«Dans la peau de…» Julien Lavoie, poète qui dévoile son premier recueil «Déclin» – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Julien Lavoie, poète qui dévoile son premier recueil «Déclin»

«Dans la peau de…» Julien Lavoie, poète qui dévoile son premier recueil «Déclin»

Faire une généalogie des lieux pour mieux s'enraciner dans le présent

Publié le 26 mars 2021 par Mathilde Recly

Crédit photo : Sarah Brunet Dragon

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd’hui, nous avons jasé avec Julien Lavoie, poète dont le tout premier recueil de poèmes, Déclin, sortira ce 6 avril aux Éditions du Noroît. Préparez-vous à vivre une traversée toute en poésie de ses lieux intimes, une façon de se reconnecter à ses propres racines.

Julien, en faisant nos petites recherches, on a découvert que tu as récemment suivi une maîtrise en études littéraires à l’UQAM. On est curieux de savoir: d’où t’est venue la piqûre pour le monde des lettres, en fait?

«Un voisin avait construit pour moi une cabane dans un arbre, près de la maison familiale. Mes amis et moi avions trouvé des livres dans un conteneur à déchets. De la littérature de genre, d’après les couvertures dont je me souviens. Je me rappelle les avoir regardé comme des trucs intrigants, mystérieux, mais de ne pas les lire, ou à peine quelques extraits. On en avait garni les murs de la cabane, faits en palettes de bois.»

«Après, c’est par l’amitié que c’est arrivé, et par la musique, par les paroles. J’avais un ami qui adorait la musique et le cinéma. Il me partageait des trucs intéressants. À 19 ans, dans l’Ouest, j’ai rencontré un peintre. Il s’appelait Didier. Quand je suis revenu de voyage, j’ai annoncé à mes parents que je m’en allais en lettres. J’avais à peine lu jusque-là, mais j’en avais le désir profond. C’était rempli de secrets. À partir de là, j’ai plongé. Ça a été une suite de révélations. Je me rappelle d’être en train de lire Paludes, d’André Gide, de ne pas en comprendre grand-chose, mais de sentir alors que j’accédais à quelque chose de grand, d’aussi grand que l’enfance que je laissais derrière moi.» 

Dans le cadre du programme universitaire que tu as suivi, le volet création de ton mémoire consistait – entre autres – en un recueil de poèmes en prose divisé en trois suites. Qu’est-ce qui résonne particulièrement en toi dans le genre littéraire qu’est la poésie? On aimerait aussi que tu nous parles du (ou des) sujet.s que tu as souhaité approfondir dans ce travail!

«La poésie me permet de faire court et d’aller droit au but. Alors que tout va trop vite, où le temps ne cesse de manquer, c’est la raison pragmatique que je donnerais. L’autre raison est plus mystique. J’entendais le chanteur de Feu! Chatterton dire que la poésie faisait vibrer la toile du monde, ou quelque chose du genre. Je pense en effet qu’elle est, avec la prière, ce qui se rapproche le plus du “mystique” — un mot sûrement trop galvaudé —, et puisque je cherche une communion avec quelque chose qui me dépasse, j’en appelle au poème, à sa vérité.»

«Mon livre rejoint des thématiques que j’ai explorées pendant mes études. Je reviens sur les questions d’enracinement, mais certainement pas avec la même positivité qu’à l’époque. J’ai dû me défaire de certaines constructions identitaires pour écrire ce livre-là; me dépouiller de plusieurs conditionnements, dont ceux de l’Histoire, pour arriver au poème. Je ne pense pas que j’y étais tout à fait arrivé dans ce recueil en prose dont tu parles, même si je le désignais alors comme de la poésie. Maintenant, je le vois comme un roman dont les enjeux me paraissent déjà appartenir à une autre époque.» 

Le 6 avril prochain, ton premier livre Déclin sera publié aux Éditions du Noroît. Il s’agit d’un recueil de poèmes où «néo-lyrisme et littérature du terroir se conjuguent en une poésie narrative». Quelles ont été tes inspirations pour ces textes, et quelles réflexions en sont ressorties pendant le processus d’écriture?

