MusiqueLes albums sacrés
Crédit photo : Audiogram @ Tous droits réservés
Mais bien avant la sortie de cet album rebelle il y a trente ans sous l’étiquette Audiogram, Jean Leloup s’était déjà imposé comme un artiste inclassable, à la belle folie. Déjà en 1989, il en mettait plein la vue et les oreilles sur scène avec son groupe La Sale Affaire.
Ceux qui ont eu la chance d’être présents lors de ces concerts au défunt Spectrum et aux Foufounes Électriques s’en souviennent encore. C’était de véritables moments de rock déchaîné où l’on pouvait déjà entendre des morceaux comme «Natalie» ou «L’antiquaire». Leloup affichait alors son vrai visage: celui d’un artiste qui veut rocker.
À une époque où Roch Voisine dominait les palmarès avec «Hélène», on peut dire que cet électrochoc était plus que bienvenu!
D’abord, il y a eu Menteur
Bref, on était déjà aux antipodes de son premier album Menteur, aussi sorti sous Audiogram, un opus que l’artiste a rapidement désavoué.
D’ailleurs, quand on l’entendait sur scène et en entrevue, on comprenait rapidement qu’il était loin d’être l’artiste un peu propret qu’on pouvait entendre sur l’album (exception faite de «Printemps été»). On était plus près du rock français des Mano Negra et autres Rita Mitsouko qu’une musique qui, aux dires de Leloup, «n’est pas faite avec de vrais instruments…»
D’ailleurs, bien avant le lancement de Menteur, Jean Leloup et son acolyte Michel Dagenais avaient déjà composé la genèse de L’amour est sans pitié en vingt-cinq jours, dont la fameuse «Isabelle». Ces morceaux beaucoup plus rock se voulaient un pied de nez aux sonorités aseptisées de ce premier album.
Peu de temps après le lancement de Menteur, où il s’est présenté déguisé en clown (!), Jean Leloup partait, en compagnie de Dagenais, pour un périple fou en Europe. Leur mission: recruter des amis français pour former La Sale Affaire et enregistrer ce deuxième album. Le premier du vrai Leloup.
Un enregistrement chaotique
Serez-vous surpris si je vous dis que l’enregistrement de L’amour est sans pitié a été quelque peu compliqué? Après tout, y’a-t-il vraiment quelque chose de simple, avec Leloup?
Après six mois et on ne sait plus combien de changements apportés à la formation, dix-sept chansons ont finalement été enregistrées. Mais Leloup étant Leloup, il a fallu changer de cap… Pratiquement tout le groupe formant La Sale Affaire a été remercié. Même Michel Dagenais sera remplacé à la réalisation!
Une nouvelle mouture du groupe allait voir le jour: Gilles Brisebois à la basse, François Lalonde à la batterie, de même qu’Yves Desrosiers et Alexis Cochard aux guitares. Toutes les chansons sont retravaillées, et c’est finalement en août 1990 que les Québécois peuvent danser au rythme de la chanson-titre, d’«Isabelle» ou de «Cookie».
On découvre alors des textes imagés et insolents aux thématiques de party, d’alcool et de psychotropes. Au passage, Leloup et sa meute allaient faire découvrir la musique d’ici à bon nombre de jeunes Québécois un peu blasés.
Mais même devant ce grand succès, John the Wolf n’avait pas fini de nous surprendre. Le meilleur restait encore à venir.
1990: Leloup disco
6 août 1990. George Bush père lance l’opération Bouclier du désert en Irak. C’est le début de la guerre du Golfe et d’un important mouvement anti-guerre un peu partout à travers le monde. Il n’en fallait pas moins pour que Jean Leloup et La Sale Affaire enregistrent ce qui allait devenir leur morceau le plus connu.
La chanson «1990» était née. D’abord en version rock, le morceau est remixé par le DJ James DiSalvio de Bran Van 3000, un grand ami de Leloup.
Réticents à ce qu’il y ait une version dance du morceau, les membres de La Sale Affaire changent finalement d’avis quand ils entendent le résultat. Le guitariste Yves Desrosiers l’expliquait d’ailleurs au magazine Voir en 2016: «Le disco, ça nous intéressait pas, mais il y avait quelque chose de vraiment enlevant dans la version de James. Quelque chose qui inspire le party, mais qui, en même temps, est très ironique. C’était une façon efficace de faire passer un message sur la guerre.»
Emballés par le résultat, Jean Leloup et son groupe lancent le morceau comme simple au début de 1991. Sans surprise, il tourne alors en boucle dans toutes les radios et obtient même un beau succès chez nos cousins français. Devant l’engouement, L’amour est sans pitié est réédité en y intégrant le morceau. L’engouement chez les jeunes venait encore de grandir.
Et trente balais plus tard, on se surprend encore à chanter et à danser sur les morceaux comme si c’était la première fois. C’était le début de la folie Leloup et d’un nouveau chapitre foisonnant pour la musique de chez nous.