«Lights Out», le 6e opus d’Ingrid Michaelson – Bible urbaine

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«Lights Out», le 6e opus d’Ingrid Michaelson

«Lights Out», le 6e opus d’Ingrid Michaelson

La simplicité dans la diversité

Publié le 15 avril 2014 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Cabin 24

L’auteure-compositrice-interprète new-yorkaise Ingrid Michaelson, qui s’est fait découvrir notamment grâce à des émissions telles que Grey’s Anatomy et One Tree Hill où sa musique indie a rayonné, surprendra ses fans des premières heures avec Lights Out, son sixième album en carrière. Résolument plus pop, sans les ballades voix-ukulélé qui ont fait la renommée de la chanteuse, l’opus étonne d’une part en raison du nombre de collaborateurs qui entourent Michaelson, mais aussi pour ses textes simplistes mais suffisants. 

La plupart des pièces de Lights Out ne gagneront certainement pas le prix du texte le plus soigné ou le plus élaboré. Très répétitives, les chansons contiennent peu de couplets, laissant la place à des refrains repris trop régulièrement et composés de «Oh oh oh» ou de «Oh you got me / Oh you got me good / Oh you got me / Oh you got me good good good» («You Got Me», en duo avec Storyman). Étonnamment, cela est souvent suffisant pour comprendre le message, comme sur «Home», l’apaisant morceau qui ouvre l’album dans laquelle la chanteuse raconte à quel point il n’y a pas d’endroit meilleur que sa maison, que son chez-soi. Ici, la douceur de la mélodie et de l’air quelque peu aérien deviennent des mots et témoignent de l’apaisement aussi bien que les «This is my home» répétés. La beauté et la cohérence de la musique avec le propos rattrapent ainsi le peu de contenu.

Il peut toutefois devenir un peu lassant d’entendre sans cesse les mêmes phrases, mêmes si elles sont entraînantes, comme sur le premier extrait radio, «Girls Chase Boys». Mais encore une fois, l’idée des stéréotypes et des préjugés est bien comprise malgré l’économie de mots et, tout comme la morale de la chanson, ça n’a pas besoin d’être plus compliqué pour qu’on comprenne le message: on est tous les mêmes et on recherche tous la même chose. C’est d’ailleurs là une des forces de cet album plus mature d’Ingrid Michaelson, car plusieurs morceaux agissent comme un coup de fouet, comme une hymne rassembleuse autour d’un propos.

C’est dans cet état d’esprit qu’on reçoit la participation d’une myriade d’amies musiciennes et chanteuses qui unissent leur voix sur bon nombre de chansons de l’artiste, passant de ses choristes et amies Allie Moss et Bess Rogers, à celle décrite comme étant l’une des meilleures artistes non-signées du pays par les éditeurs du fameux Rolling Stone, Lelia Broussard, en passant par la chanteuse folk Katie Herzig. «Warpath», la pièce la plus courte et percutante de l’album, met de l’avant cet effet grisant d’un véritable hymne féminin, avec ses hands claps, ses guitares électriques rock et ses sept voix féminines à l’unisson, scandant avec aplomb: «Baby, you drive me so mad / You got me running ’round town like a woman on a warpath».

Les nombreuses collaborations d’Ingrid Michaelson ne sont toutefois pas toutes réussies sur Lights Out. Malheureusement, son mari à la voix grave, Greg Laswell, apparaît davantage comme un choriste que comme un chanteur qui effectue un duo sur la douce «Wonderful Unknown», alors que Moss, Rogers et Herzig se font plus entendre que lui. Ses deux morceaux avec Trent Dabbs («Open Hands» et «Ready to Lose»), quant à eux, se veulent beaucoup plus sobres et sensibles, avec un piano prédominant qui contribue à créer une atmosphère triste et dramatique qui détonne avec le reste de l’album.

Il n’y a d’ailleurs aucune continuité sur Lights Out, aucune cohérence entre les pistes. C’est un voyage en montagnes russes, qui passe de ballades aériennes («Home», «Handsome Hands») à des chansons pop entraînantes («Girls Chase Boys», «Time Machine», «Afterlife») sans oublier les hits aux sonorités électroniques et aux mélodies programmées, rappelant presque la dernière offrande des Canadiennes Tegan & Sara («One Night Town», en duo avec Mat Kearney, «Stick»). Il faut dire que l’interprète possède une voix non seulement singulière, mais aussi puissante, apte à passer de tonalités très aiguës en fragile voix de tête, comme sur la presque plaintive «Handsome Hands», qu’à d’intenses envolées bien senties et contrôlées.

La sublime chanson «Over You», en duo avec la formation A Great Big World (Ian Axel et Chad Vaccarino), démontre d’ailleurs la facilité avec laquelle elle joue dans son large registre vocal, en plus de montrer une belle vulnérabilité. L’harmonisation avec la voix un peu nasillarde d’Ian Axel, jointe par celle de Vaccarino et par un ensemble d’instruments à cordes, donne une chanson à la fois très intense et sensible, avec une magnifique finale où la phrase «Maybe if I tell myself enough» est répétée, puis superposée, presque en canon.

Le morceau «Time Machine» est tout aussi percutant, mais pour d’autres raisons, puisque son dynamisme et ses guitares électriques créent des sonorités pop-rock des plus intéressantes. Démarrant comme une tonne de briques avec des stomps et claps, elle s’assure d’être un succès commercial, d’autant plus qu’elle possède des paroles dans lesquelles il pourrait être facile pour quiconque de se retrouver: «If I had a time machine and / If Life was a movie scene / I’d rewind and I’d tell me run / We were never meant to be / So if I had a time machine / I’d go back and I’d tell me run run».

On ne réinvente pas la roue, encore, mais même si Ingrid Michaelson a dirigé la simplicité que possédaient les joyeuses ballades de ses premiers albums vers les paroles de son dernier projet, elle a compris que les airs accrocheurs et l’authenticité d’un disque fait dans le plaisir et l’amitié sait rayonner et trouver son public malgré tout. Et c’est suffisant.

Le sixième album d’Ingrid Michaelson, Lights Out, paraît sous sa propre maison de disques, Cabin 24 Records, le 15 avril 2014. C’est à Montréal, au National, qu’elle amorcera la tournée qui présentera son opus, le 21 avril prochain.

 

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