«Civilisés» de Patrick Senécal aux Éditions Alire – Bible urbaine

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«Civilisés» de Patrick Senécal aux Éditions Alire

«Civilisés» de Patrick Senécal aux Éditions Alire

À lire avec légèreté pour une appréciation plus digeste

Publié le 21 juin 2024 par Éric Dumais

Crédit photo : Éditions Alire

Je n’ai jamais ô grand jamais été déçu par un roman de Patrick Senécal, mais il fallait bien que ça arrive un jour, et ce fameux jour a fini par arriver. Civilisés, son plus récent roman sorti le 25 mars aux Éditions Alire et qui, en plus, fait 630 pages!, ne m’a pas du tout fait vivre la même excitation et ce bonheur d’être à nouveau plongé dans une autre histoire de fou où j’ai carrément mal pour le protagoniste. Et le pire, c'est que je n’ai pas réussi à m’attacher à aucun des personnages, car cette fois, c’est d’une gang qu’il est question, et c’est bien parce qu’ils sont tellement caricaturaux qu’ils en deviennent vite ennuyeux.

Bon, ça parle de quoi cette histoire, alors? Eh bien, c’est simple: un psychologue nommé Bernard Sean est l’instigateur d’une expérience «scientifique» – j’ai mis des guillemets, ce n’est pas pour rien! – visant à rassembler douze participants et à les laisser interagir entre eux le temps d’une petite semaine, d’abord à bord d’un yacht, puis sur une île «presque» déserte.

Déjà, le Bernard en question porte un t-shirt de Nine Inch Nails le jour où il fait la rencontre desdits participants, c’est dire à quel point il est d’un grand sérieux… pour un psychologue, on s’entend!

Durant au moins 30 pages, Senécal nous offre, au fil des discussions entre ses personnages qui apprennent tranquillement à s’apprivoiser, et à coup de descriptions physiques et psychologiques qui n’en finissent plus, un bourrage de crâne en règle. L’exercice aurait pu être sympathique, car l’auteur a pris la peine d’ajouter des pages blanches à la fin du livre où il invite ses lecteurs à noter les caractéristiques de chacun des personnages pour qu’il s’y retrouve, mais en vrai, ce n’est pas une nécessité, puisqu’une mémoire, ça se travaille, et qu’on n’a pas vraiment un rôle actif à jouer; on se laisse porter par l’histoire, impuissant∙e quant au dénouement.

Moi qui m’attendais à noircir du papier comme à la belle époque des livres dont vous êtes le héros!

Et donc, c’est comme un Squid Game version québécoise?

Pas vraiment. Squid Game, ça j’ai capoté. La force de cette série, c’est qu’elle joue dans la cour de l’impitoyable. Chaque participant peut littéralement laisser sa peau s’il échoue à une épreuve. Et quand il meurt, il meurt pas à peu près. Merci, bonsoir.

Dans Civilisés, et rassurez-vous, je ne vous dévoile aucun punch ici, celui qui commet le massacre, c’est une vraie parodie sur deux pattes, et quand il commet ses atrocités, le sang gicle de partout, comme dans Evil Dead. Des têtes arrachées, des mâchoires disloquées et de l’hémoglobine qui gicle exagérément, c’est salissant, certes, mais ça n’effraie pas tant que ça.

Bref, dans ce livre, les participants tombent comme des mouches, et le pire, c’est que je n’ai même pas eu le temps de m’attacher à eux.

Règle générale, ce sont les mots durs, impitoyables et fatidiques de Patrick Senécal qui glacent d’effroi, celui qui sait comme personne d’autre raconter le mal comme dans Le vide ou Hell.com. Mais dans ce récit, que j’oserais plus qualifier de «grosse parodie», ce n’est pas lui le «maître de cérémonie» ni Bernard-le-pseudo-psychologue d’ailleurs. La voix de Senécal est en quelque sorte celle d’un narrateur omniscient pseudo-littéraire-intellectuel qui parle sans cesse, qui a un commentaire sur tout, et qui se veut en quelque sorte notre longue-vue sur les évènements qui se déroulent sous nos yeux.

Cela dit, attention: je n’ai pas tout détesté Civilisés non plus, même que détesté est un grand mot. Disons que je me suis plus ennuyé qu’autre chose et que j’ai mis ma patience à rude épreuve pour me rendre jusqu’au dénouement qui m’a, vous l’aurez compris, laissé au neutre.

Au fil des chapitres, ça manque cruellement d’action, les personnages stagnent beaucoup trop – ils en viennent à construire une cabane sur près de 400 pages… – et ça tourne en rond, encore et encore.

À lire avec légèreté pour une appréciation plus digeste

Lisez-le donc Civilisés et faites-vous-en votre propre opinion. Senécal reste un écrivain talentueux, une figure de l’horreur québécoise que j’admire depuis un bon nombre d’années, et ce n’est pas un ouvrage moins enthousiasmant – à mes yeux – qui va changer toute l’admiration que j’ai pour son travail.

Mais si j’ai un conseil à vous donner, un seul, c’est lisez-le, avec légèreté, en gardant en tête que c’est comme lorsqu’on allume la télé et qu’on tombe sur une émission de téléréalité: on se prend à regarder un épisode, on finit par se moquer des participants, qui sont tellement caricaturaux qu’ils en deviennent gênants, voire grossiers, le temps file à toute allure, comme si on nous avait jeté un sort, et, à notre insu, on se rend compte qu’on les connaît tous par cœur, et que la saison entière est derrière nous…

Ça m’a fait le même effet avec Civilisés, à la différence près que la finale s’est pas mal fait attendre!

«Civilisés» de Patrick Senécal, Éditions Alire, 2024, 631 pages, 36,95 $.

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