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Crédit photo : Stéphane Najman
Dès le début, la présence de l’interprète saisit. Tout en lenteur, on observe une douce lutte se construire dans le corps et dans l’espace. Une résistance teinte la gestuelle et entame le parcours émotif de la soliste.
On peut reconnaître différentes «phases» dans le combat pour la survie qui s’illustre sur scène: l’obstination, le débat, la fuite, la nervosité, la paralysie, l’abandon, la désillusion, la folie… En mouvement, en théâtre et en états de corps, le portrait dressé par les deux créatrices est juste. Il ne tombe pas dans la caricature. Il rend justice aux émotions et suscite une certaine empathie.
La scénographie occupe un rôle incontournable dans la création. Conçue par Karine Galarneau, l’installation contribue métaphoriquement au sens de l’oeuvre. Lorsqu’une toile de plastique jonchant le sol d’un bout à l’autre de la scène se dérobe sous les pieds de l’interprète, ou encore lorsqu’elle l’empêche d’avancer, on peut voir des clins d’oeil renvoyant à la thématique de l’anxiété. C’est avec de subtiles touches que les dispositifs s’insèrent dans la dramaturgie.
Certains éléments sont toutefois peu exploités et restent plus «dans le décor»; prenant part à l’ambiance générale, on les accepte, mais leur pertinence est questionnable.
Bouleversement fait le constat des mécanismes de l’anxiété à travers le mouvement. Une sorte d’étude chorégraphique est transposée à la scène, où chaque état mute habilement vers l’autre. Cela dit, on manque parfois d’éclat ou de modulation pour maintenir l’intérêt, car la fluidité des transitions amène un peu de monotonie.
Parallèlement, l’engagement d’Esther Rousseau-Morin est impeccable, mais il ne suffit pas à provoquer autant d’émois qu’il n’en montre.
En bref
Finalement, Bouleversement métamorphose humblement la nature humaine pour en faire un spectacle. Sans aller dans les clichés usuels associés à la détresse, il rend une image «chorégraphiquement» crédible de l’expérience humaine avant la tempête.
Il est même facile de se reconnaître, à un moment ou à un autre, dans les comportements de la soliste. Pièce bien construite et talent au rendez-vous, il semble simplement manquer une cerise sur le sundae dramaturgique.
La pièce sera en salle à l’Agora de la danse du 28 au 30 avril à 18 h et le 1er mai à 16 h. Elle sera également offerte en webdiffusion du 7 au 14 mai 2021.
Le solo «Bouleversement» d’Estelle Clareton en images
Par Stéphane Najman
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