LittératurePoésie et essais
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Déconstruire cette grossophobie qui ne nous appartient pas n’est pas une mince tâche! Pourtant, Gabrielle Lisa Collard le réussit avec brio à travers cet ouvrage. Avec colère, humour et modestie, elle instruit son lectorat, montre sa vulnérabilité, ses cicatrices ainsi que les vestiges d’une enfance et d’une vie en tant que personne grosse qui baigne dans un monde qu’elle juge de grossophobe.
Le tout, dans ses mots crus et tranchants qui vous marqueront au fer rouge.
«Ce livre, ce n’est pas seulement une compilation de son œuvre, c’est un miroir trop longtemps porté à nos corps mal-aimés qu’elle ose, dans son illustre fougue franglophone, retourner contre le système qui le brandit» – Manal Drissi, autrice, scénariste et chroniqueuse
Grosso-quoi…?
Première pilule à avaler: on est tous grossophobes.
Tout d’abord, l’autrice de cet essai ouvre le bal avec une définition claire et simple de ce qu’est la grossophobie, c’est-à-dire tout ce qui englobe les préjugés négatifs à l’endroit des personnes considérées comme grosses, ou du moins plus grosses que ce que dictent les standards de beauté.
C’est aussi la peur d’engraisser, et elle n’épargne absolument personne.
Les personnes minces qui ont peur de prendre du poids, les personnes enrobées qui veulent en perdre, les aliments dits «santé», les calories, le segment «je vais devoir brûler ça au gym» qui suit trop souvent le début de la phrase: «J’ai trop mangé»… ce sont toutes des manifestations de la grossophobie.
À la lecture de ce livre, on réalise assez vite à quel point on a déjà tenu des propos ou eu des comportements grossophobes. Et ce n’est pas grave.
Comme elle l’a si bien écrit: «Ce n’est pas de notre faute si on est grossophobe, mais c’est notre responsabilité de ne pas le rester.»
À travers ses textes, témoignages et réflexions, l’autrice du blogue Dix Octobre nous amène à tranquillement prendre conscience de la réalité des personnes jugées comme grosses, des difficultés qu’iels vivent au quotidien, du jugement et du regard méprisant des autres, et de la discrimination continue à laquelle iels font face.
Une prise de conscience nécessaire
Deuxième pilule à avaler: ce mépris envers les grosses personnes est absolument partout.
Les différents chapitres du livre pointent du doigt les diverses formes et manifestations de cette haine envers les personnes aux gros corps dans la société. Elle aborde, entre autres, le culte de la minceur, la culture des diètes qui vivent de leur inefficacité, la grossophobie dans le monde médical, qui est, soit dit en passant, un véritable fléau. La militante donne même quelques phrases et trucs pour être bien entendu.e face à un professionnel de la santé qui tiendrait des propos grossophobes.
Elle traite également de la représentativité des gros dans la culture et les médias. Pourquoi la plupart des personnages gros sont-ils méchants, mauvais ou stupides? Elle mentionne Dudley de la saga Harry Potter et Ursula dans La petite sirène en guise d’exemples.
En effet, pourquoi le mot gros est-il péjoratif lorsqu’on parle d’une personne, mais pas d’une maison? Ce sont toutes des questions qu’elle soulève, et à cela elle y répond en grosses majuscules fâchées: «PARCE QUE LE MONDE EST GROSSOPHOBE».
«La grossophobie est la seule chose qui soit plus forte que le capitalisme»
Cette phrase restera gravée dans ma mémoire, parce qu’elle est tellement vraie: même les compagnies de vêtements ne veulent pas créer de tenues adaptées à un corps voluptueux et «hors normes». Les grosses personnes ne sont pas rentables, et Gabrielle Lisa Collard se bat corps et âme pour briser l’indésirabilité des grosses enveloppes charnelles et pour neutraliser l’adjectif gros lorsque adressé à des personnes.
Frustrée, mais fière de l’être
Par sa colère contagieuse, Gabrielle m’a vraiment ouvert (encore plus) les yeux sur la réalité d’une personne grosse au quotidien. Personnellement, j’ai été saisie d’une énorme compassion et d’une plus grande compréhension de ce système grossophobe qui est malheureusement le seul que nous avons connu.
Finalement, cette lecture m’a tellement éclairée sur le sujet. Elle m’a tellement frustrée, m’a tellement touchée et, pourtant, je ne suis qu’en mesure de me rattacher qu’à une portion de ses propos. Je suis fru, oui, mais je n’ai jamais été aussi contente d’être fru devant tant de haine et de souffrance envers des gens qui ne demandent qu’à être traités de manière égale. La bonne nouvelle, c’est qu’on a le pouvoir de changer ça.
L’autre bonne nouvelle, c’est que ce livre est une arme quasi fatale de déconstruction massive.
Corps rebelle m’a instruite et m’a donné des pistes pour devenir une bonne alliée en tant que personne mince, car dans cette société qui a horreur des bourrelets, la grossophobie ne s’adresse certainement pas qu’à ceux et celles qui ont des poignées d’amour.
Gros.se, mince ou quelque part entre les deux, lisez ce livre; c’est nécessaire.
L'avis
de la rédaction