LittératureDans la peau de
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Renée, tes illustrations vibrantes à l’aquarelle et à l’encre ont parsemé des livres, magazines, journaux et publicités du monde entier! On est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour les arts visuels?
«Comme beaucoup d’enfants, j’adorais dessiner et j’ai eu la chance d’être encouragée par les gens qui m’entouraient. Mes parents recouvraient les murs de ma chambre avec du papier pour que je puisse dessiner dessus. Je les remplissais de dessins d’animaux et j’inventais des histoires à leur propos alors que je dessinais. J’aimais écrire et illustrer de petites histoires que je pourrais ensuite assembler les unes avec les autres dans des livrets.»
«À l’école primaire, j’ai découvert les bandes dessinées de Tintin et d’Astérix dans la bibliothèque de mon école. Je les ai lues et relues! Ça a été ma première introduction au genre. Un été, j’ai logé chez ma grand-mère et j’ai découvert un placard dans sa maison qui était rempli de vieilles BD poussiéreuses que ma mère et ses frères et sœurs avaient lues quand ils étaient enfants. J’ai passé des semaines à lire l’intégralité. Ça m’a pris un moment pour comprendre que faire des bandes dessinées pourrait devenir mon métier, et une fois que j’ai eu le déclic, ça m’a semblé être l’orientation de carrière la plus naturelle pour moi.»
Qu’est-ce qui te plait esthétiquement dans les illustrations propres au genre de la bande dessinée?
«Les bandes dessinées sont un moyen tellement incroyable de raconter des histoires! D’une certaine façon, elles requièrent une participation active du lecteur: ce dernier doit lier les mots et les images ensemble dans son esprit, remplissant ainsi les blancs. Grâce à cette activation, le lecteur devient très impliqué émotionnellement dans l’histoire.»
«J’adore aussi le fait qu’à travers les bandes dessinées, on puisse créer un monde entier par soi-même. Contrairement à un film, il n’y a pas de considérations budgétaires et logistiques – les seules limites sont celles qu’on peut imaginer et dessiner. Puisqu’il est possible de faire des BD par soi-même avec très peu d’argent, elles peuvent aussi permettre à une gamme de créateurs de raconter leurs histoires en contournant l’ordre établi des autres médiums.»
Le 15 décembre dernier, ton adaptation graphique du livre La servante écarlate de Margaret Atwood est parue aux Éditions Robert Laffont. Qu’est-ce qui te plaisait dans cette histoire, et qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans ce beau projet?
«J’ai d’abord lu La servante écarlate à l’école secondaire et ça m’a fortement impressionnée. J’ai trouvé ça terrifiant et impossible à oublier. C’était comme si les événements qui avaient lieu dans la République de Gilead étaient inconfortablement réalistes – tellement qu’ils pourraient se dérouler de cette façon dans la vraie vie. J’ai le sentiment que c’est une histoire importante. Malheureusement, les questions soulevées et les avertissements sont toujours aussi pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient au moment où le livre a été écrit.»
«J’ai été très excitée d’avoir l’opportunité d’adapter le livre sous la forme d’une nouvelle graphique. Il y avait des scènes et des images qui m’avaient hantée pendant des années et qui étaient toujours aussi vives dans mon esprit qu’elles l’étaient quand j’ai lu le livre pour la première fois.»
Comment t’y es-tu pris pour synthétiser l’histoire originale pour l’adapter en roman graphique avec des bulles? Et en quoi ont consisté tes inspirations pour réaliser les dessins?
«La partie la plus difficile a été celle d’éditer l’histoire dans un format raisonnablement long. Je suis passée plusieurs fois à travers le récit avec un surligneur, encore et encore, pour choisir les passages du texte qui seraient les plus essentiels à conserver. La prose de Margaret est tellement belle que je voulais utiliser le texte original autant que possible, mais j’avais aussi besoin de changer certaines choses pour que ça s’adapte mieux au format bande dessinée, par exemple, en changeant une narration présentée comme un monologue intérieur en dialogue.»
«Les visuels sont venus beaucoup plus facilement. Les images que je voyais dans ma tête en lisant l’histoire étaient très claires, alors ça a été facile de les traduire sur papier. L’une de mes tâches favorites a été de créer les costumes – je me suis inspirée de différentes formes traditionnelles de costumes, de robes folkloriques et des uniformes militaires. J’ai porté une attention particulière aux couleurs, puisque les uniformes colorés sont un élément important dans ce livre.»
Et alors, sur quels autres projets créatifs travailles-tu ces temps-ci?
«J’ai plusieurs projets de nouvelles graphiques en cours, mais malheureusement je ne peux pas encore en parler! J’espère qu’un jour je pourrai écrire et illustrer une histoire venant de moi. Pendant la pandémie, j’ai été plus à la maison que d’habitude, mais heureusement, j’ai un environnement très inspirant tout autour. J’ai peint beaucoup de paysages imaginaires inspirés par des endroits où je suis allée et par l’environnement naturel où je vis sur l’île de Vancouver.»
«J’ai aussi passé du temps à expérimenter différentes techniques et matériaux, à développer mon style et à essayer d’apprendre de nouvelles façons de raconter des histoires grâce à l’art. Je souhaite que mon travail ne devienne jamais statique ou ennuyeux, alors je continue sans cesse d’expérimenter, et c’est ce qui le rend si amusant!»