«Citizen Of Glass» de la Danoise Agnes Obel – Bible urbaine

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«Citizen Of Glass» de la Danoise Agnes Obel

«Citizen Of Glass» de la Danoise Agnes Obel

L'ambivalence limpide et conceptuelle d'une artiste envoûtée et confortée

Publié le 7 novembre 2016 par Benjamin Le Bonniec

Crédit photo : Play it Again Sam

Il y a trois ans, l’album Aventine confirmait tout le bien que l’on pouvait penser d’Agnes Obel depuis la sortie en 2010 de Philharmonics, un album d’une pureté glaçante à la douce mélancolie. Le 21 octobre dernier, la compositrice et pianiste danoise sortait Citizen Of Glass, un album sophistiqué qui révèle son lot de surprises par une musique gracieuse, toujours aussi onirique et surtout poussant les portes de l'expérimentation sonore.

Poursuivant inlassablement sa quête esthétique, l’artiste danoise, aujourd’hui installée à Berlin, continue de se frayer un parcours singulier dans l’immensité du paysage musical contemporain. Toujours dans cet entre-deux saisissant aux frontières du minimalisme et d’une musique classique aux tonalités pop, Agnes Obel envoûte et nous libère par ses délicates mélodies.

Mixé au Aventine-Neukölln and BrandNewMusic-Studios de Berlin, l’album est un véritable canevas entremêlant de fragiles claviers à d’ardents violoncelles tout en laissant l’espace à la douce voix de la Danoise. Cette voix est d’ailleurs l’expression majeure du chemin parcouru pendant ces trois dernières années par Agnes Obel, parfois plus haute («It’s Happening Again», «Citizen of Glass»), et toujours plus travaillée grâce à la rythmique proposée par l’ensemble de l’album.

Abordant les thèmes de la vie privée et de la perte d’intimité, Citizen Of Glass, dont le titre vient du concept allemand du gläserner bürger, l’humain ou le citoyen de verre selon l’artiste, s’interroge entre autres sur la surveillance à l’heure du numérique. Toute la composition de l’album est d’ailleurs issue de ce titre-concept, Obel souhaitait alors s’essayer à de nouvelles choses. «Je voulais me dépasser conceptuellement au départ et me pousser à utiliser le thème de la vitre de différentes manières et travailler d’une nouvelle façon.»

Des tonalités synthétiques aux ambiances organiques, sans relâche Agnes Obel expérimente plus que dans le passé. Alors qu’elle envoûtait et subjuguait, c’est aujourd’hui dans la division et dans la manipulation qu’opère la pianiste. Le souffle cinématographique de la première pièce «Stretch Your Eyes» tranche avec la ballade inspirante et poétique de «Familiar», et encore plus avec la délicatesse sonore et harmonique offerte sur «Golden Tree».

Toujours aussi élégante, l’auteure-compositrice-interprète laisse de côté les envolées orchestrales d’Aventine pour s’étendre au-delà des terrains battus. Entre expérimentations inhibitrices mais intelligibles et émotions intimes, le talent de la Danoise se déploie à chaque morceau et surprend comme nous hypnotise. L’ingénuité et la simplicité des débuts ont en effet laissé place à la grandeur d’une artiste qui prend aujourd’hui les pas d’une autre Scandinave, Björk, tout en assumant son adoration pour Debussy et Erik Satie, ou encore l’héritage d’une Kate Bush, voire d’une Joni Mitchell.

Sorti au beau milieu de l’automne, Citizen Of Glass vient à point nommé pour passer ces longues et humides semaines derrière les vitres de verre qui nous entourent, mais est surtout révélateur de la transition opérée par l’artiste depuis Aventine. Album conceptuel et architectural, ce nouvel opus positionne Agnes Obel toujours un peu plus haut et un peu plus loin que l’immense majorité de ses contemporains, tout en nous révélant une artiste animée et pleine de vitalité prête à nous surprendre encore la prochaine fois.

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