«L’entrevue éclair avec…» Roxane Gaudette Loiseau et Mélanie Guénette-Robert – Bible urbaine

LittératureL'entrevue éclair avec

«L’entrevue éclair avec…» Roxane Gaudette Loiseau et Mélanie Guénette-Robert

«L’entrevue éclair avec…» Roxane Gaudette Loiseau et Mélanie Guénette-Robert

Découvrez leur «Petit manifeste de la masturbation féminine»: une lecture éducative et décomplexée!

Publié le 9 novembre 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Julia Marois

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, on a jasé avec Roxane Gaudette Loiseau et Mélanie Guénette-Robert, dont le livre «Petit manifeste de la masturbation féminine» est récemment paru aux Éditions de l’Homme. Laissez-vous guider par ces deux féministes engagées qui nous offrent une lecture à la fois éducative, revendicatrice et décomplexée!

Roxane, Mélanie, on est contents de pouvoir échanger avec vous! On dit de vous que vous êtes des féministes engagées. Pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez senti l’appel pour cette cause sociale qui vous tient à cœur?

«Il n’y a pas eu de déclic, de moment charnière. Très jeunes, nous avons été sensibilisées aux luttes des femmes, aux luttes que nos grand-mères et nos mères ont menées, et que nous porterions éventuellement.»

«Rapidement, nous nous sommes aperçues que les attentes que l’on nourrit envers les femmes ne sont pas les mêmes. En nous informant sur la situation de celles-ci à travers le monde, en lisant, en nous instruisant et en apprenant au fil de nos expériences en tant que femmes, notre féminisme a évolué.»

«Même si nous sommes privilégiées à plusieurs niveaux, nous vivons aussi certaines injustices liées à notre genre, et nous sommes également témoins de celles de nos consœurs, qu’il s’agisse de nos amies, de notre famille ou encore de femmes rencontrées dans le contexte de notre travail.»

Le 3 novembre, votre premier livre Petit manifeste de la masturbation féminine est paru aux Éditions de l’Homme. Vous «[tentez de] briser les tabous qui entourent la masturbation féminine et [encouragez] les femmes de tous âges et de tous horizons à partir à la découverte de leurs corps pour en explorer les possibles.» D’abord, dans quel contexte vous êtes-vous rencontrées toutes les deux, et qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer conjointement dans ce projet d’écriture?

«Nous nous sommes rencontrées chez Anorexie et boulimie Québec (ANEB Québec). Mélanie y travaillait comme responsable du volet éducation et prévention, et Roxane s’y impliquait bénévolement comme ambassadrice. Nous avons eu la chance d’apprendre à mieux nous connaître.»

«Roxane a eu l’idée du projet qu’elle a porté pendant plusieurs années en elle. Elle souhaitait l’entamer avec une personne de confiance, de la même génération qu’elle, et qui partageait des valeurs similaires. Considérant le sujet, soit la masturbation féminine, elle voulait dans son équipe une professionnelle dans le domaine de la sexologie

«Elle a approché Mélanie qui s’est sentie interpellée par le sujet, encore peu abordé au commencement de ce projet de livre. La détermination et la fougue de Roxane l’ont immédiatement conquise. Par nos écrits, nous souhaitions faire une différence dans la vie des femmes, permettre à celles qui en nourrissent l’envie d’aller à la rencontre de leur plaisir.»

«Nous souhaitions offrir une réflexion critique entourant l’histoire de la masturbation féminine, en plus d’analyser les sociétés dans lesquelles les femmes évoluent et où sont façonnées leurs sexualités. En prenant conscience de ce qui a forgé nos sexualités, de la genèse du malaise et du tabou qui persistent quant à la masturbation féminine, on peut tranquillement tenter de s’en affranchir.»

Petit-manifeste-de-la-masturbation-feminine_Couverture 

Et alors, en quoi ont consisté vos récolte et synthèse d’informations en lien avec la masturbation féminine, ainsi que votre travail réflexif et analytique pour raconter son histoire et créer un petit manifeste à la fois éducatif, revendicateur et décomplexé? 

«Nous avons d’abord veillé à créer une revue de la littérature sur le sujet, tant sur le plan scientifique qu’à celui qui s’offre au grand public. Nous avons écouté bon nombre de podcasts et de documentaires web sur le sujet.»

«Au fil de nos recherches, nous avons constaté que la documentation qui était disponible était plutôt limitée. Nous avons constaté, sans grande surprise, que plusieurs écrits sur les sexualités des femmes ont été rédigés par des hommes et que le travail de certaines pionnières à ce sujet restait encore méconnu du grand public.»

