LittératurePolars et romans policiers
Crédit photo : Albin Michel, Belfond et Fleuve noir
Pour une dose d’étrangeté: L’Outsider de Stephen King
570 pages • Albin Michel • 36,95 $
Le maître de l’horreur Stephen King semble avoir décidé de ranger définitivement sa bonne vieille casquette au placard pour la remplacer temporairement par celle avec l’étoile du shérif en son centre, puisqu’aux termes de sa trilogie autour de l’inspecteur Bill Hodges et de son fameux tueur à la Mercedes, voilà qu’il nous plonge à nouveau dans une enquête épineuse et pour le moins casse-tête, cette fois en ciselant finement sa trame narrative pour que derrière l’horreur se dévoile les fils de l’étrangement inquiétant. Un roman qui vous tiendra bien scotché dans l’attente d’une vérité… mais dans cet univers infini, qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui est… improbable? Après Les Tommyknockers et Ça, découvrez L’Outsider. Dangereusement vôtre.
Pour une dose de fuite métaphorique avec Le Meurtre du Commandeur d’Haruki Murakami
927 pages (au total) • Belfond • 32,95 $ (chaque livre)
Il y avait un moment que l’auteur japonais Haruki Murakami n’avait pas autant poussé l’audace à travers son écriture – depuis 1Q84 pour être exact. On le sait grand amateur d’art et de musique classique, notamment d’opéras, et une fois de plus, ces deux passions servent la trame narrative de ce diptyque qui donne, après coup, une impression de rêve éveillé au lecteur. L’histoire, en apparence simpliste – un Japonais, portraitiste de métier, se fait larguer par sa femme après six ans de vie commune et se retire dans les montagnes pour aller vivre dans l’ancienne demeure d’un artiste de renom, Tomohiko Amada. Entre sa rencontre avec le mystérieux Wataru Menshiki, l’opéra Don Giovanni de Mozart et la découverte de la toile Le Meurtre du Commandeur, le narrateur voit les contours de sa vie devenir flous et une surréalité apparaître pour mieux l’engloutir… Fantastiquement ensorcelant.
Pour une dose d’effroi: Le Signal de Maxime Chattam
740 pages • Albin Michel • 34,95 $
Maxime Chattam n’a pas l’habitude de faire dans la dentelle et sa récente brique de 740 pages, Le Signal, ne fait pas exception à la règle! Poussant à son comble le concept du roman de l’effroi, avec une jaquette sombre aux reflets argentés, derrière laquelle se cachent plusieurs centaines de pages aux contours d’un noir d’encre, l’auteur nous plonge dans une Nouvelle-Angleterre ayant conservé les stigmates de la chasse aux sorcières de Salem. Dans ce récit ambitieux où les accidents tragiques se succèdent et où les cadavres, affreusement déboîtés, s’empilent à un rythme inquiétant, les autorités policières comme les citoyens restent perplexes devant tant d’horreurs et d’étrangetés, voyant du même coup la quiétude de Mahningan Falls se transformer en hécatombe funèbre. D’une grande noirceur.
Pour une dose d’inquiétant: Visions de S.L. Grey
334 pages • Fleuve noir • 34,95 $
Mark et Steph, un couple d’Afrique du Sud, s’envolent sur un coup de tête vers Paris, Ville lumière aux mille et un attraits, pour se remettre d’un récent traumatisme. S.L. Grey, c’est le diminutif de Sarah Lotz et Louis Greenberg, qui ont tout misé, pour ce second roman écrit à quatre mains, sur l’efficacité d’une narration en alternance entre un couple de protagonistes pour révéler deux caractères qui jurent drôlement ensemble. Comme lecteur, on se retrouve vite bringuebalé, comme une valise, au rythme des malchances qui s’enchaînent, dans cette histoire qui nous fait entrevoir, à des moments clés, une délimitation étrangement inquiétante entre réalité et irréalité. Et si les visions tragiques entrevues par Mark et Steph avaient réellement pris forme en ces lieux? Étrangement captivant.
