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Crédit photo : Benoit Rousseau
Le trac était palpable chez Agnes Obel ce mardi soir alors qu’elle se présentait devant le public de Montréal en Lumière. Plus à l’aise en studio ou dans les ambiances feutrées et intimistes, la compositrice, sans triompher, s’est démenée pour produire un concert à la hauteur des attentes du public montréalais. Tortueuse et fébrile, sa prestation a néanmoins revêtu de bien jolis apparats, se galbant essentiellement dans l’architecture minutieuse des pièces du répertoire de la pianiste.
Véritable canevas synthétique, la musique de la Berlinoise d’adoption s’émancipe par la conception sonore pointilleuse de ce Citizen of Glass (2016) aussi limpide que glaçant. Et s’il fallut au cours de la soirée se démêler entre l’expérimentation conceptuelle de ce dernier album transitoire et les compositions limpides et transparentes d’Aventine et de Phillarmonics; l’ensorcelant déploiement musical de la jeune femme a puisé sa force dans l’émotion et dans l’hypnotique atmosphère transmise, bien servie par une voix singulière et poignante.
La scène n’est certainement pas le plus beau jardin d’expression pour cette Agnes Obel émue et contenue, et l’heure et demie de prestation n’était pas de trop pour voir la danoise enfin prendre ses aises. Avant l’aube du rappel, l’enchaînement de «The Curse», «Stone», de l’entreprenant «Citizen Of Glass» et de «Stretch You Eyes» permettait enfin à sa prestation de prendre la mesure de l’évènement. La première partie du concert avait en effet vu l’artiste, troublée se démêler entre ses compositions récentes comme «Red Virgin Soil» ou «Trojan Horses» et la consistance accrue d’autres pièces de ce dernier album.
En effet, «Familiar», «It ’s Happening Again» ou «Golden Tree» laissait la place à Agnes Obel, orchestrée par deux violoncellistes, dont la Québécoise Kristina Koropecki, une clarinettiste aussi aux percussions, et un violoniste montréalais invité pour l’occasion, de déployer ses méticuleux d’assemblages organiques, d’effets synthétiques en les combinant à une rythmique accrue par rapport à l’album. Si Erik Satie n’est jamais loin, la belle s’applique à maintenir sa consistance personnelle dans cet entre-deux aux frontières du minimalisme et de la pop.
Les amateurs de la première heure ont pu retrouver la gracieuse Agnes Obel des débuts quand elle prit place sur un second clavier où l’ingénuité et la simplicité des compositions au piano tranchent aujourd’hui avec la contenance de Citizen of Glass. C’est d’ailleurs seule qu’elle entamait lors du rappel, ce «Riverside» au large écho aujourd’hui, laissant le public acclamé la Danoise.
Si Agnes Obel, dans sa mesure pop, réunit désormais une large audience et bénéficie d’un fort engouement critique, sa musique de chambre finement texturée et astucieusement conçue trouve encore difficilement son ampleur sur une grande scène comme celle du Théâtre Maisonneuve. Néanmoins, la compositrice a pris le pas de ce rendez-vous, convaincant un peu plus à chaque nouvelle pièce pour finalement bénéficier d’un auditoire captivé et fasciné au terme du rappel.
Agnès Obel, après un début de carrière épurée et remarquée, puise aujourd’hui sa force dans la musique minimaliste contemporaine et dans ses délicats arrangements. Quelque part entre Björk, Erik Satie et Kate Bush, la Danoise élève élégamment sa musique et on ne pourrait que lui souhaiter qu’elle s’épanouisse autant sur scène qu’en studio.
Une chose est certaine, sa musique s’y prête.
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Par Benoit Rousseau
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