LittératureDans la peau de
Crédit photo : Esther Campeau
Danielle, c’est un plaisir de nous entretenir avec vous aujourd’hui! On aimerait d’abord vous apprivoiser pour avoir une meilleure idée de la personne que vous êtes: parlez-nous brièvement de votre parcours professionnel et de la façon dont l’écriture est arrivée dans votre vie.
«J’accepte avec plaisir votre invitation. Afin de payer mes études universitaires en lettres françaises, je suis devenue libraire. L’odeur enivrante d’un livre fraîchement sorti des presses m’habite encore aujourd’hui. Quelques années plus tard, j’ai poursuivi un programme en administration publique et en psychologie. J’ai dirigé un établissement d’enseignement, de même que différents services à la clientèle étudiante au Québec et en Ontario.»
«L’écriture a toujours été présente dans ma vie. J’adore rédiger un texte, l’épurer et le ciseler jusqu’à ce qu’en quelques mots, une émotion s’en dégage. Quoi de mieux pour ce faire que le haïku, ce court poème d’origine japonaise? J’ai toujours avec moi mon petit carnet de notes afin de saisir l’instant, la magie et la beauté du monde. Je tente de porter un regard attentif sur les choses et les êtres. J’aspire à ce que ma prose soit teintée de cette même brièveté.»
«J’ai participé, au fil des ans, à plusieurs ateliers d’écriture, et publié surtout de la poésie, notamment des haïkus.»
On vous décrit comme «une grande voyageuse du quotidien», vous qui avez parcouru le monde, de l’Outaouais, où vous résidez, à la Côte-Nord, où vous avez vécu durant huit années, jusqu’à l’Europe, le Maroc et même le Japon. On peut dire sans se tromper que vos souliers ont beaucoup voyagé, comme le chantait Félix Leclerc ! Les voyages ont-ils été – et sont-ils toujours – un moteur de création, pour vous?
«Le préfacier de mon premier recueil, Dominique Chipot, m’a décrite comme “une grande voyageuse du quotidien”, car les haïkus de Soupçon de lumière sont pour la plupart inspirés de mes voyages, ici ou ailleurs. Il peut s’agir d’escapades, d’échappées en forêt ou d’explorations dans les endroits les plus reculés du monde. Ce sont souvent des rendez-vous intimes avec la beauté.»
«Les voyages autant que l’écriture sont omniprésents dans ma vie. J’essaie de concilier mes deux passions. J’ai, entre autres, conçu, organisé et accompagné des voyages sur les traces d’écrivains au Japon, en Angleterre et en Nouvelle-Angleterre.»
«Fait indéniable, je dois être en mouvement pour me sentir vivante et être inspirée.»
Dès février, les Éditions David feront paraître Le bleu des glaciers, votre tout premier haïbun. Pour nos lecteurs et lectrices qui ignorent ce que c’est, le haïbun est une composition littéraire dans laquelle prose et haïku se mêlent en une brève narration poétique, qu’elle soit réelle ou imaginaire. Dites-nous ce qui vous a inspiré ce récit de voyage où vous faites l’éloge de la flore, de la faune, des mammifères marins et des oiseaux.
«Après un séjour de huit ans sur la Côte-Nord, on devient accro aux grands vents et au froid.»
«Mon voyage en Antarctique est la réalisation d’un rêve d’enfant. Dès l’adolescence, je dévorais les récits des grands explorateurs des régions polaires. L’immensité des lieux, la pureté de la lumière, les animaux marins et surtout les oiseaux me fascinaient. Je me suis toujours promis de voir des manchots en liberté, d’observer le vol des albatros, de croiser des éléphants de mer mâles, et la liste est longue. J’ai été touchée profondément par la beauté des îles Malouines, de la Géorgie du Sud et de la péninsule antarctique.»
«Plusieurs semaines après mon retour à la maison, des paysages, des événements, la présence de certains oiseaux et autres animaux m’habitaient chaque jour dès le réveil. J’ai décidé de consigner sur papier mes découvertes, mes émotions et mon amour pour notre planète.»
Ce recueil poétique, duquel brille l’éclat de la lumière toute particulière de l’Antarctique, est en réalité un «hymne à la beauté de la Terre et un cri du cœur face à son avenir». L’environnement, comme plusieurs d’entre nous, semble venir pour illustrer votre propos, peut-être pourriez-vous nous partager le haïbun de votre choix?
«Autre inspiration de ce carnet de voyage: ma préoccupation constante de la santé de notre planète et de son avenir. On ressent déjà les effets du réchauffement climatique sur les glaciers ainsi que sur les animaux, particulièrement sur les huit espèces de manchots que j’ai eu la chance d’observer. La glace fond à un rythme effarant rendant impossibles certains débarquements sur la banquise fragilisée. Il y a urgence.
Le manchot à jugulaire
l’élégant collier noir
du manchot à jugulaire
vite un gros plan
Un seul manchot à jugulaire partage la rive avec des centaines de manchots papous, des manchots d’Adélie et des chionis blancs.
Les manchots se promènent à nos côtés sur le rivage. Un jeune manchot papou s’avance vers moi.
Je reste immobile dans l’espoir d’immortaliser cette rencontre inespérée. Il tire à plusieurs reprises de toutes ses forces sur le bas de mon pantalon. Sa curiosité satisfaite, il lève vers moi un regard attendrissant.
La gorge nouée, je le vois qui s’éloigne sur la grève, plonge avec grâce, puis disparaît.
Et alors, pour 2023, avez-vous des souhaits que vous aimeriez exaucer? Si jamais vous n’y aviez pas encore pensé, voilà l’occasion rêvée d’y réfléchir! À bientôt.
«J’aimerais que mon projet de voyage à l’automne 2023 se réalise et soit source d’inspiration. À plus long terme, je souhaite aussi que la jeunesse, plus au fait que ceux et celles de ma génération, continue et gagne la lutte aux changements climatiques afin d’assainir notre Terre.»