LittératureDans la peau de
Crédit photo : Les éditions du Septentrion @ Tous droits réservés
Charles-André, on est heureux de vous accueillir à cet entretien! Il n’y a pas à dire, vous avez laissé, derrière vous, les traces d’un parcours pour le moins impressionnant. Originaire de Rivière-du-Loup, vous avez servi 33 ans dans la Marine canadienne; vous avez commandé le destroyer Algonquin, occupé le poste d’attaché naval à Paris, puis dirigé l’École navale de Québec. Dites-nous donc: qu’est-ce qui vous a mené vers cette carrière d’après vous? Et parlez-nous brièvement des missions que vous avez dirigées, ça nous intéresse!
«Ce n’est pas un cheminement de longue haleine qui m’a conduit vers la marine nationale, mais plutôt une décision soudaine, de quelques secondes. Je viens d’un milieu ouvrier et, comme plusieurs de ce milieu qui entreprenaient le cours classique, la décision ne venait pas de moi, mais de mes parents, eux-mêmes influencés par mes professeurs religieux qui me voyaient comme un futur prêtre.»
«Quand, à 17 ans, j’ai dit non à la prêtrise, je me suis retrouvé dans le désert de l’ordinaire. J’ai essayé le domaine de l’éducation, et j’ai eu du trouble avec tout le monde excepté mes élèves. Alors j’ai pris une année sabbatique. J’avais à peine 21 ans. Je pense que c’était pour fuir l’ordinaire que j’ai opté soudainement pour la vie de marin.»
«J’ai servi cinq fois sur des navires canadiens en service pour six mois avec l’escadre de l’OTAN. Les deux dernières comme commandant de l’Algonquin.»
En plus d’avoir étudié la stratégie au US Naval War College de Newport, au Rhode Island, vous avez également complété, alors que vous étiez nouvellement retraité, un baccalauréat suivi d’une maîtrise en histoire. Partagez-nous ce besoin inné en vous de constamment vous nourrir de nouvelles connaissances.
«Durant l’année que j’ai passée à Newport, nous étudions une guerre par semaine en commençant avec celle du Péloponnèse. J’ai particulièrement été fasciné par la guerre d’Algérie où la France a gagné toutes les batailles et perdu la guerre. Puis, j’ai bien vu qu’au Vietnam les armes les plus puissantes et les plus sophistiquées ne pouvaient pas venir à bout d’un peuple qui était déterminé à résister.»
«J’ai alors réalisé que dans un conflit armé ou pas, ce qui comptait, c’était l’intelligence. L’historien français Hervé Coutau-Bégarie a écrit que dans le monde de la guerre et du conflit dominé par la force, la stratégie introduit l’action de l’intelligence. Je suis devenu captivé par la stratégie.»
«C’est le fait de découvrir cette action de l’intelligence dans le passé de la Nouvelle-France et du Québec qui m’a conduit à l’Université Laval. Je devais d’abord apprendre à être historien.»
Le 17 septembre, les éditions du Septentrion ont dévoilé en librairie Churchill et Roosevelt à Québec: grande et petite histoire des conférences de 1943 à 1944, un livre qui «offre un récit détaillé de ces deux conférences, mettant en lumière tant les grands enjeux diplomatiques que les petites anecdotes que provoquent des rencontres de cette envergure». Quel est le point de départ vous ayant donné l’envie, et le souffle nécessaire bien sûr, pour la rédaction d’un tel ouvrage?
«Robert Mercure, le directeur général du Château Frontenac de 2007 à 2018, devait souvent répondre à des questions de clients à propos de la présence de Churchill et de Roosevelt à Québec. Mais il n’avait rien à sa disposition comme référence ou comme recommandation de lecture. Il cherchait un historien qui pourrait écrire au moins un pamphlet sur le sujet. Son ami Marc-André Bélanger, le président de la Fondation des Voltigeurs, m’a recommandé.»
«J’avais d’autres projets en tête, mais j’ai tout de même accepté en raison, justement, du fait que les conférences avaient pour but le développement de la grande stratégie de la Seconde Guerre mondiale. Et j’ai découvert toutes sortes de choses remarquables sur le sujet qui ont maintenu mon intérêt.»
«Tout particulièrement, il y avait les nombreuses différences d’opinion entre les Britanniques et les Américains, et les idées pas toujours très bonnes de Churchill, qui rendaient la vie difficile à ses chefs d’état-major.»
À travers cet essai de 246 pages, vos lecteurs et lectrices apprécieront une série d’anecdotes et de faits divers à propos des rencontres de Roosevelt et Churchill à Québec, et comprendront «le développement de la grande stratégie des Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale et tout particulièrement de connaître les vues opposées de la Grande-Bretagne et des États-Unis que les conférences de Québec de 1943 et 1944 ont permis de concilier». Pouvez-vous nous offrir un avant-goût du contenu pour piquer notre curiosité?
«La petite histoire des conférences, je l’ai trouvée surtout dans la presse écrite, dans les journaux personnels de certains participants et dans les agendas des deux grands hommes d’État.»
«L’événement le plus cocasse montre l’amiral Lord Louis Mountbatten tirant deux coups de son revolver dans le salon rose du Château Frontenac. La petite histoire comprend aussi la présence de personnages inattendus. James Bond et Miss Moneypenny logent à l’hôtel. Naturellement, c’est plutôt le créateur de l’espion et la femme qui a servi de modèle pour la secrétaire de MI6 dont je parle.»
«L’épisode du plan égaré du débarquement de Normandie a également fait couler beaucoup d’encre. J’ai eu de la difficulté à trouver la vérité de cette histoire! De même, la photo d’un gros hydravion atterrissant sur le fleuve surprend. Et l’utilisation de l’écritoire de la Confédération pour la signature de la déclaration à la conclusion de la conférence de 1943 ajoute un cachet historique supplémentaire.»
Vous savez quoi? On se doute bien que vous n’allez pas en rester là! Alors, maintenant que votre livre est à la portée de tous, et que vous avez la fierté d’avoir accompli de grandes actions jusqu’à présent, quels sont les projets qui vous occupent l’esprit à l’heure actuelle? N’attendez pas trop, cela dit: on a déjà hâte de poursuivre la discussion avec vous!
«Lorsqu’on m’a demandé d’écrire à propos des conférences, je travaillais sur une histoire navale de la Nouvelle-France dans le contexte du monde Atlantique et du développement de la puissance navale.»
«Mais vers la fin de l’écriture du livre concernant Churchill et Roosevelt, la Fondation des Voltigeurs m’a demandé un texte sur le siège de Québec de 1775 et la contribution des miliciens. J’ai accepté parce que mon mémoire de maîtrise traite de la guerre au Québec à cette époque dans une perspective stratégique et que j’avais l’intention de le reprendre pour en faire un livre.»
«Celui du siège de 1775 a été publié en mai. Il servira aussi à produire la dernière partie d’un ouvrage qui s’intitulera La guerre de l’Indépendance des États-Unis au Québec 1775-1777. Je prévois le terminer à la fin de 2025.»
«Et je reprendrai alors l’histoire navale là où je l’ai laissée, soit au début du règne d’Henri IV.»
Churchill et Roosevelt à Québec: grande et petite histoire des conférences de 1943 à 1944 de Charles-André Nadeau est présentement disponible en librairie au coût de 29,95 $ (papier) et 14,99 $ (PDF ou ePub). Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.
*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions du Septentrion.
Quelques images tirées de «Churchill et Roosevelt à Québec»
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