«La petite anecdote de...» Catherine Larochelle, une gardienne... pas si avertie que ça! – Bible urbaine

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«La petite anecdote de…» Catherine Larochelle, une gardienne… pas si avertie que ça!

«La petite anecdote de…» Catherine Larochelle, une gardienne… pas si avertie que ça!

Quand la peur est plus périlleuse que la réalité

Publié le 14 février 2022 par Claire Groulx-Robert

Crédit photo : Éva-Maude TC

Chaque semaine, Bible urbaine demande à des artistes de tous horizons de raconter une anecdote ludique, touchante ou simplement évocatrice sur un thème inspiré par son œuvre. Cette fois, c'est au tour de Catherine Larochelle de se prêter au jeu! Cette diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec et nouvellement autrice nous raconte la fois où la paranoïa s'est emparée d'elle lors d'une soirée où elle était seule à la maison. Plongez au cœur d'un souvenir au style tragicomique à l'image de son premier roman «J'irai déterrer mon père», une nouveauté de Québec Amérique.

Lorsque j’étais jeune, mon imagination débordante (additionnée à des surdoses de cinéma d’épouvante) provoquait dans mon esprit des scénarios catastrophes et des drames.

Puisque j’ai toujours eu peur de croiser des meurtriers sur ma route, j’ai acquis au fil du temps divers moyens pour me protéger des individus louches.

Je pourrais vous raconter bien des histoires sur ce sujet, comme…

  • La fois où j’ai donné un coup sec sous le nez d’un homme aux yeux fous avec le tranchant de ma main — technique apprise dans mes cours de kung-fu — parce que ce pilier de bar, aveuglé par sa rage et intoxiqué par l’alcool, étranglait son camarade de beuverie;
  • Le jour où mes cris tragiques, arrachés de mes entrailles et beuglés lors de mes cours d’autodéfense, ont troublé mon entraîneur;
  • L’après-midi où je me suis enfuie sous la pluie après avoir vu un être au visage blême dans mon sous-sol.

Je pourrais poursuivre la liste (j’adore écrire des listes, vous le constaterez en lisant mon roman), mais… concentrons-nous sur ma petite anecdote de gardienne avertie.

Quand j’ai été en âge de rester seule à la maison, j’ai élaboré un plan de protection pour assurer ma sécurité. J’ai d’abord observé toutes les pièces afin de cibler les meilleures cachettes en cas de danger. J’en ai conclu que le salon, avec ses multiples fenêtres et ses grandes portes-patio, était l’apogée des endroits à éviter.

De jour, ces baies vitrées baignaient la pièce de soleil, nous auréolant de joie, alors qu’une fois la nuit tombée, elles transformaient le monde extérieur en gouffre, en bouche édentée prête à nous avaler.

Je craignais de voir surgir, à travers ces horizons tachés d’encre, des visages effrayants.

Lorsque je me retrouvais seule à la maison, je faisais donc rapidement valser les persiennes. J’allumais toutes les lumières. Je serrais les mâchoires.

J’avais compris, grâce au film Psychose, que si les volets, comme les rideaux de douche, camouflent les psychopathes, leur lame et leur teint de fin du monde, ils ne les font pas pour autant disparaître.

Je vérifiais à nouveau les portes, les serrures et… j’allais chercher un couteau.

À ce moment-ci de l’histoire, je ressens le besoin d’introduire cette citation d’Albert Einstein:

«The true sign of intelligence is not knowledge but imagination.» («Le véritable signe de l’intelligence n’est pas la connaissance, mais l’imagination.»)

Maintenant que cette phrase a redonné du charme à mes lubies et à ma jeunesse empreinte de terreur, poursuivons avec… le couteau.

Ici, je ne parle pas d’un ustensile en plastique jaune, mauve, ou bleu, qui sert à amuser les enfants en leur apprenant à gérer leur confiture. Je me réfère au saignoir, au manchon avec une grande lame qui découpe la viande, comme celui qui peuple les milliards de films effrayants que je n’aurais JAMAIS DÛ regarder.

Un soir où j’étais seule avec mon compagnon coupant, les yeux asséchés par de longues heures rivées devant le téléviseur, quelqu’un a frappé plusieurs coups impatients à la porte. J’ai reçu une décharge d’adrénaline. J’ai rampé au sol, avec mon arme.

J’ai traversé la cuisine comme un chimpanzé évadé d’un zoo.

J’ai atterri dans le salon, ce refuge que j’avais pourtant proscrit de mon plan. J’ai avancé à plat ventre en m’aidant de mes bras, de mes pieds. J’ai abouti sous la fenêtre avec vue sur le stationnement. J’ai observé à travers un millimètre de vitre l’individu qui avait eu l’audace de brusquer ma porte d’entrée et ma quiétude.

Il fouillait nerveusement dans la boîte à gants de son pick-up. Je le soupçonnais de chercher autre chose que des mitaines en cuirette ou en fourrure de polyester.

C’est sans doute à ce moment-là que j’ai senti la pointe de mon arme écorcher ma peau, procéder à une minuscule incision.

J’ai vu poindre une goutte de sang.

Ce point rouge marque la fin de mon histoire. L’inconnu est reparti en emportant avec lui son univers, ses mystères et ses gants.

J’ai délaissé les ustensiles de cuisine. J’ai (presque) cessé d’écouter des films d’horreur.

En définitive, la peur est parfois plus périlleuse que la réalité et… je n’étais pas une gardienne à référer.

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Catherine Larochelle nous offre un premier roman qui, à l’instar de son anecdote, oscille entre tragique et humour! Cliquez sur l’image pour en découvrir plus! Et pour lire d’autres petites anecdotes, c’est par ici.

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