MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Tous droits réservés @ Audiogram
Malgré le triomphe de ses deux premiers albums Les insomniaques s’amusent (1992) et Quatre saisons dans le désordre (1996), tous deux certifiés platine, Daniel Bélanger allait amorcer le nouveau millénaire avec un profond désir de rêver mieux et de ne pas nous refaire la même chanson.
Le résultat de cette aventure créative allait donner lieu à Rêver mieux, paru le 16 octobre 2001, sous l’étiquette Audiogram. Et ce nouveau chapitre musical allait s’avérer particulièrement foisonnant pour son créateur, puisque l’album remportera sept Félix (!) et un prix Juno, en plus de s’écouler à plus de 200 000 exemplaires.
Plongeons ensemble dans la genèse de cet album magistral, dont la sortie allait définitivement faire entrer Daniel Bélanger dans le rang des artistes intouchables et immortels d’ici…
Bélanger, «l’homme-machine»
Fortement inspiré par la composition du premier album studio de Marc Déry (1999), qui mélange l’électro, le rock, le folk et le trip-hop, l’artiste québécois était ravi de constater que son amour pour la musique électronique était partagé par certains de ses compères.
Muni de son nouveau joujou, un échantillonneur Akai MPC2000, qui avait servi pour la création de bon nombre de classiques électroniques, l’auteur-compositeur allait se transformer en compositeur-arrangeur, voire en véritable bidouilleur musical, ne faisant qu’un avec la musique générée par les machines.
En expérimentant toutes les possibilités de son nouveau terrain de jeu, Daniel Bélanger se plaisait à échantillonner, à déconstruire et à réarranger des morceaux…
Au fil de ses démarches créatives, il allait s’abreuver de la musique d’artistes comme Morcheeba, DJ Shadow ou encore Depeche Mode, avec leur album Exciter.
Lentement, mais sûrement, les influences électro de Rêver mieux prenaient forme, même si son créateur a tenu à rappeler, lors d’un entretien avec La Presse, et à juste titre d’ailleurs, que l’album n’est «pas si électronique que ça».
Ainsi, aux divers instruments joués sur l’album (flûte traversière, piano, guitares, cuivres, percussions…) allaient s’ajouter les sonorités générées par des machines. Et on allait entendre plus tard ces inspirations downtempo sur des morceaux tels que la cosmique «Dans un Spoutnik» ou l’instrumentale et aérienne «Fugue en sol inconnu».
Prendre le temps de prendre sa place
Il faut dire aussi que Rêver mieux a beaucoup compté sur le savoir-faire du réalisateur Carl Bastien, un touche-à-tout multi-instrumentiste, comme Daniel Bélanger, et qui allait devenir un vrai chef d’orchestre lors de la création de l’album.
Avec Bélanger aux instruments et à l’interprétation, et Bastien à la console, on avait droit à un formidable tandem créatif qui s’était donné comme mission de faire voler en éclats les structures des chansons.
Ainsi, certaines pièces, dont l’excellente «Intouchable et immortel», dépassaient parfois les… sept minutes. Au diable le format de trois minutes destiné (et privilégié) par les radios!
Carl Bastien a su insuffler au projet une volonté de prendre son temps pour donner à la musique toute la place qui lui revenait.
En forêt ou à vélo, l’acoustique rencontre l’électro
Entre deux balades en forêt ou à vélo, qui ont ponctué les sessions d’enregistrement de ce troisième album en carrière, Daniel Bélanger a dévoilé au grand jour des morceaux dotés d’une mélancolie amoureuse qu’on lui connaissait déjà, notamment sur la remarquable «Fous n’importe où», la touchante «Dis tout sans rien dire», ou la magnifique chanson-titre, lesquels sont empreints d’une formidable légèreté et d’un groove parfois contagieux, à cheval entre l’acoustique et l’électronique.
Cette nouvelle approche allait par la suite inspirer une génération entière d’artistes québécois, dont Ariane Moffatt, sur son album Aquanaute, ou Dumas, avec Le cours des jours.
Pas de doute possible: avec Rêver mieux, on pouvait se permettre de rêver à un tout nouveau chapitre foisonnant de musique québécoise afin d’amorcer le nouveau millénaire.
Merci, Daniel!