«La petite anecdote de…»: Charles Beauchesne et ses (alléchants) biscuits aux burgers – Bible urbaine

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«La petite anecdote de…»: Charles Beauchesne et ses (alléchants) biscuits aux burgers

«La petite anecdote de…»: Charles Beauchesne et ses (alléchants) biscuits aux burgers

Surtout, ne jamais faire confiance à un apprenti pâtissier

Publié le 15 février 2021 par Vincent Gauthier

Crédit photo : Pat. Delisle

Chaque semaine, Bible urbaine demande à des artistes de tous horizons de raconter une anecdote ludique, touchante ou simplement évocatrice sur un thème inspiré par son œuvre. Cette fois, c’est au tour de Charles Beauchesne de se prêter au jeu! Après avoir gradué de l'École nationale de l'humour en 2010, l'humoriste n'a jamais cessé de faire rire le Québec avec son humour noir et absurde totalement assumé. Déjà, il a participé à plusieurs galas d'humour, et son balado, intitulé Les pires moments de l'histoire, où il relate des moments phares de notre Histoire avec une touche humoristique tordante, est un véritable bijou! Ici, il nous raconte une anecdote très, très savoureuse où il nous dévoile ses talents de pâtissier et le malin plaisir qu'il a pris à surprendre... ses «convives»!

Les biscuits aux burgers

Dans la vie, je ne me suis jamais vraiment considéré comme ce qu’on pourrait appeler «un farceur». Ça viendrait inclure par définition que je suis ce genre de boute-en-train qui élabore constamment de nouvelles blagues à faire subir à un entourage proche de plus en plus éprouvé avec les années, et ce n’est pas tout à fait ce dont il s’agit dans mon cas.

Disons que je suis un peu plus… un individu à l’imagination relativement malsaine, qui, une fois de temps en temps, va, de façon totalement aléatoire, déployer des trésors d’énergie à l’élaboration d’un scénario à ce point improbable et étrange, que potentiellement badtrippant, pour aucune autre récompense que l’expression de totale incompréhension sur le visage de tout le monde.

Ensuite, généralement, je retourne en hibernation pour quelques mois, et ainsi de suite.

Surprendre tout le monde en créant des cauchemars, c’est l’histoire de ma vie.

L’un de mes dossiers favoris à ce sujet nous ramène en 2010, pile-poil alors que j’achevais ma formation à l’École nationale de l’humour. Je vous assure, avec tout le sérieux du monde, que je n’avais pas spécialement d’ennemis ou de vendetta envers qui que ce soit. En fait, j’aimais profondément tous ces gens, quelques-uns, futurs collègues, avec qui je venais de passer les deux dernières années à monter un, j’imagine très impressionnant à l’époque, double DEC EN ARTS!

Hélas, un jour, toute cette fraternité enthousiaste n’empêcha aucunement un sordide éclair de génie, tout droit sorti des méandres d’un quelconque super-ego diabolique, de me foudroyer l’esprit, alors que je fixais probablement un poteau de métro avec le regard vide à ce moment-là.

Soudainement animé par l’énergie d’un démon qui rêve, je ne descendis pas à mon arrêt habituel. À la place, je fis un plus qu’inhabituel détour vers un comptoir à restauration rapide des environs, pour en ressortir avec une vingtaine de hamburgers pour enfants (en spécial à ce moment-là, pour ceux que ça intéresse).

Tout avait été calculé en l’espace d’une seule seconde de pure démence. J’étais maintenant une machine entièrement consacrée à la réalisation de mon idée (aussi terrible soit-elle). Arrivé à la maison, je me mis systématiquement à passer au mélangeur chacun des hamburgers pour enfants, en les allongeant, lorsque nécessaire, avec de l’eau du robinet, jusqu’à obtenir une sorte de pâte aussi (somme toute) uniforme que brunâtre.

Sans attendre une seconde ni même prendre le moindre répit entre les étapes, j’utilisai quelques classiques emporte-pièces à bonhommes de pain d’épices de grand-mère, afin de diviser ce que j’appellerai ici «la mixture de base» en une armée de sympathiques bonshommes dodus qui auraient très bien pu passer pour des biscuits de Noël, abstraction faite qu’ils étaient 100% en «joyeux festin».

Touche finale! Quelques minutes au four, un petit sourire en crémage, et j’avais maintenant sous la main ce qui, en apparence, aurait pu être aisément «mépris» pour une alléchante fournée de biscuits.

Pourquoi j’ai fait ça? AUCUNE IDÉE! Tout ce dont je me souviens, c’est qu’un vague désir de prouver que, tant que des biscuits avaient en tout point l’aspect et la texture de biscuits, ils pouvaient, dans les faits, être constitués de n’importe quoi, et personne ne s’en rendrait jamais compte… En tout cas, c’est comme ça que je le relativise aujourd’hui, mais encore là, aucune façon de savoir ce qui m’animait vraiment ce jour-là.

Donc, le lendemain, j’avais disposé, avec une hypocrisie qui me fait encore peur aujourd’hui, le plateau de biscuits aux burgers en plein cœur de la salle commune de l’école… Et si je ne m’abuse, j’avais même trouvé l’audace d’y ajouter une petite note furieusement faux-cul, du style: «Une petite douceur de la part de votre cher ami Charles Beauchesne». J’avais signé mon crime. Dans ma tête, j’étais Arsène Lupin avec ce truc, peu importe ce que c’était.

En un instant la journée est passée et personne ne s’est rendu compte de quoi que ce soit. ILS ONT VIDÉ L’ASSIETTE! Une part importante de mes interactions, ce jour-là, fut dédiée à essayer de ne pas sourire quand on venait me REMERCIER, ou dans certains cas, ME FÉLICITER DE MES TALENTS DE PÂTISSIER.

Voilà! Dans ma tête, à ce moment-là, tout ça ne venait que certifier à quel point c’était facile de faire passer quelque chose de complètement dégueulasse avec un «médium» d’apparence délicieux, sans que personne ne s’en rende compte… J’étais bel et bien un grand artiste! Fouillez-moi pourquoi j’avais besoin de me prouver des choses comme ça à cet instant-là de ma vie…

Ce moment de pure mégalomanie narcissique de méchant dans James Bond fut cependant de courte durée. À mon souvenir, c’est exactement à ce moment-là qu’un de mes profs a finalement fait irruption dans la salle pour me faire part de quelques inquiétudes:

«BEAUCHESNE? EST-CE QU’IL Y A DES CORNICHONS DANS TES BISCUITS???»

La réponse est oui.  Encore aujourd’hui, il y a des cornichons dans mes biscuits.

Vous pouvez écouter l’épisode #15 du balado Les pires moments de l’histoire de Charles Beauchesne ci-dessous. Pour lire d’autres petites anecdotes, c’est par ici.

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