«Le mont Saint-Hilaire, près duquel j’habite depuis quelques années, est très présent dans ce livre. Ce n’est pas toujours explicite, mais, personnellement, je le sais très présent. À cause de cela, Déclin est le premier de mes travaux d’écriture qui parle de “l’ici” et du “maintenant”. Pour y arriver, je repasse par une sorte de généalogie des lieux – de mes lieux intimes – mais, au bout du compte, c’est pour mieux m’enraciner dans le présent, justement.»

«J’ai longtemps voué un culte au passé: c’est là que je cherchais mes racines, alors que je les trouve maintenant davantage dans les falaises, dans le sol sablonneux des alentours, dans ce territoire qui me fait du bien.»

«La thématique de l’enracinement est donc encore présente. D’ailleurs, la figure du père traverse le livre, il y a une sorte de face-à-face entre le “je” et ce père plus grand que nature. En le rencontrant – et peut-être en le défiant –, je cherche à subjectiver ma démarche. Autrement dit, dans ce livre-là, j’essaie tant bien que mal de devenir un homme, de sortir de l’adolescence une bonne fois pour toutes. Je suis devenu papa entre le début de l’écriture et la fin de l’écriture. Ça aide définitivement à atterrir dans le présent.»

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On comprend aussi que cet ouvrage est une quête de soi, en quelque sorte, où tu cherches à mieux comprendre la trajectoire que tu suis en te basant sur «un passé idéalisé et un présent fugitif». Peux-tu nous expliquer le choix du titre, «Déclin», qui s’avère à la fois mystérieux et fort en images?

«De chez moi, je vois la montagne, la Falaise-de-Dieppe. Du haut de Dieppe, à travers le temps, des fragments de roche et de gros blocs erratiques ont chuté et roulé parfois, jusqu’à quelques dizaines de mètres des maisons. À la base, il y a ce déclin-là.»

«Par ailleurs, dans un de ses livres, Martin Heidegger a écrit quelque chose comme: “la pensée devra descendre et tracer d’humbles sillons dans la terre comme le font les labours”. Je cite cela de mémoire. C’est probablement complètement autre chose qu’il a écrit. Mais j’aime cette prophétie et je me la rappelle souvent.»

«Avant l’écriture de ce livre, sur un Post-it collé à mon ordinateur, j’avais écrit, en guise de motivation, “monte l’Everest”. Une journée de découragement, j’ai rayé “monte” et écrit “descends” à la place. Ma blonde a trouvé cela bien drôle. Quand j’y pense, je crois que cette rature et ce changement de verbe sont à l’origine de mon recueil.»

«Bref, j’ai voulu ce recueil comme une chute vers quelque chose de plus élémentaire, de plus simple. Je suis tombé, avec l’écriture, du haut de quelques étages d’idéalisme, vers du plus authentique.»

«Je crois par ailleurs qu’un certain “déclin” au niveau de nos attentes collectives, de nos habitudes, de nos désirs vertigineux de gains et de croissance, est à espérer.»  

Songes-tu déjà à publier un prochain recueil et, si oui, quel.s sujet.s penses-tu explorer et pourquoi?

«Un autre recueil attend dans une armoire. J’entrerai en réécriture dès que l’occasion se présentera. C’est dans le “retravail”, pour moi, que ça commence pour vrai, beaucoup plus que dans l’écriture du premier jet. J’aime mettre les choses en morceaux et rebâtir un tout cohérent. J’aime les compositions et la tension qui les soutient.»

«Pour ce qui est du prochain livre, je me retiens d’en parler à ce point-ci, peut-être par superstition; je crois qu’en s’avançant trop, on étouffe un peu la flamme. Toutefois, je peux dire que ce sera passablement dans la continuité de Déclin, mais avec une conscience plus grande de l’époque dans laquelle on vit et tout le bruit qui vient avec elle.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions du Noroît.

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