LittératureDans la peau de
Crédit photo : Nicolas Du Pasquier
Michel, nous sommes curieux de savoir: d’où vous est venue la piqûre pour la littérature et, plus spécifiquement, pour le genre littéraire du thriller?
«Sans hésitation, d’une lecture improbable proposée par ma maman lorsque j’avais une dizaine d’années: un recueil complet des contes d’Edgar Allan Poe. J’y suis entré sans sas, en venant de la littérature enfantine et d’Enid Blyton. J’y ai découvert les récits de détection et les contes de terreur.»
«De Poe, je suis passé à Arthur Conan Doyle, puis à Agatha Christie. Je dirais aujourd’hui qu’il s’agissait d’une progression inversée: mes lectures s’adoucissaient plutôt…»
Outre votre chapeau d’écrivain, vous cumulez aussi ceux de journaliste et de professeur d’université en sociologie. À quoi ressemble une «journée type» pour quelqu’un comme vous qui se plaît à multiplier les fonctions et les centres d’intérêt?
«À quelque chose de plus cohérent que prévu! Pour une bonne raison: mes romans sont presque tous inspirés par mes thématiques de recherches à l’université. Avant de me pencher sur l’affaire de Jack l’Éventreur, qui allait devenir le thème de mon premier roman, je travaillais beaucoup sur la sociologie de Londres, sur la pauvreté et la délinquance dans l’East End, et sur la presse de faits divers dans le cadre de mon cours de sociologie des médias. C’est devenu un roman qui s’est appelé Retour à Whitechapel.»
«De la même manière, Tu n’auras pas peur, mon quatrième roman qui met en scène le darknet et la mythologie des snuff movies, s’inspire de mon travail sur ce que j’appelais à l’époque de ma thèse de doctorat l’Undernet. De ces différents matériaux “sérieux”, j’ai eu envie de tirer quelque chose de plus imagé et de moins académique.»
«Sur un strict point de vue d’agenda, j’ai des journées consacrées à l’enseignement et la recherche, et d’autres, en général l’été, où je rédige et mets en scène mes idées de roman, nées pendant l’année universitaire.»
Ce 14 juillet, votre nouveau livre Dog Island – Mémoires de l’île aux morts est paru aux Éditions Hervé Chopin. Vous y plongez vos lecteurs dans le suspense d’une enquête policière sur une île sanctuaire près de Manhattan, Dog Island, pour tenter de faire la lumière sur une sordide affaire de double meurtre. D’où vous est venue l’inspiration pour cette histoire, en fait?
«Eh bien, je suis tombé, au tout début du COVID, sur le reportage d’une chaîne américaine consacré à l’île en question (qui ne s’appelle pas Dog Island dans la réalité!) Une île à l’accès interdit, sur laquelle on enfouissait des morts par centaines; avec des bâtiments sinistres, une brume comme on en voit dans les films d’horreur des années 1960. Quelques minutes saisissantes, dont les images m’ont hanté toute la soirée. Je savais que je n’allais pas m’endormir là-dessus, sur ce mystère à peine levé.»
«J’ai passé plusieurs heures sur Internet à retrouver des traces. Et tout est venu. L’île réelle et son passé, et l’île imaginaire, celle qui allait devenir le sujet du roman. Je suis allé dormir. Et le lendemain, j’ai commencé à écrire l’histoire de Dog Island…»
Ce thriller est décrit comme un «hommage contemporain aux grands romans claustrophobes d’Agatha Christie». Qu’aimez-vous particulièrement de cette auteure et de son écriture? On aimerait aussi savoir ce qui vous a donné envie de lui faire ce clin d’œil, si on peut ainsi dire!
«Adolescent, j’étais littéralement boulimique des romans d’Agatha Christie! Pendant les vacances d’été, j’en achetais au moins un par semaine dans une librairie d’occasions. Chez Agatha Christie, j’aime à peu près tout, y compris ce que certains aujourd’hui qualifient de style suranné. L’écrivaine sait raconter les histoires, et elle sait installer une atmosphère: en quelques pages, tout est dit, avec précision et humour. Le décor est là, le filet est tendu. Ne reste plus qu’à faire entrer les personnages!»
«J’aime évidemment sa construction du récit, ses fausses pistes, mais aussi les moments où, littéralement, il ne se passe rien! De purs moments anglais qui sentent le thé, la lavande et l’écorce de citron. Des parfums qu’on ne trouvera plus en boutique. Seule Mrs Christie en connait la recette… Parce qu’elle y ajoute sans doute une goutte ou deux de sang.»
Et si l’occasion se présentait pour vous de profiter d’un bon repas savoureux avec un.e auteur.e que vous avez toujours admiré.e, en vie ou décédé.e, qui choisiriez-vous et de quoi parleriez-vous ensemble le temps d’une soirée? Notre petit doigt nous dit qu’il pourrait s’agir d’Agatha Christie…
«Puisque vous me proposez de lancer une invitation à dîner, je crois bien en effet que je choisirais Mrs Christie. Et puisqu’il s’agit d’un repas à quatre, je compléterai le plan de table à travers le temps et les époques avec Patrick Modiano et Edith Wharton. Mais je suppose que le dîner se transformerait assez vite en partie de table tournante…»