«Nous avons fait un retour en arrière dans l’histoire des sexualités des femmes, son évolution, parfois sa régression. Nous avons discuté ensemble de nos impressions, analysé les informations recueillies à travers une perspective féministe et une lunette sexologique, considérant les études de Mélanie en sexologie et ses années de travail dans ce domaine.»

«Nous avons également demandé l’aide de certaines spécialistes sur différents sujets. Nous avons eu la chance d’échanger avec ces dernières et de tirer profit de leur révision pour certains passages. Ce livre n’aurait d’ailleurs pas pu exister sans l’apport de nombreuses femmes, tant en termes de connaissances que d’expériences.»

Ce livre vient tout juste de paraître, alors qu’on a célébré le mois dernier l’histoire des femmes au Canada. Qu’est-ce que cela représente pour vous et, d’après vous, quel chemin reste-t-il à parcourir pour une pleine reconnaissance de la femme et de ses droits à l’échelle de notre pays?

«Nous aimerions d’abord souligner qu’il existe une pluralité d’expériences. Les femmes n’ont pas toutes les mêmes besoins et ne partent pas toutes avec les mêmes chances. Certaines, en raison de leur éducation, de leur genre, de leurs origines ethniques, de leur orientation sexuelle ou encore de leur niveau socio-économique, sont privilégiées.»

«Nous pensons que la reconnaissance des droits de certaines femmes plus marginalisées, dont les réalités sont souvent invisibilisées (ex.: les femmes trans et intersexes), est encore lacunaire et précaire. Nous en avons eu l’exemple récemment avec la proposition, au Québec, du projet de loi 2, qui met à risque l’intégrité des personnes trans, intersexes et non binaires.»

«Malgré les avancées importantes en matière des droits des femmes au cours du siècle dernier au Québec et au Canada, les violences que vivent les femmes en plus grande proportion que les hommes cisgenres – notamment les violences dans les relations intimes et amoureuses, ainsi que les violences sexuelles –, sont le reflet des inégalités qui persistent au sein de notre société. Les sexualités des femmes restent malheureusement sous le contrôle de plusieurs institutions patriarcales, et ce, encore aujourd’hui.»

«La question du droit à l’interruption volontaire de grossesse, qui est à l’heure actuelle le sujet de préoccupations majeures lors d’élections fédérales, en est un bon exemple. À une ère où l’on nous annonce encore quotidiennement des féminicides, où les maisons d’hébergement pour les femmes qui ont été victimes de violence intime et amoureuse et les maisons d’hébergement pour femmes en difficulté sont surchargées, où la misogynie est toujours tangible, il nous apparaît évident qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.»

«S’éduquer en tant que société, injecter des sommes dans la prévention et réfléchir individuellement à notre responsabilité sont des gestes urgents à poser.»

 
 
 
 
 
Voir cette publication sur Instagram
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Une publication partagée par Roxane Gaudette Loiseau Perso (@roxane.loiseau)

Si tout était possible, y compris remonter le temps, quelle figure féministe aimeriez-vous rencontrer autour d’un bon souper, et de quels sujets aimeriez-vous parler ensemble?

«Il s’avère presque impossible de ne faire qu’un choix. Il y a tant de femmes admirables qui ont pris part à nos luttes et qui ont fait avancer la condition des femmes. Nous présentons d’ailleurs plusieurs de ces femmes d’exception dans notre livre Petit manifeste de la masturbation féminine

«Nous trouverions intéressant de pouvoir approfondir le sujet de la masturbation féminine avec toutes les pionnières qui nous ont permis d’écrire ce manifeste grâce à leurs recherches, leurs ouvrages et le partage de leur expérience personnelle.»

«En voici deux d’entre elles avec qui nous aimerions, entre autres, avoir la chance de discuter: d’abord, Jaha Dukureh, pour son implication dans la lutte contre les mutilations génitales féminines faites aux femmes et aux fillettes. Cette femme a notamment contribué à la décision du gouvernement en place d’interdire cette pratique dans son pays d’origine, la Gambie.»

«Et aussi Annie Sprinkle, l’une des figures de proue de la pornographie féministe qui serait même, selon certaines autrices, à l’origine de la post-pornographie. Nous serions curieuses d’en apprendre davantage sur la réception du public à l’égard de son spectacle Public Cervix Announcement présenté dans les années 1990. C’était une prestation subversive où elle invitait entre autres les spectatrices et spectateurs à observer son col d’utérus à l’aide d’un spéculum. Sa mise en scène permettait notamment de situer la protagoniste comme sujet dans un moment invasif (lors d’un examen gynécologique), où les femmes peuvent se sentir particulièrement vulnérables.»

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions de l’Homme. 

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début