LittératureDans la peau de
Crédit photo : Émilie Dumais
Carol-Ann, tu es candidate au doctorat en littérature et arts de la scène et de l’écran à l’Université Laval, tu as aussi effectué diverses résidences de création, et tu as réalisé des films d’animation qui ont fait la tournée des festivals! Peux-tu nous parler de ton déclic, de ce moment précis où tu as réalisé que les arts te faisaient vibrer de l’intérieur? Résume-nous brièvement ton parcours, on aimerait bien en savoir un peu plus!
«Honnêtement, je trouve qu’il est un peu difficile de trouver un moment précis où j’ai choisi de m’investir dans les arts. Nos choix de vies reposent sur une multitude de circonstances, de rencontres et d’intérêts selon notre personnalité et le contexte dans lequel on se trouve. Je me suis dit qu’il valait mieux faire un choix qui avait du sens pour moi au quotidien.»
«Peut-être qu’à l’adolescence j’ai fait ce choix consciemment, parce que c’était ce que j’aimais plus que tout. Conséquemment, j’ai fait mes études en arts visuels et en cinéma d’animation du cégep à l’université. Je m’intéresse beaucoup aux processus et aux méthodologies de création de ces disciplines.»
En avril, tu as fait paraître ton deuxième recueil de poésie, intitulé Pussy Ghost, une œuvre qui porte à réfléchir sur la place des femmes dans l’art et la culture d’aujourd’hui. À l’automne 2020 paraissait ton premier recueil, Sanités, chez Moult Éditions. Parle-nous d’abord, si tu le veux bien, de ton inspiration et de ce qui t’a donné l’impulsion de te lancer dans l’écriture!
«À l’âge de 16 ans, je rêvais d’écrire mon propre recueil de poésie. Au cours des dernières années, je me suis discipliné à l’écriture (et la réécriture qui y est rattachée). L’écriture est peut-être née du désir de laisser une trace de mes idées, de mes impressions, de ma subjectivité.»
C’est ainsi qu’à travers ce recueil de poèmes, qui se veut un réquisitoire sur la place accordée à la femme dans l’espace public, on y ressent bien sûr ta présence, celle de l’autrice, puisque tu y établis ton identité personnelle, tantôt avec un ton humoristique, tantôt avec un ton plus sérieux. On est curieux de savoir: qu’est-ce qui t’a motivé à explorer, à travers les mots, cette thématique précise?
«Lors de mes études en cinéma, je me suis aperçu que le travail des femmes n’était pas valorisé en général, surtout dans une perspective historique. D’abord, l’écriture de mon recueil de poésie Pussy Ghost était un prétexte, pour moi, de rendre hommage aux femmes cinéastes. Puis, au fil de l’écriture, je me suis immiscé à travers d’autres voix, un peu de manière durassienne.»
«Pussy Ghost est divisé en trois sections. La première section est écrite à l’infinitif. À travers la voix des autres femmes cinéastes, je prends la parole sous une forme distante. Les deux autres sections sont écrites au «je». Il y a un rapport à la fois intime et éclectique à l’écriture. Je m’intéresse à l’univers, aux concepts mathématiques, à l’informatique, en y ajoutant une touche de sensualité.»
On décrit ton style d’écriture comme une langue qui oscille entre l’oral et l’écrit, entre la langue parlée et écrite. Peux-tu nous en dire plus sur ton intention derrière l’écriture et sur la forme que tu as souhaité donner à tes poèmes? Si tu es partante, on aimerait bien, du même coup, que tu nous partages ton extrait préféré, avec en bonus ta propre interprétation!
juste partir
pour être entendue
enfin.
«Ce poème termine la première section, «celles de l’ombre». Pour ce poème, je fais référence au film Elles (2011) de la réalisatrice polonaise Małgorzata Szumowska. Pour résumer le film, il s’agit d’une journaliste (Juliette Binoche) qui écrit un article sur des étudiantes qui sont travailleuses du sexe. À travers l’écriture de son article, cette dernière poursuit une quête de liberté et prend conscience de la pression sociale qui est exercée dans son quotidien. Ce film m’a beaucoup touché, car il met en valeur l’agentivité des femmes et la réappropriation de leur corps. Entre le rêve et le réel, il y a une recherche de désirs et de vérités.»
Toi qui es une touche-à-tout et qui sembles avoir toujours les mains occupées – et la tête remplie d’idées nouvelles! – à quoi ressemble 2021, pour toi? Partage-nous tes projets en cours ou à venir, on aimerait bien savoir si on va à nouveau entendre parler de toi très prochainement!
«Avec plaisir! Depuis 2018, je travaille sur un vinyle, Cri de velours, qui porte sur le cri féminin. Les œuvres de Yoko Ono et Marina Abramović m’ont beaucoup inspiré pour ce projet. Je trouve qu’il y a quelque chose de puissant et de désinvolte dans l’acte de crier, surtout dans des lieux inusités. Je souhaitais attribuer au cri féminin une valeur positive et esthétique.»
«En 2019, j’ai crié et enregistré dans les studios d’Avatar (Centre d’artistes en art audio et électronique de la ville de Québec). J’ai créé deux trames sonores à partir de mes expérimentations vocales et bruitistes. À la suite de mes explorations sonores, il en résultera une installation sonore présentée sous la forme d’un plancher interactif.»
«Mes trames sonores seront utilisées dans l’installation afin d’être activées par la déambulation des spectateur·trice·s. La sortie du vinyle est prévue très bientôt.»