«L'entrevue éclair avec...» Dominique La Salle, auteur qui ne croit pas aux happy ends – Bible urbaine

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«L’entrevue éclair avec…» Dominique La Salle, auteur qui ne croit pas aux happy ends

«L’entrevue éclair avec…» Dominique La Salle, auteur qui ne croit pas aux happy ends

L'écriture comme un réflexe de survie

Publié le 2 avril 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Vincent Fugère

Dans le cadre de «L’entrevue éclair avec…», Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur sa personne, sur son parcours professionnel, ses inspirations, et bien sûr l’œuvre qu’il révèle au grand public. Aujourd'hui, c'est avec plaisir qu'on a fait la connaissance de Dominique La Salle, enseignant en philosophie et auteur de trois romans publiés aux Éditions XYZ, à savoir «Le saint patron des backpackers» (2015), «Simili» (2019) et une nouveauté qui vient de paraître en librairie, «En explosion devant nos yeux» (2025), un livre au cœur duquel il aborde une triste réalité: la crise du logement et ses dérives. Curieux∙se d'en savoir plus? L'auteur a répondu à nos questions!

Dominique, on est heureux de faire votre connaissance! Vous êtes diplômé en création littéraire de l’Université Laval et vous enseignez la philosophie au niveau collégial à Terrebonne. Qu’est-ce qui vous a motivé à transmettre oralement les écrits des grands penseurs de ce monde à de nouvelles générations de jeunes?

«J’ai été happé par cette matière quand j’étudiais moi-même au cégep. J’avais l’impression que, pour la première fois, on me posait de vraies questions: « quel est le sens de la vie, de la mort? Faut-il obéir à la loi? Y a-t-il une vérité absolue, ou bien la vérité est-elle relative aux cultures, aux époques, aux individus? » L’idée d’enseigner s’est imposée. Mes parents étaient prof et directeur; l’éducation, c’est filial, comme la médecine, les affaires, le droit..»

«Étant, plus jeune, un grand « réaliste », j’ai fait des études en philosophie, domaine qui, on le sait, débouche sur des perspectives d’emploi béton! Au bout du compte, partager ce que je sais ―et ce que je ne sais pas―, échanger avec des jeunes chaque jour, s’est avéré une source inépuisable de joie. Il n’y a pas beaucoup de jobs où des gens s’assoient et t’écoutent pendant trois heures en prenant des notes.»

L’écriture n’est toutefois pas en reste dans votre vie, puisqu’à ce jour, vous avez publié trois romans, parmi lesquels Le saint patron des backpackers (2015) et Simili (2019), deux récits à travers lesquels on reconnaît la ville de Buckingham, en Outaouais, où vous avez grandi. Et le 27 mars, vous avez publié un troisième roman, mais… on réserve la surprise pour nos lecteurs et lectrices le temps d’une question! Alors, de quelle façon la littérature et l’écriture se sont-elles présentées à vous, et comment ces histoires sont-elles venues à vous, au point de devoir prendre vie sur papier?

«J’ai appris à utiliser un ordinateur à seize ans (oui), strictement dans le but d’écrire, un doigt à la fois, un scénario de film à la National Lampoon. Le résultat, bien sûr, était original et excellent… Mais, c’est plus tard, au cégep de Hull ―et non à Hollywood― que l’écriture est devenue un réflexe de survie.»

«En peine d’amour, ou plutôt, épris d’un spleen romantique calqué sur Baudelaire et Rimbaud, j’errais dans les corridors, j’avais l’impression de ne pas exister. J’ai cueilli un stylo pour écrire quelques « vers » dans mon agenda. J’étais devenu poète. Or, pour être poète, il faut exister. (Mes cours de philo m’inspiraient des raisonnements implacables).»

«Puis, à la vingtaine, j’ai fait une découverte: Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. C’était comme apprendre à dessiner, vouloir écrire un roman comme celui-là. Buckingham, qui charrie son lot d’histoires et d’Histoire, est devenu mon « Macondo »; en moins magique.»

Et voilà, la courte attente est terminée: votre plus récent roman, En explosion devant nos yeux, nouveauté du mois de mars au rayon des Éditions XYZ, connaît déjà un lancement en fanfare. Le Devoir l’a en effet présenté comme étant l’un des dix incontournables de la littérature québécoise lors d’un article signé par Christian Saint-Pierre, ce qui n’est pas rien! À travers ce livre, «porté par une écriture saisissante et des personnages profondément humains», vous abordez un thème au cœur des préoccupations d’une majorité de Québécois et de Québécoises: la crise du logement et ses dérives. Racontez-nous brièvement l’histoire de votre roman, et dites-nous ce qui vous a donné l’élan d’offrir un éclairage sur les «fractures socioéconomiques du Québec».

