«L'entrevue éclair avec...» Hugo Meunier, auteur et reporter spécialisé en journalisme d'immersion – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Hugo Meunier, auteur et reporter spécialisé en journalisme d’immersion

«L’entrevue éclair avec…» Hugo Meunier, auteur et reporter spécialisé en journalisme d’immersion

Avec son roman «Raté», il aborde ces vies brisées et sauvées de justesse

Publié le 15 novembre 2022 par Mathilde Recly

Crédit photo : Julien Faugère

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd’hui, nous avons jasé avec Hugo Meunier, auteur et reporter spécialisé en journalisme d'immersion, un gars qui n'a jamais manqué d'audace; la preuve, on a fait sa connaissance lors de la sortie de son essai «Walmart» (Lux), où il racontait son incursion en tant qu'employé-taupe dans l'une de leurs succursales du nord de Montréal. Et l'exercice s'est avéré hyper ludique et éducatif... il fallait le faire! Ce drôle d'oiseau, qui prête également sa plume à URBANIA pour des reportages vraiment le fun, se plaît à écrire des fictions, et c'est justement à l'occasion de son plus récent roman «Raté» (Stanké) qu'on s'est (finalement) décidé à l'aborder. Préparez-vous mentalement toutefois: on y parle d'un sujet difficile... mais ça va bien aller!

Hugo, nous sommes heureux de pouvoir échanger avec toi aujourd’hui! Diplômé en littérature, tu t’es d’abord dirigé vers le journalisme avant de publier plusieurs ouvrages –dont des romans et une nouvelle dans un collectif jeunesse. On est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour les livres?

«D’aussi loin que je me rappelle, et probablement parce que ça remonte à l’Ancien Monde, avant les zinternets (j’ai déjà eu une pagette, tsé), je lisais au primaire des livres dont vous êtes le héros et la Comtesse de Ségur, d’abord, des BD, beaucoup (Tintin, Yoko Tsuno, Mafalda, Gaston, Léonard, etc.) Je lisais aussi de façon compulsive des ouvrages de la collection Inexpliqué, où on abordait des phénomènes paranormaux qui me faisaient freaker en plus de nourrir mon esprit complotiste. J’ai vu hier que les 25 numéros de la collection sont en vente pour 25 $ sur Kijiji et je me retiens d’aller les acheter (c’est loin, Sherbrooke).»

«La lecture faisait en sorte que j’avais un pas pire vocabulaire, j’aimais écrire aussi, ce qui me rendait vaguement suspect au royaume des ailerons arrière de chars modifiés. Cette passion s’est renforcée au secondaire lorsque ma prof de français, Louise, a déposé un roman d’Agatha Christie entre mes mains. Celui avec le titre qui n’a pas bien vieilli. Ça a changé ma vie. Après Agatha, je me suis tapé tous les Stephen King, les Anne Rice, les Mary Higgins Clark, en plus d’avoir foncé vers l’écriture.»

«Je me croyais (un peu), alors j’avais entrepris une histoire médiévale assez merdique s’articulant autour de jumeaux séparés à la naissance, aux destins opposés (évidemment). Le prénom de l’un (Sodïak) était celui de l’autre à l’envers (Kaïdos). Je me trouvais très très génial…»

Comment, d’une façon ou d’une autre, tes fonctions de journaliste d’immersion et de reporter ont-elles pu nourrir ton inspiration d’écrivain et ta soif de raconter des histoires?

«Avant de me commettre avec le roman, j’ai écrit quelques essais, un premier contact en douceur avec la littérature, et plus compatible avec le métier de journaliste. La démarche est semblable, la rigueur aussi, et on n’a surtout pas à puiser nos histoires dans notre tête et à étendre nos proverbiales tripes sur la table.»

«J’ai donc écrit, avec Katia Gagnon, un essai sur la santé mentale, puis j’ai fait un essai sur une immersion de trois mois chez Walmart et même sur une auto-infiltration de moi-même (un exercice très narcissique, oui) pour parler du phénomène des autobiographies de vedettes au Québec.»

«Toutes ces expériences, et le fait de faire du journalisme immersif, m’ont certainement aidé à être rigoureux dans la construction de mes personnages, des lieux et des mises en situation. Même s’il s’agit de fiction, je continue à faire des entrevues avec des gens pour éviter d’écrire trop de niaiseries, pour passer le test de la crédibilité. Par exemple, dans Raté, j’ai fait des entrevues avec des personnes en situation de handicap, dont une atteinte de tétraplégie, en plus d’avoir parlé à un ergothérapeute pour approfondir mes connaissances en fauteuils roulants.»

