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Crédit photo : Tous droits réservés, Festival interculturel du conte de Montréal
Ensemble!, une édition qui porte bien son nom
Entre Stéphanie Bénéteau et le conte, c’est une longue histoire d’amour. En effet, celle qui chapeaute le Festival interculturel du conte de Montréal est tombée dans la marmite du conte dès son plus jeune âge, et considère que celui-ci «fait partie de l’ADN de l’humanité». Pour elle, «c’est une façon que les êtres humains ont d’organiser l’information et de transmettre l’émotion.»
Sans aucun doute, la force de cet événement biennal est la très grande diversité de formes du conte qui y sont présentées: «On passe d’une forme orale très pure de conteurs et conteuses porteurs d’une tradition millénaire, à des conteurs qui s’inscrivent plus dans l’art de la scène et qui sont plus contemporains. Il y a aussi des contes et musiques, des récits de vie, des légendes, des mythes, des contes de création», nous explique-t-elle.
Et, cette année, une certaine fébrilité accompagne l’édition, «parce qu’on a tous été très seuls et très isolés, privés d’arts vivants et de contacts humains, et que le conte est presque par définition un art de la rencontre, en présentiel. Il y a beaucoup d’émotion de se retrouver ensemble sur scène!»
La transmission est d’ailleurs l’une des thématiques centrales, car elle permet de comprendre la notion d’héritages identitaire et culturel, ainsi que le lien qui unit les générations. Comme le fait justement remarquer notre interlocutrice, «nous avons énormément souffert pendant la pandémie, car on a vu de façon très brutale comment les personnes âgées sont traitées dans notre société. Ce n’est pas comme ça dans toutes les sociétés, il y a beaucoup de communautés où il y a un lien beaucoup plus fort entre les générations.»
D’ailleurs, le ton sera donné dès le spectacle d’ouverture Générations, présenté le 22 octobre au Théâtre Outremont. Tous les artistes – conteurs, conteuses, musiciens et musiciennes – seront présents et seront le reflet de la diversité culturelle et artistique du festival.
«Ce soir-là, ils vont chacun à leur façon rendre hommage au lien entre les générations avec des contes, des récits de vie, des chansons et des performances. Ça va être une soirée haute en couleur, très animée, très vive, avec des propositions très différentes d’un artiste à l’autre!»
Entre tradition et modernité, le conte s’ancre dans le présent
La beauté du festival, nous rappelle Stéphanie Bénéteau, c’est de présenter le conte dans toute sa diversité, entre tradition et modernité.
Et selon elle, le spectacle Pékâne – Récit épique des pêcheurs peuls toucouleur, présenté le 23 au Petit Outremont et le 27 octobre au Cabaret BMO Sainte-Thérèse, est un parfait exemple de «comment les conteurs et conteuses puisent dans le passé, tout en s’adaptant et en se tournant vers l’avenir. Pékâne est un spectacle très puissant qui aborde aussi la question du colonialisme, de la destruction de l’environnement, et du rapport entre le nord et le sud. Ce spectacle, qui est une reprise d’un très vieux récit d’une épopée de pêcheurs peuls modernisé par Thierno Diallo, est à la fois ancré dans une tradition très forte et dans une dynamique contemporaine.»
À noter qu’un musicien électroacoustique accompagnera la performance de ce conteur sénégalais multiculturel et digne héritier de son père, le grand conteur oral Mamadou Diallo.
Parmi les autres sujets qui figureront au sein des événements présentés, il y aura notamment la maladie d’Alzheimer et le rapport complexe à la mémoire, la libération et l’ouverture de la parole autochtone, et la mise en lumière des divisions de notre société actuelle – avec la segmentation et le blâme de communautés que l’on observe régulièrement ces temps-ci.
L’inclusivité comme moteur du festival
Parmi ses valeurs et sa mission, le Festival interculturel du conte de Montréal tient à défendre l’inclusivité au sein de sa programmation et de son organisation. C’est pourquoi les nombreux événements présentés sont accessibles en termes de tarifs (beaucoup des spectacles sont gratuits ou à très bas prix) et lieux de représentation (qui ne sont pas juste au centre-ville, mais dans tous les quartiers de la ville).
«On peut ainsi rejoindre des gens ou des groupes qui sont éloignés de l’offre culturelle», précise Stéphanie Bénéteau.
Et cette diversité ne s’arrête pas là, puisqu’on la retrouve également au niveau des artistes sur scène, quelles que soient leurs origines ou la langue dans laquelle sera présenté l’événement – tout un volet du festival est d’ailleurs proposé en anglais. «C’est très important de représenter les différents visages du Québec d’aujourd’hui: on a des artistes de toutes les couleurs, de toutes les nations, et certains refusent de se définir comme étant une chose ou l’autre. La vérité, c’est que nos identités culturelles sont très métissées, maintenant.»
Et, pour aller encore plus loin, Stéphanie Bénéteau donne la parole à des artistes qui ont des handicaps, «pour qu’on voie aussi cette réalité-là», insiste-t-elle. Avant d’ajouter: «Et j’aimerais en faire plus, d’ailleurs.»