«Une nuit pandémique, confiné, mais confortable, je lisais des articles sur le campement Notre-Dame, démantelé avant les Fêtes. Des agents du SPVM parcouraient les vestiges, à dos de cheval. La guerre aux pauvres allait bon train! Dans un élan assez primaire, j’ai imaginé cette histoire où des squatteurs feraient éclater des bombes…»

«Mon cerveau fabulateur s’est alors mis en branle: qu’est-ce qui pourrait provoquer une telle scène? Les protagonistes me sont apparus: Antoine Sabourin, cinéaste en panne, qui a perdu son amoureuse; Cristina, femme engagée, happée à vélo par un F-150 ― ou était-ce un autobus? Par une nuit de dérapage alcoolisé, il s’est endormi sous des vinaigriers; il se réveille dans le grand parc Frédéric-Back où il rencontre Cynthia, un esprit vif, qui y habite un campement avec une bande éclectique, mais solidaire. Dans son carnet Moleskine, Sabourin confie à Cristina qu’il doit s’approcher des squatteurs pour tourner un film nouveau genre.»

Mais votre protagoniste, Antoine Sabourin, après qu’il ait fait la rencontre de Cynthia, deviendra animé par une envie irrépressible de créer une grande œuvre, un projet audacieux: celui de présenter un genre de «cinéma vivant» alimenté par des images de cellulaires et de caméras de surveillance, au grand dam des marginaux autour desquels il gravite. Où s’en va-t-il avec ses skis exactement? Sans tout nous dévoiler, dites-nous: est-ce qu’il y a une chance que cette histoire se termine bien, ou du moins qu’elle donne plus d’espoir en un futur «rassurant», par rapport à la situation actuelle du logement au Québec?

«Hum… Sabourin veut faire un coup d’éclat qui le rescapera en tant qu’artiste. D’autre part, il veut que son cinéma change les choses. Comme lui, je ne crois pas aux happy ends. À moins qu’il y ait des réformes majeures dans le secteur immobilier, la fabrique de l’itinérance ira en s’accélérant.»

«On a tendance à remarquer les sans-abris qui se parlent tout seuls, les « yogistes » sur le fentanyl, qui se contorsionnent pendant des heures, les criards et ceux qui sentent la pisse. Mais les exclus du système se multiplient. Il y a beaucoup de personnes intelligentes et sensibles qui ont nulle part où dormir. Si on ne tolère pas leurs initiatives spontanées, comme les campements, si on n’offre aucune solution de rechange, si, dans le métro, on n’a rien de mieux à dire que « circulez! », on risque de voir éclater leur ressentiment. Et on risque de ne pas aimer ça.»

On est curieux de savoir: si, à l’instar de Kev Lambert et de son roman acclamé Que notre joie demeure, où il est entre autres question de l’embourgeoisement des quartiers, M. Legault en venait à vanter sur ses médias sociaux les mérites de votre roman – ce que l’on espère pour vous, bien sûr – quelle réponse polie mais directe seriez-vous tenté de lui offrir, si cela se produisait?

«Je devine que M. Legault est un abonné de la Bible urbaine, donc j’en profite pour l’inviter chaleureusement à lire mon roman!»

«J’écris pour tout le monde, même pour les premiers ministres. Je serais honoré d’apprendre que mon roman s’est retrouvé sur sa table de chevet, qu’il s’est endormi en le déposant sur son chest, laissant les images de précarité extrême percoler jusque dans ses rêves; qu’il s’est réveillé en sueurs, cherchant son téléphone, persuadé qu’il est encore temps, avant de perdre ses prochaines élections, de mettre fin à l’itinérance, ou au moins, de faire quelque chose, comme réinvestir dans le communautaire, abolir la loi 31, compléter enfin ce virement Interac de 200 millions du fédéral qu’attendent les villes pour, entre autres, acheter des immeubles et les transformer en logements sociaux.»

«Surtout, je lui serais reconnaissant de partager ses impressions avec son cabinet et non seulement sur X.»

En explosion devant nos yeux de Dominique La Salle est présentement disponible en librairie  au coût de 27,95 $ (papier) et 20,99 $ (PDF et ePub). Pour lire nos précédents articles «L’entrevue éclair avec» et faire le plein de découvertes, consultez le labibleurbaine.com/nos-series/lentrevue-eclair-avec.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions XYZ.

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