LittératureDans la peau de
Crédit photo : Martine Doyon
Catherine, on a enfin l’occasion de se parler! Toi qui es Montréalaise pure laine et qui as complété une maîtrise en création littéraire à l’Université du Québec à Montréal, tu oserais dire que ta passion pour l’écriture, elle a pris forme à quel moment, d’après toi?
«Bonjour! Merci pour cette tribune. D’abord, je dois t’avouer que je ne suis pas vraiment Montréalaise… Je suis née à Montréal, mais j’ai grandi en banlieue. Je suis une banlieusarde qui ne s’assume pas!»
«Ma passion pour l’écriture est née en deux temps. Au secondaire, j’avais beaucoup de difficulté en lecture. Pour me faire pratiquer, ma mère m’a offert un recueil de nouvelles de Stephen King, son auteur préféré. Non seulement ça m’a aidée à mieux lire, mais ça m’a donné le goût d’écrire à mon tour. J’ai alors commencé à inventer mes propres histoires, mue par un amour de raconter.»
«Puis, quand je suis arrivée à la maîtrise en création littéraire, ma passion pour l’écriture s’est vraiment approfondie. J’ai découvert mon style, et j’ai appris à travailler la langue. Kerouac disait que l’écriture est comme le jazz… à la maîtrise, j’ai appris à composer ma propre musique. Ma passion s’en est trouvée renouvelée.»
Comme autrice, tu es plutôt de nature polyvalente, ce qui est une belle qualité en soi, puisqu’en plus d’écrire de la poésie – ton intérêt porte d’ailleurs sur le territoire et la musicalité de la langue québécoise –, tu as aussi fait paraître divers ouvrages, dont des recueils de nouvelles, des romans jeunesse et des romans policiers. Comment te vient ton inspiration, et comment réussis-tu à passer d’un genre à l’autre aussi aisément?
«Ce n’est pas trop difficile pour moi de passer d’un genre à l’autre parce que chaque genre a son style particulier et sa manière de s’écrire. Par exemple, c’est une langue sauvage (comme le territoire) que j’emploie pour écrire de la poésie. Une chose est sûre, la parole québécoise est au cœur de ma pratique poétique.»
«Pour les romans, ce sont plutôt les personnages qui me servent de piliers. Avant d’écrire, je dois savoir qui ils sont, ce qu’ils ressentent, comment ils parlent, ce qu’ils veulent, quelles sont les dynamiques qui les unissent. À partir de là, l’intrigue s’invente d’elle-même.»
«Par exemple, pour mes romans policiers, tout est parti du personnage de Léopold. Il est allé faire la guerre pendant six ans parce qu’il était convaincu que c’était la bonne chose. En quoi ça l’a changé? Et sa femme, qu’est-ce qu’elle a fait pendant qu’il était parti? Et son meilleur ami, qu’est-il devenu? Après avoir compris tout ça, c’était facile de déterminer comment ils réagiraient dans le cadre d’une enquête.»
«Mais tout partait de là, de mes personnages.»
L’année 2023 souligne ton grand retour dans l’univers du roman policier – même si plusieurs ados ont eu entre-temps leur dose d’adrénaline du côté de la collection Frissons sang pour sang Québec avec Menace au camp et Pensionnat hanté, entre autres – car après la parution de Brébeuf (Triptyque), tu as fait paraître Femmes de désordre (VLB éditeur), le 4 mai dernier. Dans cette histoire d’après-guerre, plongé dans le Montréal de la fin des années 1940, on suit la journaliste Suzanne Gauthier, dont la vie est menacée suite à des dénonciations publiques qu’elle a faites à propos des conditions de vie déplorables des tenancières de «maisons de désordre». Dis-nous donc ce que tu as tenté de dépeindre à travers ce récit sombre!
«Femmes de désordre, c’est un roman qui est né d’une idée: celle de parler du Red Light montréalais. Je suis loin d’être historienne, mais je fais beaucoup de recherches pour écrire mes romans, et j’ai appris des choses qui m’ont vraiment intriguée.»
«Dans le temps, quand on parlait de prostitution, on disait toujours qu’il y avait inévitablement de la coercition. On évacuait complètement la possibilité que ce soit un métier choisi délibérément. La police voulait à tout prix faire fermer le Red Light pour «assainir la ville», comme elle disait, mais surtout sous prétexte de «sauver» les prostituées, qui étaient considérées sans défense. La vérité, c’est qu’il y avait beaucoup de personnes qui étaient heureuses de faire ce métier-là.»
«J’ai essayé de dépeindre cette dualité-là, celle entre l’opinion publique et la réalité des maisons de désordre. Je voulais, en fiction, redonner une certaine agentivité à ces femmes-là.»
Toi qui es plutôt habile pour jouer avec les codes du roman noir et pour attirer l’œil de tes lecteurs et lectrices grâce à une écriture vive et accrocheuse, es-tu toi-même une grande lectrice de romans policiers et de polars? Parle-nous de tes influences dans le genre et des qualités qui, selon toi, font partie de la recette gagnante d’un bon suspense!
«Je suis une grande lectrice de romans policiers, mais je suis assez difficile. J’aime les romans polyphoniques, les intrigues alambiquées, les histoires touchantes… et surtout les romans policiers écrits par des femmes. Agatha Christie était l’une de mes écrivaines préférées quand j’étais petite, mais aujourd’hui, c’est plutôt les Gillian Flynn, Lucy Foley et Liane Moriarty de ce monde que j’aime lire.»
«Les qualités d’un bon suspense, à mon avis? Un bon plan! Sérieusement, quand je travaille, j’ai un tableau hyper détaillé de mes trames (puisque j’en ai toujours plusieurs en parallèle), et je planifie à quel moment seront dévoilées quelles informations, qui détient quelle clé pour résoudre l’énigme, qui devrait parler à qui et quand cela va arriver… C’est comme un immense casse-tête!»
«J’ai l’impression que c’est ce qui peut rendre le suspense le plus efficace possible, puisque les informations importantes sont livrées au lecteur au compte-goutte et de manière contrôlée.»
Et si on poussait la curiosité jusqu’à oser te demander si tu travailles déjà à d’autres projets en ce moment, aurais-tu l’audace de nous en glisser un mot, ou deux, ou trois, peut-être? On ne dira rien à personne, promis juré!
«Oui, j’ai la chance d’avoir plein d’autres projets que j’adore!»
«D’abord, avec ma meilleure amie, l’autrice Audrey Boutin, j’écris et j’enregistre un balado humoristique consacré aux crimes québécois. Ça s’appelle Un peu de crime dans ton café et ça me permet d’allier mon amour de la recherche historique avec mon côté ludique. Audrey et moi, on y travaille activement depuis 2020 et ça nous tient bien occupée!»
«Sinon, j’ai d’autres projets d’écriture en chantier… dont un troisième roman policier et une série de romans pour un public jeune adulte.»
«Encore une fois, je m’essaie dans un nouveau genre littéraire. Ça me donne des défis et ça me motive grandement. C’est le nerf de la guerre, la motivation! Et la passion. Mais ça, je n’en manque pas.»