«11 brefs essais contre l’austérité», rassemblés par Ianik Marcil – Bible urbaine

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«11 brefs essais contre l’austérité», rassemblés par Ianik Marcil

«11 brefs essais contre l’austérité», rassemblés par Ianik Marcil

Des arguments et des chiffres provenant de la gauche

Publié le 24 mai 2015 par Isabelle Léger

Crédit photo : Éditions Somme toute

Les positions de l’économiste Ianik Marcil sur la gestion des finances publiques et les priorités économiques sont assez bien connues, puisqu’un lectorat varié y a accès sur diverses plateformes médiatiques, entre autres sur son blogue du Voir et dans le Journal de Montréal. Intellectuel se trouvant des affinités avec les sociologues, philosophes et politologues de gauche, il se montre critique de l’aura de vérité scientifique dont ses collègues économistes sont très heureux d’être couronnés. C’est une voix discordante dans son milieu. Son parti pris est donc très clair, et les collaborateurs qu’il a convoqués pour cet ouvrage parlent le même langage.

D’entrée de jeu, par l’utilisation du mot contre, le titre du recueil ne laisse planer aucune ambiguïté. Le but de Marcil et des onze essayistes n’est pas de réfléchir sur l’austérité ni d’en débattre, mais bien d’exprimer leurs idées «pour stopper le saccage planifié de l’État». De prime abord, on s’étonne qu’un intellectuel comme lui n’ait pas voulu faire entendre des opinions divergentes sur un même sujet. On comprend que sa motivation vient du désir de faire contrepoids au discours officiel du gouvernement, qui se pose en bon père de famille détenteur de la vérité. Ce tour d’horizon des répercussions des mesures d’austérité par secteur offre des arguments pour mettre la droite k.-o., (pour citer Jean-François Lisée). Évidemment, tous les arguments n’ont pas la même force.

L’austérité, la fin ou le moyen?

Dans son introduction, l’économiste attire l’attention du lecteur sur quelques idées trompeuses du discours actuel sur les finances publiques, comme l’état de la dette, le déficit prévu et le faux dilemme entre la réduction des dépenses et l’effondrement de l’économie. Des supercheries comptables, qui poussent Marcil à conclure que le démantèlement des institutions et la privatisation des services ne sont pas des effets collatéraux de l’austérité. Ils en sont l’objectif. On n’applique donc pas des mesures par souci de saine gestion, mais par visée idéologique.

Ce constat peut laisser songeur, mais la manipulation de l’opinion publique n’est pas nouvelle au pays. Les gouvernements fédéraux des vingt dernières années, libéraux et conservateurs confondus, se sont abondamment adonnés aux décisions idéologiques sans que la population ne s’en émeuve outre mesure. C’est donc une bonne introduction en la matière, mais ce n’est (malheureusement) pas un discours à mobiliser les foules.

Mourir pour des idées

On aura beau dire qu’il n’est pas toujours avisé de tenter de se battre avec les armes de l’ennemi – comme lorsqu’on veut prouver la rentabilité de l’industrie culturelle –, rien ne frappe plus fort que des chiffres. À cet égard, le chapitre du médecin urgentiste Alain Vadeboncœur est assommant. L’auteur expose les corrélations entre santé et mesures publiques d’une part, et mortalité et austérité d’autre part. Ses rapprochements semblent tout à fait valables puisqu’il relate des situations vécues simultanément dans des sociétés comparables en période de crise. Il en vient à poser le constat que bien souvent, les compressions budgétaires appliqués aux programmes sociaux sont plus néfastes que la crise elle-même.

Tirant ses données principalement d’un ouvrage intitulé Quand l’austérité tue (Sanjay Basu et David Stuckler) paru en 2014, il oppose les taux de mortalité (notamment par suicide) et de maladie, et d’autres facteurs sociaux comme la pauvreté et le chômage, selon que les gouvernements ont soutenu ou abandonné leurs mesures sociales. Par exemple, en Russie, dans la période de libéralisation des marchés des années 1990, le taux de mortalité a augmenté de 18 % tandis que l’espérance de vie en Chine passait de 67 à 73 ans. Or, y a-t-il un argument plus neutre politiquement et objectif économiquement que la baisse ou la hausse du taux de mortalité?

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