LittératureDans la peau de
Crédit photo : Tous droits réservés @ Les éditions du Septentrion
Denis, c’est un plaisir de faire votre connaissance! Vous êtes originaire de Ville de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, dans la région de la Capitale-Nationale et, en plus d’être romancier, vous êtes également l’auteur d’articles et de publications spécialisés en patrimoine. Mais d’abord, racontez-nous la petite histoire: à quel moment avez-vous su que l’histoire du Québec, et l’écriture, cela va de soi, seraient vos passions premières dans la vie?
«Mon premier roman est paru en 1999. Celui qui vient tout juste de sortir marque donc vingt-cinq ans d’écriture. Au cours de cette période, j’ai publié six romans et quatre ouvrages en patrimoine. Je n’ai pris que récemment la mesure du chemin parcouru sans que je m’en rende compte vraiment. Écrire est une part de moi à laquelle je laisse libre cours et, depuis toutes ces années, des lecteurs me suivent dans cette aventure.»
«L’histoire du Québec est en effet présente dans certains de mes romans, mais ce qui me passionne surtout, ce sont les personnes qui vivent cette histoire et qui voient leur vie transformée par elle.»
«Dans le roman qui vient de paraître, ce sont ces personnes qui font évoluer le récit. Le lecteur est en contact avec les événements à travers les protagonistes, leurs désirs, leurs émotions et leurs limites.»
En 1999, vous avez fait paraître La Gaillarde, un premier roman coécrit avec votre fils Simon Robitaille. Puis, les années se succédant, vos publications ont fait leur entrée en librairie: L’âme d’un lieu (2004), Une nuit, un capitaine (2005), Comme un refrain dans la ville (2009), Le frère du trapéziste (2013), Curiosités de Portneuf (2019), Jeune femme aux cheveux dénoués (2019) et Mémoire d’un monastère, regards sur le quotidien des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec (2015). Entre récits de fiction et essais historiques, votre cœur balance. D’ailleurs, à une époque pas si lointaine, vous avez été engagé par les Augustines pour les aider à réaliser leur projet de reconversion du monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec en lieu de mémoire des douze monastères-hôpitaux! Parlez-nous brièvement de cette expérience, et aussi des thématiques qui nourrissent vos récits.
«Depuis bientôt vingt ans, je collabore avec les Augustines dans leur désir de transmettre à la population un héritage qu’elles ont constitué depuis leur arrivée en Nouvelle-France en 1639. Je suis en contact avec une mémoire en marche, une mémoire vivante incarnée par des personnes, des lieux, des objets et des archives qui ont traversé les siècles. Cette expérience exceptionnelle m’imprègne d’un profond sentiment de reconnaissance envers l’aventure humaine qui nous a précédés et celle qui nous survivra. Ce sentiment teinte mon écriture.»
«Cette fois-ci, c’est la première fois que mon engagement professionnel franchit le seuil de mon engagement dans l’écriture. J’y reconnais ce qui m’anime et me nourrit au plus profond de ces deux univers.»
Plus récemment, les éditions du Septentrion ont dévoilé votre sixième œuvre de fiction, intitulée Quatre cents hivers. Dans ce roman de près de 500 pages, «on remonte le temps, sur 400 hivers», et passe la porte de la plus ancienne construction du pays, l’Hôpital général de Québec. On dit que son histoire est méconnue du grand public, et ce, malgré le fait que «certains des événements les plus déterminants de notre histoire y ont été vécus, depuis le rêve de Champlain jusqu’à aujourd’hui». Racontez-nous la genèse de cette histoire: comment l’inspiration vous est venue, et pourquoi avoir choisi ce lieu comme point culminant des destinées de Chloé, Patrick, Menishpun et Étienne.
«Un lieu comme le monastère de l’Hôpital général de Québec est fait de l’addition de ce qui l’a construit au cours des siècles et de son adaptation aux événements et aux besoins de celles qui y vivent. On en trouve des traces ici et là: un alignement de pierres rappelle qu’il y avait une ouverture dans ce mur autrefois, une usure plus accentuée du plancher nous laisse entendre que l’endroit était passant. Même chose dans les alentours. Quand on emprunte le boulevard Langelier, on reprend un chemin que Champlain avait tracé. La rue Simon-Napoléon-Parent épouse le méandre de la rivière avant d’être détournée. Il en va de même pour nous. Nous sommes le résultat de l’addition des personnes qui nous ont transmis la vie. Nous sommes les héritiers de leurs traits physiques, de leurs caractères, leurs fragilités et leurs forces.»
«Le roman est une quête des origines, et, pour cela, il remonte le temps.»
Ainsi, on peut dire que Quatre cents hivers a tout d’une fresque historique et contemporaine, puisqu’elle nous fait remonter le temps, «sur les bords de la rivière aux mille détours», à la découverte de divers personnages, de diverses générations. Dites-nous: est-ce votre récit le plus ambitieux à ce jour?
«Ce livre est celui qui couvre la période la plus longue parmi ceux que j’ai écrits. Il met en action de nombreux personnages dont on suit le parcours pour ensuite passer aux suivants. Cette forme narrative ambitieuse exige une écriture efficace pour plonger rapidement dans un univers et épouser la destinée de personnages qui n’existeront que brièvement.»
«Cette approche exige une maîtrise du récit pour le rendre fluide et captivant. Les lecteurs me diront maintenant si j’y suis parvenu.»
On se doute bien qu’un romancier comme vous, à la verve inspirée, a toujours un pas d’avance sur une nouvelle histoire en devenir. Avez-vous déjà une petite idée, même embryonnaire, de ce à quoi pourrait ressembler votre prochain livre? On est curieux, on l’avoue. À une prochaine!
«Ma table de travail ne reste jamais sans projets. Entre le moment où un roman est terminé et sa publication, je me consacre à l’écriture d’un ouvrage en patrimoine à l’intention du grand public. Cet intermède crée une distance entre le roman à paraître et celui en gestation.»
«Cette fois-ci, j’ai écrit une publication sur l’histoire de l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur de Jésus de Québec à l’occasion de son 175e anniversaire. Maintenant, je suis prêt à laisser émerger de nouveaux personnages qui guideront mon écriture en me racontant leur histoire. Pour l’instant, leurs contours sont encore flous et je ne force pas le trait.»
«Je pourrai en dire davantage à leur sujet lorsque je les aurai fréquentés plus longtemps.»