«Je me documente beaucoup aussi, en plus de préconiser la transparence dans mon histoire – même quand ça fait mal et que la réalité est proche de la fiction –, histoire d’être en phase avec ma façon de faire ma job de journaliste, c’est-à-dire d’être le plus proche de la réalité possible.»

Critique-rate-roman-Stanke

Le 26 octobre, ton roman Raté est paru chez Stanké. Au fil des pages, on est plongés dans la vie de Christian, un homme qui sort d’un suicide manqué et qui est confronté à plusieurs défis comme celui de réapprendre à vivre malgré de graves séquelles, de faire face au regard des autres et de sauver sa relation avec son fils qui lui en veut d’avoir choisi de l’abandonner. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’aborder le sujet délicat de ceux qui ont tenté de s’enlever la vie, mais que le destin a sauvés de justesse?

«J’ai été confronté tôt au suicide dans ma jeunesse. C’est cliché, mais celui de Kurt Cobain m’est rentré dedans comme un dix roues à une époque où les groupes grunge étaient mes principaux modèles de toute. L’effet boule de neige de son suicide m’avait aussi marqué. Quelques années plus tard, un de mes meilleurs amis s’est à son tour enlevé la vie. Une peine d’amour. Nous étions une gang de jeunes vingtenaires à essayer (sans trop de succès) de gérer des émotions trop grandes pour nous, à l’âge où on enterrait surtout des grands-parents.»

«Je me demande souvent ce que seraient devenus ces gens partis trop tôt aujourd’hui. Autant une personnalité de la trempe de Cobain que mon ami Ben. J’ai voulu réfléchir à ça, en gardant en toile de fond une relation tendue entre un adolescent et son père. Je me suis inspiré un peu de ma propre relation avec mon ado (heureusement plus harmonieuse). Je voulais exploiter le sentiment de trahison qu’on doit ressentir lorsqu’une des personnes les plus importantes de notre petit monde choisit délibérément d’en finir. Je voulais raconter ce qui se passe quand le suicide échoue et qu’on n’a pas le choix de réparer les pots cassés dans un contexte de handicap sévère, où le suicide serait alors une alternative socialement acceptable.»

«C’est sûrement pas clair ce que je vous explique, alors je vous invite à VOUS PROCURER CET EXCELLENT ROMAN EN VENTE PARTOUT.»

Cette toute nouvelle parution qualifiée de «plus dramatique, plus profond[e]» que tes précédents écrits te permet notamment d’aborder «la vulnérabilité au masculin». Pourquoi était-ce important pour toi, au sein de ton livre, de parler à cœur ouvert de cette question peut-être encore trop tabou dans notre société actuelle?

«En fait, je l’aborde un peu cyniquement à travers mon personnage de Christian, un quadragénaire qui se sent un peu tassé sur la voie d’accotement par les nouveaux courants sociaux et enjeux de l’époque liés à la diversité, l’exclusivité sexuelle, etc. Malgré quelques biais propres à mon âge, mon éducation, etc., j’ai personnellement une position assez progressiste sur ces sujets. Par contre, je sens que certaines idées bousculent les hommes de ma génération, et je trouvais intéressant de les aborder dans le contexte d’une fiction (à mes yeux, d’une manière moins casse-gueule ou frontale que dans un reportage ou dans un essai).»

«Je trouve parfois qu’on prêche certains enjeux «modernes» auprès de convertis, et je trouve intéressant de nous exposer parfois à des choses qui nous sortent de nos chambres d’écho. Ce livre sera certainement plus confrontant pour des gens qui ne baignent pas dans ce microcosme consensuel. Christian est un homme dépressif et dépassé par tout ce qui l’entoure, un homme qui perd ses repères, voire ses privilèges. Résultat: il tombe.»

À plus ou moins long terme, quels sont tes prochains projets créatifs? On se demande si tu planches déjà sur l’écriture d’un prochain livre, qui sait!

«J’ai un voyage en famille qui approche et ce sera la deuxième fois qu’on partira plusieurs mois ensemble. J’ai très hâte. Je vais en profiter pour écrire; j’ai déjà un projet jeunesse avec les Malins. J’aimerais écrire pour ma fille de dix ans. Je suis très admiratif de sa vivacité d’esprit et de son ouverture, et j’aimerais écrire quelque chose qui lui plaira autant que Cobra Kaï ou Stranger Things

«Je rêve en couleurs, oui.»

Hugo Meunier sera en dédicaces au Salon du livre de Montréal les 25, 26 et 27 novembre. Venez lui dire bonjour!

Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec Groupe Librex.

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