LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : François Couture
Mikaël, on est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour l’écriture et le bel agencement des mots – que ce soit dans le cadre de ton travail de journaliste, ou bien comme auteur?
«J’adore écrire, mais ce que j’aime avant tout, c’est la lecture. J’ai lu des centaines de livres, dont nombre de biographies. Dès ma jeunesse, j’adorais visiter les bibliothèques, où je pouvais passer des heures à fouiller à tout hasard dans les rayons. Je tiens cette fascination de la lecture de mon grand-père paternel, un homme cultivé et passionné des grands enjeux de l’actualité politique et économique. Mon grand-père m’a transmis sa discipline de lecture des journaux.»
«Jeune, je construisais de petits journaux en papier que je vendais aux membres de ma famille. Cette passion ne m’a jamais quitté. Dans mes temps libres, j’adore me replonger dans de vieux journaux. Ce regard vers le passé nous permet de voir comment les mentalités ont évolué, mais aussi le chemin que nous avons parcouru comme société. Il faut également dire que je suis fasciné par l’histoire. En s’arrêtant pour réfléchir, nous avons souvent l’impression d’un éternel recommencement…»
En faisant nos petites recherches, on a découvert que tu es natif du Saguenay. Peux-tu nous parler de l’attachement que tu as envers ta région, ses spécificités et son histoire?
«Le Saguenay, c’est mon point d’ancrage. Je suis profondément enraciné dans ma région natale, et ce, même si je ne l’habite plus depuis maintenant 16 ans. Le Saguenay m’a toujours suivi partout où je suis allé. J’en suis très fier.»
«J’ai une grande admiration pour les bâtisseurs de ma région natale: il leur en fallait du cran pour décider de construire des villes et villages au beau milieu de nulle part, complètement isolés du reste du monde. Il y a eu des générations sacrifiées sous la promesse d’une vie meilleure. Dans notre confort actuel, on tend à l’oublier.»
«Fierté et résilience sont deux mots qui décrivent bien ma région natale. Ce sont deux valeurs qui me sont très chères. Cette fierté régionale est aussi l’essence de mes deux premiers livres comme auteur (Georges Vézina, l’habitant silencieux et Il y a 25 ans, le Déluge): c’était important pour moi de faire ma part en redonnant aux gens de chez nous.»
Justement, ce 14 juillet, ton livre Il y a 25 ans, le Déluge: des héros et des témoins racontent est paru aux Éditions de l’Homme. Au fil des pages, tu reviens sur cet événement majeur de l’été 1996 où l’équivalent d’un mois de pluie est tombé en 24 h au Saguenay: les gens du coin ont vu les rivières déborder, les infrastructures s’écrouler et leurs villes et villages privés d’électricité et d’eau. Qu’est-ce qui t’a donné envie de te pencher sur cette catastrophe naturelle historique, un quart de siècle plus tard?
«Lorsque ma famille a tout perdu d’un seul coup en juillet 1996, nous nous sommes sentis tomber dans le vide. Heureusement, nous avons vite été secourus et pris en charge. Le Québec, le Canada et l’ensemble de la société civile nous ont ouvert leurs bras et ont pris soin de nous. Si nous n’avions pas eu toute cette aide (financière et morale), je ne sais pas ce que nous serions devenus. En vieillissant, je me suis toujours promis qu’un jour, je trouverais une façon de dire merci. Sans la générosité du peuple québécois et saguenéen, nous n’aurions pas vécu cette catastrophe naturelle aussi dignement.»
«J’ai longtemps cherché le bon moyen de remercier les anges gardiens du déluge. J’ai fait plusieurs dons à des organismes, mais chaque fois je me disais que je devais faire plus. En lançant un livre, j’ai l’occasion de parler publiquement et de mettre par écrit tous les petits et grands gestes de générosité liés à ce déferlement de la nature bien inattendu.»
Au fil des pages, on retrouve les témoignages de 25 personnes qui ont vécu de l’intérieur cet épisode. Qui sont ces gens qui parlent de leur expérience, et sur quels critères les as-tu choisis pour dresser un portrait de ce fait marquant pour les habitants de la région?
«Choisir les témoins fut un exercice complexe et très difficile. Tout le monde au Saguenay a vécu le Déluge et a des souvenirs à raconter! Il y avait donc des milliers d’histoires potentielles, mais je revenais toujours au point de départ: je voulais raconter et présenter la société saguenéenne de 1996.»
«J’ai aussi cherché des histoires diverses qui représentaient bien les différents enjeux de la catastrophe. Les 25 histoires couvrent donc l’ensemble du territoire affecté et toutes les difficultés qui ont été vécues sur le terrain. Il y a donc des familles monoparentales, de grandes familles, des intervenants de première ligne et des enfants. Il est aussi question de gestes courageux, de résilience et de beaucoup de bienveillance.»
«En refermant le livre, les lecteurs auront une bonne idée de ce que les gens ont vécu en 1996. Je suis quand même conscient que j’ai dû faire des choix déchirants. J’espère simplement avoir fait les bons choix.»
Pour un prochain projet d’écriture, de quoi aimerais-tu parler cette fois, et pour quelles raisons? On aimerait également savoir si tu comptes t’essayer à un autre genre littéraire!
«J’adore l’histoire et j’aime avoir l’impression de faire une petite différence en écrivant, il se pourrait donc fort bien que je continue de raconter des pans oubliés (ou pas) de notre passé collectif. Il semble y avoir un appétit grandissant des Québécois pour en savoir davantage sur d’où on vient. Ça m’emballe. À voir la réaction des gens sur mes livres, ça me donne le goût de continuer… et j’ai plusieurs autres belles idées!»
«J’aimerais un jour me lancer dans la fiction, mais je ne me sens pas encore tout à fait prêt pour ce tout nouveau genre littéraire. L’année 2021 m’a permis de découvrir le fabuleux monde de l’édition. J’y ai pris goût, mais j’en suis encore à mes balbutiements. Une chose à la fois… À suivre!»