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Crédit photo : Crush Music
Longtemps muré dans un silence anxieux, le rockeur geek de 45 ans a toujours valsé entre humour ironique et anxiété chronique. Ces dilemmes musicaux ont mené à une carrière en montagnes russes pour son groupe Weezer, qui peut tout aussi bien nous offrir la grandeur d’un Pinkerton ou la «risibilité» d’un Make Believe. La bonne nouvelle, c’est que les musiciens de Los Angeles semblent avoir retrouvé le chemin de l’inspiration depuis quelques années. Terminé la superficialité de «Beverly Hills», on passe à l’introspection d’une plage lointaine.
Après le surprenant Everything Will Be Alright In The End, rachetant une décennie d’albums plus ou moins délébiles, le groupe poursuit sa lancée avec le quatrième volet homonyme de sa gamme de couleurs entamée en 1994. Nostalgique? Bien sûr! Mais Weezer fait partie de ces musiciens qui doivent toujours revenir à leurs racines pour retrouver le succès, et ça fonctionne: les textes d’amour clichés mais toujours évocateurs sont de retour, tout comme les refrains contagieux un brin juvéniles.
Le disque-concept décrit une journée complète passée sur le sable chaud à ressasser nos plus beaux moments (et, au passage, ceux plus pénibles). Ça se déroule en crescendo, le soleil se lève sur les premières notes de «California Kids», et la journée progresse jusqu’aux moments acoustiques de fin de soirée de «Endless Bummer»: «I just want the summer to end», chante Cuomo, quand tout est sur le point de se terminer. Le blanc sied bien à ce dixième album en carrière: la grâce des souvenirs y côtoie le soleil de Los Angeles et la musique de surf.
Accrocheur du début à la fin, l’album emprunte aux Beach Boys pour créer une ambiance mi-festive, mi-mélancolique, rappelant les meilleurs moments de Pinkerton ou de l’album vert. Le groupe assume pleinement ce qui fait son succès: un son estival qui ne se prend pas au sérieux. Bien que Cuomo et sa bande se contentent souvent de calquer sur des mélodies déjà existantes de leur répertoire, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de leur meilleur album en au moins quinze ans, au point où il est difficile de choisir un moment qui ressort vraiment du lot, tant le tout est constant. On a déjà entendu maintes fois de telles chansons passionnelles, mais réunir une collection aussi uniforme de morceaux pour un groupe comme Weezer, qui s’est souvent éparpillé, est en soi un exploit.
Plusieurs thématiques plus sombres se cachent sous des paroles en apparence insipides. Cuomo y parle de sa femme, originaire du Japon, et de ses enfants. «Do You Wanna Get High?» va plus loin que la simple chanson sur la drogue, évoquant la passion dépendante: «Do you wanna get high? It’s like we’re falling in love. We can listen to Bacharach and stop at any point.» La très accrocheuse «King of the World» pourrait ressembler à un quelconque texte vantard, mais il n’en est rien: Cuomo se projette comme tel pour y décrire son amour pour sa famille et ce qu’il souhaiterait lui apporter. Rien de bien original, mais ça fonctionne.
Cohérent, concis, simple sans être niais, ce dixième album énergique de Weezer renoue avec l’héritage power-pop des années 1990. Cuomo, le rockeur geek timide et complexe est plus inspiré que jamais et nous entraîne dans sa journée ensoleillée, aux teintes de gris.
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de la rédaction