Pour une dose d’enquête à donner froid dans le dos: Octobre de Søren Sveistrupt
633 pages • Albin Michel • 36,95 $
Ce nouveau venu en littérature nordique n’est pas un pur inconnu: ce nom ne vous dit peut-être rien qui vaille, mais… The Killing, ça vous dit quelque chose? C’est que vous avez sous les yeux le scénariste de la série danoise couronnée de succès à sa sortie en 2011! Anecdote: c’est un de ses proches qui aurait lourdement insisté pour qu’il se mette à l’écriture d’un roman policier! Chose dite, chose faite: le Danois livre, avec Octobre, une enquête policière d’une qualité irréprochable, où on a l’impression de voir ressuscités Sarah Linden et Stephen Holder, pris dans la tourmente d’une vague de meurtres crapuleux et de membres tronçonnés où un tueur en série laissent sur ses scènes de crimes des bonhommes en marrons et allumettes, comme s’il souhaitait réveiller de vieux souvenirs enfouis. À quoi rime ce cirque sadique? LA surprise de la rentrée littéraire.
Pour une dose de folie vitaminée avec MAD de Chloé Esposito
469 pages • Fleuve noir • 37,95 $
Ces rares chanceux qui, comme moi, ont lu Zone B de Marie Hermanson dans la belle collection Actes noirs, plongeront avec délectation dans ce premier roman de Chloé Esposito, qui a imaginé une anti-héroïne à la fois naïve et tueuse en série en la personne d’Alvie Caruso. Cette Londonienne s’envolera, après avoir reçu un courriel mystérieux de sa sœur aînée Beth, vers la Sicile, où cette dernière l’attend aux côtés de son richissime mari avec une ferme intention: qu’elle se fasse passer pour elle l’instant d’un après-midi. Voilà une demande bien audacieuse, me direz-vous! Et vous n’avez même pas idée à quel point les évènements vont tourner au vinaigre! Là réside l’ultime force d’Esposito: agripper son lecteur par le collet avec une plume audacieuse, ici coup de poing, là humoristique… Plaisir garanti.
Pour une dose d’hypnose régressive avec La boîte de Pandore de Bernard Werber
543 pages • Albin Michel • 34,95 $
Roman le moins effrayant de la bande, mais pas pour autant de tout repos, ce petit dernier de Bernard Werber nous prouve qu’il n’a visiblement pas tout expérimenté, encore! Après avoir étudié à la loupe le monde complexe des fourmis, les origines de l’humanité, et la vie après la mort, voilà qu’il s’intéresse maintenant à l’hypnose régressive… et aux vies antérieures! En exégèse, Paul Éluard s’exclame: «Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses». Pas avec Werber! Et qui est le chanceux qui va découvrir ce qu’il a été dans ses vies précédentes? René Toledano, un professeur d’histoire de 32 ans, qui vit actuellement sa 112e vie! Le protagoniste succombera bien malgré lui aux vertiges de savoir qui il a jadis été derrière les portes de sa mémoire profonde… Audacieux.
Pour vivre une enquête psychologique à bâtons rompus avec La fille muette de Hjorth & Rosenfeldt
474 pages • Actes Sud • collection Actes Noirs • 44,95 $
On a limite l’impression d’être l’invité que l’on attendait pas lorsqu’on ouvre ce livre, tellement les profils des personnages, pour la plupart des enquêteurs de la police de Stockholm, sont à l’apogée des clichés et stéréotypes – le psychothérapeute Sebastian Bergman est décrit comme un coureur de jupons sans précédent; Torkel a un oeil sur Ursula qui elle vient d’en perdre un lors d’une attaque à main armée; Vanja entretient une relation mi-sucrée mi-amer avec le fameux Sebastian, qui s’avère en réalité être son père – bref, vous voyez où je veux en venir. C’est que le tandem d’auteurs Hjorth & Rosenfeldt nous livrent ici un autre chapitre d’une série déjà connue des lecteurs, mettant en scène le célèbre profiler. Dans cette histoire, découvrez Nicole, 6 ans, qui assiste au meurtre de toute une famille, avant de se réfugier dans un mutisme total… Si vous êtes un nouvel initié, armez-vous de patience, car vous finirez par avoir autant de plaisir que les habituels convives. Effroyable!