ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Jean-Charles Labarre
Assoiffés, c’est une journée dans la vie de Murdoch, un jeune étudiant du secondaire qui se lève verbomoteur un bon matin et qui décide de crier toute sa révolte adolescente à la face du monde, à ceux qui veulent l’entendre, et aux autres, qui en ont peut-être un peu moins envie. Comme cette lectrice dans l’autobus, à qui il reproche de s’isoler dans son roman. Ou à son enseignante, à qui il pose beaucoup de questions. Ou son directeur, qu’il assommera à grands coups de «Je ne sais pas» inlassablement répétés.
Pendant ce temps, dans le futur, un anthropologue judiciaire (Boon) nous raconte la même journée, mais vue de sa perspective, alors que son grand frère était dans la même classe que Murdoch, et devait y présenter une pièce de théâtre, avec la beauté comme thématique. C’est Boon qui l’écrira, avec son talent et sa sensibilité, et on y retrouvera Norvège, une jeune femme qui se rebelle en refusant de parler, et qui s’enferme dans sa chambre pendant des jours, rendant ses parents malades d’inquiétude.
On effleure au départ, très brièvement, le talent musical de notre antihéros, ce qui donne lieu à d’étranges interludes musicaux pendant lesquels les acteurs dansent, et où Philippe Thibault-Denis, l’interprète de Murdoch, joue des percussions et manipule un sampler. Cela crée une distance avec le récit et ses enjeux, plutôt que de nous y émerger davantage, laissant le spectateur avec l’impression d’être un voyeur presque passif, et surtout peu investi.
Il y a quand même des moments très prenants, comme les scènes avec le mystère de Norvège et sa chambre interdite, créant une angoisse sourde, augmentée par l’environnement sonore étouffant de Nicolas Basque et les excellentes projections vidéo de Martin Lemieux et Pierre Laniel. On y retrouve aussi beaucoup d’humour, notamment pendant l’hilarante enquête vidéographique sur la beauté que mène Boon auprès des rustres habitants de son quartier.
La mise en scène minimaliste de Benoît Vermeulen utilise habilement tous les supports mis à sa disposition, avec une économie de mouvements et très peu d’accessoires. Les dialogues reposent un peu trop, selon nous, sur les multiples jurons qui y servent de ponctuation; avec un texte de cette intelligence, il y aurait probablement eu moyen d’en diminuer quelque peu la quantité.
Une image frappante hante le récit dès son prélude, et une autre vient le clore, nous offrant entre les deux une habile réflexion sur l’absurdité de l’existence et la fougue de la jeunesse, la perception et le regard des autres, où les voix adultes ne sont que des grincements imperceptibles.
Un univers fermé de rébellion adolescente, habilement perçu et magnifié par le talent de Mouawad.
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Par Jean-Charles Labarre
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