formule 5 à 7 en images
Par Maryse Boyce
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