Aliocha dans la cour des grands au Festival international de Jazz de Montréal 2017

Un Aliocha nerveux mais tout sourire a fait son entrée dans la petite salle du Métropolis où son public l’attendait impatiemment. Le Savoy était agréablement plein pour l’occasion, des gens un peu partout, assis aux petites tables cocktails arrangées pour l’occasion, mais aussi par terre, dans les escaliers, et debout dans le fond de la salle. Accompagné de trois autres musiciens, le jeune homme était bien entouré sur la minuscule scène, mais ne semblait pas totalement l’habiter pour autant. Il nous l’expliquait plus tard: ce n’est que leur deuxième spectacle «officiel» après quelques semaines passées en tournée avec Charlotte Cardin.

La soirée a commencé avec une nouvelle pièce charmante qui n’est pas sur Eleven Songs. Le plaisir de jouer du groupe se faisait sentir, et la salle s’est faite généreuse même si le son était parfois trop fort pour la taille de la salle. La suivante, «As Good as You», était particulièrement touchante, surtout quand on sait qu’elle a été inspirée par le grand frère d’Aliocha, Vladim Schneider, mort dans un accident de voiture quand le chanteur était enfant. Ce n’est pas la seule pièce de l’artiste qui s’inspire d’évènements sombres; ses textes sont largement marqués d’une maturité impressionnante pour son âge et s’inscrivent dans la lignée des grands auteurs-compositeurs.

Sur sa «Sarah», on croirait presque entendre Paul Simon, quand Aliocha nous chante «Will you come and see me to the carnival? Will you come and see me if I go now?» On ne peut s’empêcher de penser à la célèbre «Scarborough Fair». Puis, quand il se met à être politisé en dédiant «Virtue» à Trump, en chantant «Mr. Gardner», qui parle d’un américain tué par un policier, on sent Bob Dylan, on pense à Eliott Smith. Les comparaisons sont faciles, mais l’ombre des grands traîne partout sur l’oeuvre d’Aliocha, et c’est loin d’être une insulte. L’un des derniers morceaux de la soirée, «Mary Jane», semble elle aussi tout droit sortie des belles années du folk engagé où la Marie-Jeanne embaumait les salles de spectacles.

Un autre moment fort, c’est lorsque l’auteur-compositeur-interprète a repris «Thirteen» du groupe Big Star, qui met parfaitement en valeur son boyish charm. Puis, plus tard, c’était «Flash in the Pan», en duo avec la sublime Charlotte Cardin, qui nous donnait l’impression de voir deux grands ados (avec des voix d’anges) à leur spectacle de fin d’année.

Entre leurs regards, gênés, mais complices, et quelques petits moments de flottements, ils nous en offrent une dernière à deux, une nouvelle de Charlotte qui n’est pas encore sortie. Comme quoi la tournée créer des liens…

Aliocha a peut-être une gueule de jeune premier, mais ce dont on parlera à partir de maintenant c’est de l’artiste talentueux aux textes magnifiques et engagés. D’ici peu, il habitera la scène comme il habite ses mots et jouera sur les mêmes planches que ses idoles.

On se rappellera alors de l’avoir vu dans une petite salle, gêné et magnifique, avec ses amis et sa guitare.