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Crédit photo : Marchel B. Eang
«Alerte au déclencheur: la première rangée peut être en contact avec les performeurs qui porteront des masques.»
C’est ce qu’on peut lire sur le site internet de l’événement. Curieuse, j’avais interrogé Ralph sur cette notice lors de notre entretien, et il m’avait expliqué que ce n’était pas prévu dans leur chorégraphie.
Mais puisque les interprètes ne verraient rien du tout durant toute la performance, ils ont préféré avertir le public de la possibilité d’un tel «incident».
Une mise en scène intime et immersive
Ceci dit, je n’étais pas encore certaine de vouloir m’installer aux premières loges. Quelle fut ma surprise lorsque je suis entrée dans la salle: il n’y avait que des premières rangées! Je m’explique: la scène, au centre, était délimitée par un grand carré au sol de vingt pieds sur vingt pieds. Des sièges étaient alignés de chaque côté de l’espace délimité, et au centre de ce set up très intime se tenaient Ralph Escamillan et Daria Mikhaylyuk, vêtus de leur cagoule en cuir, de vêtements pâles et neutres. Les artistes se faisaient face, immobiles sous un unique projecteur.
Je me suis installée dans une ambiance déjà captivante et prometteuse. Lentement, sous les envoûtants sons de Stefan Nazarevich, les danseurs sont entrés en contact et la magie les a emportés jusqu’à la dégénérescence, d’abord par un jeu de mains, puis de corps, les deux d’une magnifique fluidité.
La scénographie était aussi intrinsèquement liée aux mouvements des danseurs. Guidées par des caméras 3D, les lumières suivaient les mouvements des artistes, créant ainsi une chorégraphie lumineuse qui allait de pair avec les gestes «performés» dans l’espace dédié.
La musique, qui venait des quatre coins de la salle, donc tout autour des spectateurs, devenait les yeux des interprètes, et grâce au système quadriphonique, les sons devenaient alors des balises auditives. Les spectateurs se trouvaient ainsi carrément immergés dans cette belle démonstration de confiance et d’interdépendance: les lumières sont guidées par les danseurs, qui eux sont guidés par la musique.
Des prouesses qui font retenir le souffle
Les deux interprètes étaient incroyables, et la robustesse de leur corps et leur audace n’a assurément laissé personne de marbre. Déjà, chapeau bas pour leur courage d’avoir créé une performance «à l’aveugle» sur le fait d’être vu sans pouvoir voir en retour, le tout dans un spectacle aussi intime.
Le costume de la cagoule en cuir de cinq pieds de long, quant à lui, amène une difficulté physique qu’on ne peut passer sous silence. Ce singulier vêtement agit comme une extension du corps et ajoute un contrepoids non négligeable ainsi qu’une limitation dans la respiration des danseurs.
Le duo s’est tout de même approprié ce costume comme un nouveau corps à explorer, et il a appris à bouger avec élégance et fluidité durant le spectacle. Captivée, j’ai même retenu mon souffle à certains moments, les voyant se déchaîner dans leur cagoule à grands mouvements de tête, témoin d’un graduel épuisement — intentionnel ou pas? — qui laissait planer un léger malaise.
Mais ces moments d’ambiguïté ont aussi fait la richesse de l’œuvre: dès que l’art suscite des émotions, c’est que le produit est bien livré, dit-on! Et c’est le cas pour whip qui, malgré quelques petits moments de longueur et de malaise prolongé, reste un spectacle, disons-le, époustouflant et essoufflant.
Le duo dansera ce soir pour une dernière fois! Si vous voulez, à votre tour, vivre une soirée hors du commun et haute en sensations, c’est le moment. Les billets sont en vente ici!
L'avis
de la rédaction