«Nouveau monde» de La Fouine – Bible urbaine

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«Nouveau monde» de La Fouine

«Nouveau monde» de La Fouine

Une étincelle, presque sous chaque mot

Publié le 5 juin 2016 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Jive Epic

La Fouine, c’est le nom à travers lequel Laouni Mouhid a choisi d’apparaître sur scène. Pourtant, La Fouine-Mouhid n’a pas eu à hésiter entre la révélation de sa réalité intime et l’éternel mythe du rappeur, mêlant gloire et tentation criminelle, car si plusieurs jeunes Français, surtout parmi les minorités raciales, sont appelés, comme lui, à connaître l’exclusion et même le bagne, il fait partie aussi des rares élus à avoir connu l’ascension radicale et tant attendue vers la gloire. Et plus exceptionnel encore: tout en gagnant en sagesse et en affinant son langage, il est parvenu à garder le style percutant qui étincelle son chemin vers la résilience.

Plus que le crime encore, la tentation de jouer au grand frère est forte chez les auteurs de rap, même si certains sont encore trop pudiques pour révéler leur souffrance et que beaucoup trop d’entre eux sont encore ambivalents à affronter le risque de dépasser ce qui les détruit.

La Fouine, pour sa part, s’attaque sans vergogne à sa propre image de mâle brut pour parler de son attachement à sa mère, à ses amis, de son rapport complexe avec son identité passée et de la frayeur que lui inspire parfois sa popularité soudaine. Mais La Fouine sait aussi aller plus loin que lui-même. En évoquant ses propres remises en question et travers, il sait se faire le reflet des aspects plus sombres d’une génération impatiente et appâtée par l’omniprésence des images. Il y parvient toutefois sans renoncer à l’illuminer d’un soupçon d’espoir.

«Le jeune ira plus vite, certes, mais l’plus vieux connait l’chemin
La route vers la paix s’trouve pas sur un panneau
Je cherche une touche d’espoir qu’il n’y a pas sur vos pianos
Plongé dans le passé, noyé dans les souvenirs
On a l’sourire, en partant, on peine à revenir»

Sans doute, un certain je-m’en-foutisme de sa part contribue-t-il à cette authenticité frondeuse qui le caractérise, mais il entraine aussi quelques fausses notes: certaines chansons, comme «La Trappe», semblent correspondre aux référents d’un univers hermétiquement fermé, tandis que l’apparente superficialité d’«Insta» finit par avoir raison de notre écoute attentive. Car, en effet, malgré ses quelques coups d’éclat, La Fouine ne flotte pas constamment dans les hautes sphères: quelques-uns de ses morceaux ne semblent voués qu’à transmettre un bon rythme. Côté musical, le rappeur offre d’ailleurs une belle variété, sans pour autant chercher à explorer les limites de son style.

Même s’il les entoure de quelques autres airs qui risquent vite de se dissiper dans le vent, la Fouine demeure néanmoins du côté de ces défricheurs qui savent implanter quelques discours forts. Et pour cause, il ne se contente pas de demeurer dans le bain général de contestation de l’injustice et du racisme, mais ose aussi aller là où seuls les plus grands parviennent à se hisser: jusqu’à tendre la main après avoir dénoncé la haine. Ainsi avec «Je l’aime quand même», La Fouine, en endossant totalement son identité de migrant maghrébin parfois soupçonné de crimes racistes, fait l’une des plus tendres déclarations de guerre à la guerre elle-même que les dernières années nous ont donné d’entendre:

«Suis-je coupable ou à plaindre, d’après leur politique ?
Quand apparait le Soleil, faut bien qu’la Lune s’éclipse
Mon ami rabbin, j’l’aime sans haine ni contrainte
Tant qu’la télé reste éteinte
[Refrain]
La France va mal, mais je l’aime quand même
Souvent on flirte entre l’amour, la haine
Et tous les jours on fait face aux problèmes […]»

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